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Discrimination: le budget de la consultation amputé

Photo: Josie Desmarais / Métro

QUÉBEC — La consultation québécoise menée sur les immigrants et l’emploi, qui portait auparavant sur le racisme systémique, continue d’éprouver des difficultés.

Trois semaines après avoir «recadré» le mandat de cette consultation, le nouveau ministre de l’Immigration, David Heurtel, vient d’amputer son budget de moitié, a appris La Presse canadienne. Le coût estimé de l’exercice est maintenant de 475 000 $, alors qu’il frôlait le million de dollars il y a à peine quelques semaines.

Dans sa réponse à une demande d’accès à l’information présentée le 31 octobre, le ministère de l’Immigration évaluait le coût à 579 405 $.

Six des 31 organismes à but non lucratif chargés de mener les consultations locales se sont retirés du projet pour diverses raisons, a confirmé le ministère, lundi, dans un envoi à La Presse canadienne.

De plus, le ministre Heurtel a retiré à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) le mandat de tenir la consultation, ce qui lui épargne 374 000 $.

Le budget révisé inclut désormais un montant maximal de 306 890 $ pour les 25 activités locales menées par des organismes à but non lucratif, 100 000 $ pour la tenue d’un forum en décembre, un montant maximal de 50 000 $ pour une «tournée des ministres», et une dépense totale de 17 835 $ pour les travaux d’un comité-conseil qui devait fournir un avis sur la nature de la consultation à mener et sur les sujets à aborder.

«La différence avec les coûts précédemment annoncés de 900 000 $ s’explique par le fait que le ministère n’a pas à assumer les frais de rémunération qui avaient été demandés par la CDPDJ qui s’élevaient à 374 000 $, ainsi que les frais pour les contrats de service avec des experts, qui avaient été évalués à 100 000 $, puisque le ministère n’aura pas recours aux services d’experts sous la forme planifiée à l’origine», a affirmé l’attachée de presse du ministre, Émilie Simard, dans un courriel.

«Hypocrisie crasse»
Des groupes qui se désistent, des coupes budgétaires, la porte-parole en matière d’immigration de la Coalition avenir Québec (CAQ), Nathalie Roy, trouve que le gouvernement s’embourbe.

«Improvisation mixte ayant pour thème une consultation pour faire plaisir à Dieu sait qui, on est rendu là», s’est-elle exclamée en entrevue téléphonique.

La députée de Montarville déplore que l’on continue d’investir de l’argent public dans une «consultation bidon». D’après elle, le changement de nom de la consultation n’est que du «maquillage» pour «faire taire les détracteurs» et «calmer les Québécois qui se sentent visés parce qu’on leur dit qu’ils sont racistes». Une lettre du ministère a récemment été envoyée aux groupes pour leur enjoindre de poursuivre leurs activités comme prévu.

«Les groupes continuent de travailler sur le racisme et la discrimination systémique. C’est de l’hypocrisie crasse», a martelé Mme Roy.

Si la priorité est désormais donnée à l’emploi, trois autres enjeux pourront aussi être abordés lors du forum d’un jour qui va clore les consultations: la formation, la francisation et la lutte contre la discrimination. Le gouvernement n’a toujours pas annoncé de date ni de lieu pour la tenue de ce forum.

De «l’amateurisme», dénonce le Parti québécois, qui doute que l’exercice débouche sur des solutions concrètes.

«On a fait trois consultations sur la discrimination et l’immigration, trois. On a fait des plans d’action, mais on n’a pas fait les actions. (…) Arrêtons de consulter, arrêtons de faire des forums et mettons-nous à l’action», a déclaré la députée péquiste Carole Poirier.

«Si le gouvernement n’a pas de volonté politique, il n’y en aura pas plus (de solutions)», a soutenu celle qui a présenté un projet de loi la semaine dernière proposant entre autres un projet pilote de curriculum vitae anonymes.

Amputation du budget «en catimini»
À l’inverse, le député de Québec solidaire Amir Khadir se désole du fait que l’on coupe le budget de la consultation, un exercice des plus cruciaux, selon lui, au lieu de l’augmenter.

Il est impératif pour lui que le Québec élimine les barrières qui empêchent «systématiquement» les immigrants de se trouver un travail à la hauteur de leurs compétences.

«Même les 900 000 $ étaient jugés inadéquats, en deçà de ce qu’il était nécessaire de faire, a-t-il affirmé en entrevue. Pensez-vous vraiment qu’on peut considérer cet exercice comme étant sérieux?

«Ça traduit l’insensibilité de ce ministre et son incompréhension profonde et ça traduit, je m’excuse de le dire aussi brutalement, la duplicité et l’hypocrisie du gouvernement libéral, (…) ceux qui prétendent être les défenseurs des minorités, les défenseurs des notions d’ouverture», a-t-il estimé.

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