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Laval: Accurso finançait des partis avec des prête-noms

Pierre Saint-Arnaud, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

LAVAL, Qc — L’ex-entrepreneur Tony Accurso dit avoir remis 75 000 $ par année au collecteur de fonds Marc Bibeau pour le financement du Parti libéral du Québec (PLQ) sous la forme de 25 chèques de 3000 $ signés par des employés de ses entreprises, sommes qui leur étaient ensuite remboursées.

Bien qu’il n’ait pas spécifié les montants pour les autres partis lors de son témoignage, vendredi, à son procès pour fraude, corruption, abus de confiance et complot, M. Accurso a précisé qu’il avait un budget dédié à cette fin. Il a affirmé que, outre le PLQ, les deux autres partis provinciaux de l’époque, soit l’Action démocratique du Québec (ADQ) et le Parti québécois (PQ), en avaient bénéficié.

Il était cependant incapable de se rappeler s’il avait contribué ou non au financement du parti de l’ex-maire de Laval Gilles Vaillancourt.

M. Accurso affirme avoir obtenu l’assurance de ses vérificateurs que la pratique était parfaitement légale et que cette dépense était ouvertement inscrite aux livres, mais qu’il y a mis un terme en 2010 lorsque le ministre Jean-Marc Fournier avait précisé la loi pour interdire le financement par le biais de prête-noms.

Tony Accurso a par ailleurs dit avoir appris l’existence du système de collusion et de ristournes à Laval au moment de son arrestation en 2013.

Après avoir été remis en liberté, il a dit avoir immédiatement communiqué avec le président de Louisbourg Construction, son cousin Joe Molluso, qui lui aurait alors confirmé le fait.

«Ce que tu as fait, tu vas l’admettre. Tu vas plaider coupable», lui aurait alors dit M. Accurso, qui a ajouté que Joe Molluso travaillait encore pour lui aujourd’hui à titre de conseiller pour les entreprises de ses enfants, qui ne sont pas liées au secteur de la construction.

«Je n’ai pas eu le coeur de le mettre dehors; c’était un membre de la famille», a-t-il plaidé.

Son avocat, Me Marc Labelle, l’a amené à répéter une autre fois qu’il n’avait jamais remis deux enveloppes contenant 200 000 $ en argent comptant à Marc Gendron, un collecteur de fonds impliqué dans le système de ristournes de l’ex-maire Vaillancourt.

Plus tôt dans la matinée, Tony Accurso avait témoigné à l’effet qu’il n’avait pas de bonnes relations avec l’ex-maire Vaillancourt.

L’homme d’affaires a raconté avoir demandé à plusieurs reprises au maire de l’aider à dézoner des terres agricoles adjacentes à la carrière qu’il avait acquise sur le territoire lavallois en 2002, afin d’agrandir celle-ci, sans succès.

Il a indiqué que le maire ne faisait qu’opposer des embûches à cette démarche.

«Je lui présentais des solutions et lui me présentait des problèmes», a affirmé M. Accurso.

«Je n’étais pas un de ses favoris», a-t-il ajouté.

Il a par ailleurs contredit la secrétaire du maire, Josiane Pesant, qui avait témoigné à l’effet que les rencontres entre le maire et l’accusé étaient secrètes.

Tony Accurso a fait valoir qu’il se présentait à ces rendez-vous à l’hôtel de ville au vu et au su de tous et que le maire insistait pour tenir la rencontre dans un restaurant qu’il fréquentait assidûment.

Dans ce restaurant, selon l’accusé, le maire Vaillancourt était toujours accueilli par des concitoyens, «des téteux», a-t-il imagé.

Et durant ces rencontres, le maire se livrait toujours à un monologue sur ses réalisations, monologue «qui durait 50 minutes sur 60», le dernier dix minutes étant réservé aux questions dont M. Accurso voulait discuter. L’entrepreneur a précisé que Gilles Vaillancourt «ne payait jamais» ces repas.

Me Labelle a aussi présenté plusieurs documents liés à des soumissions signés par M. Accurso qui a expliqué qu’il signait «des piles» de documents d’avance pour les soumissions à tous les jours, son entreprise faisant de 40 à 50 soumissions par semaine.

Alors que Me Labelle poursuivait le long exposé sur le développement de son entreprise, le juge James Brunton lui a souligné que le jury n’avait pas besoin de tous ces détails. L’avocat a levé le ton, répliquant que cet exposé visait à «nous éloigner d’une enveloppe d’argent remise dans un parking; ces transactions, il y a une vie derrière ça», a-t-il pesté.

Tony Accurso avait catégoriquement nié en bloc, en ouverture de témoignage la veille, toute participation au système de collusion et de corruption dans l’octroi de contrats à la Ville de Laval.

Sa défense repose sur la prétention qu’il n’était au courant de rien de ce que faisaient les présidents de ses compagnies qui seraient, selon lui, les seuls responsables de tout geste répréhensible.

La Couronne a entrepris vendredi après-midi son contre-interrogatoire de l’ex-entrepreneur et celui-ci se poursuivra lundi.

Tony Accurso, qui a célébré son 66e anniversaire de naissance mercredi, fait face à cinq chefs d’accusation, soit fraude de plus de 5000 $, abus de confiance, corruption, complot afin de commettre des actes de corruption et complot afin de commettre des fraudes.

Il est le seul des 37 accusés arrêtés dans cette affaire en 2013 qui a choisi de se défendre devant les tribunaux. Parmi les autres, 27 ont plaidé coupables, dont Gilles Vaillancourt qui a été condamné à six ans de pénitencier. Trois sont décédés, alors que sept accusés ont bénéficié d’un arrêt de procédures en raison de délais déraisonnables.

Toute l’affaire porte sur un système d’octroi de contrats préarrangés et distribués entre un petit groupe d’entrepreneurs en échange de ristournes remises à des membres de l’administration Vaillancourt.

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