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L’éducation sexuelle pour renforcer les valeurs

Photo: Métro

MONTRÉAL — Les nombreuses allégations d’inconduites sexuelles à l’endroit de personnalités du milieu artistique comme Éric Salvail et Gilbert Rozon, publiées la semaine dernière, ont ramené à l’avant-plan l’importance de l’éducation à la sexualité auprès des adolescents, mais aussi des jeunes enfants.

Le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, a d’ailleurs manifesté son désir d’assurer l’accès à une éducation à la sexualité à tous les enfants de la province, dès le primaire.

La sexologue Valérie Morency, qui se spécialise dans l’éducation à la sexualité en milieu scolaire, estime que l’éducation à la sexualité, en plus de favoriser les comportements sexuels sains, viendrait renforcer des valeurs de base comme l’empathie, l’affirmation de soi et la confiance. La Presse canadienne s’est entretenue avec elle à ce sujet.

Est-ce que l’éducation à la sexualité offerte dès l’enfance pourrait aider à éviter, à l’âge adulte, des inconduites comme celles rapportées dans les derniers jours par les médias?
Oui, c’est sûr que ça peut aider. Ce qui peut être proposé dans les écoles dès la maternelle, c’est par exemple d’enseigner des règles de sécurité sur les bons touchers, les mauvais touchers, sur ce qui me fait plaisir, ce que je n’aime pas, sur la façon d’être capable de dire «non, je n’aime pas ça». On parle d’un contexte sexuel, mais c’est aussi d’apprendre à l’enfant à s’affirmer. On est dans le respect de l’autre, le respect de soi, l’empathie et tout ça.

Après ça, on peut parler de ce qu’on appelle ton système d’alarme, d’écouter son corps. (On leur dit) que oui, des fois, quand un membre de ma famille veut me faire une grosse caresse, je ne suis pas confortable et c’est correct. Quand on impose à nos jeunes enfants d’aller embrasser la visite avant de partir, si l’enfant dit non, il faut respecter ce non-là.

Tous les messages qu’on veut éduquer par rapport à la sexualité sont aussi bons dans la vie en général. Ce sont les règles de base d’estime, de confiance, d’affirmation de soi, de mettre ses limites et les faire respecter. Oui, on parle de consentement, mais le consentement ne va pas s’appliquer juste dans un contexte sexuel.

Comment se ferait le retour de l’éducation sexuelle obligatoire dans les écoles, dans un monde idéal?
Dans un monde idéal, ce serait de nous impliquer, nous les sexologues. Oui, c’est correct que l’éducation à la sexualité soit remise, il y a plein de personnes qui sont compétentes pour le faire. Il reste que nous, les sexologues, on a fait des bac, des maîtrises, spécifiquement là-dessus. Alors oui, ce serait bien que les sexologues soient impliqués, que ça puisse être des sexologues qui les donnent.

Depuis le début du projet pilote (d’éducation à la sexualité, implanté depuis deux ans dans certaines écoles de la province), je dirais que les écoles, souvent, la partie qu’elles souhaitent donner en référence à un sexologue ou autre, c’est tout ce qui touche les agressions sexuelles. Ils ne se sentent pas outillés, équipés en tant que professeurs de français, ou même d’éthique et culture religieuse, pour tout gérer ça.

Ce serait donc une bonne idée d’avoir quelque chose d’encadré et d’obligatoire?
Oui. Si c’est bien fait, ça va être génial et ce seront les élèves qui vont être gagnants. L’éducation à la sexualité, c’est l’éducation à la façon d’être en société aussi. On travaille avec des règles de base. Alors ça va leur servir pour leur évolution, leur maturation sexuelle, mais ça va aussi les aider pour leur confiance en soi. Ce n’est pas rien, la sexualité, quand on parle d’identité sexuelle, d’orientation sexuelle, de relations amoureuses. Si j’ai de la misère, si je me pose la question: «Est-ce que je suis un garçon, est-ce que je suis une fille?», et que je suis en pleine puberté, ça peut être quelque chose de confrontant. Si je ne sais pas vers qui je suis attiré et que je me fais intimider par rapport à mon orientation sexuelle, ça peut influencer mon niveau académique. Si dans ma relation amoureuse, c’est conflictuel, j’ai de la jalousie, il y a de la violence, du contrôle, ça va aussi influencer mon niveau académique.

Quand il est question d’éducation à la sexualité, certains parents peuvent avoir des réserves et ne pas vouloir qu’on parle de sexualité à leur enfant. Que dites-vous à ces parents?
Je tente le plus possible de les rassurer en leur disant que les études démontrent que faire de l’éducation à la sexualité va souvent retarder, entre autres, les premières relations sexuelles, va favoriser un respect dans la première relation amoureuse et sexuelle. Donc plus on va informer la personne, mieux ça va se passer. Parfois c’est plus compliqué et je le vois quand je fais mes conférences-parents dans des milieux très multiculturels où les valeurs et l’éducation par rapport à la sexualité peuvent être différentes. (…) L’important, c’est de poser la question: «Pourquoi ça vous dérange?» L’ouverture est favorable et ce n’est pas parce qu’on en parle que tout à coup, parce que j’ai entendu parler de sexualité, je suis prêt à faire l’amour.

Comment les parents qui ont des enfants plus jeunes peuvent-ils aborder certains sujets relativement à la sexualité, au consentement ou au harcèlement?
Ça peut être aussi jeune que deux ans, alors (que l’enfant) est dans le bain et qu’on nomme les parties du corps. Quand on arrive aux organes génitaux, on leur dit qu’il n’y a qu’eux qui peuvent y toucher. Pas obligé de faire un cours d’une heure! (…) Il faut y aller avec des consignes qui sont courtes, qui sont claires et quand notre enfant nous pose une question, c’est qu’il est prêt à entendre la réponse. Mais évidemment, il faut y aller avec son niveau d’âge. À la question: «Maman, papa, comment on fait des bébés?», je ne dirai pas la même chose à un enfant de quatre ans, à un enfant de huit ans et à un enfant de 12 ans. C’est la même chose que pour les professeurs, le rôle est de rassurer, d’informer.

Si de jeunes enfants entendent parler d’agressions, par exemple celles décrites dans les médias la semaine dernière, comment devrait-on leur en parler?
J’amènerais ça avec l’idée des bons touchers et des mauvais touchers, si on parle à de jeunes enfants. Les rapports d’autorité que nos enfants peuvent vivre, c’est à l’école, dans le sport, avec les parents aussi, et on leur dit que parfois, il y a des grandes personnes qui pensent qu’ils peuvent se permettre de faire des touchers qui ne sont pas appropriés. On n’est pas obligé d’aller dans les détails, on dit que cette personne-là a fait des câlins à quelqu’un qui n’aimait pas ça et que ça lui a fait beaucoup de peine. Ça a été gardé en secret pendant longtemps et le secret est sorti, et la personne se sent mieux parce qu’il était difficile de garder ce secret-là. Parfois, il s’agit juste de le transposer par rapport à une situation qu’un enfant peut vivre.

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