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L'ITHQ développera des recettes pour les CHSLD

Magdaline Boutros, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — L’institut qui forme les plus grands chefs du Québec rejoindra bientôt une toute nouvelle clientèle: les résidants des CHSLD.

Ce nouveau partenariat entre le ministère de la Santé et l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ) est toutefois loin de convaincre certains acteurs du milieu qui affirment que cette expertise existe au sein même du réseau de la santé.

Dans une alliance qui peut sembler à première vue surprenante, l’ITHQ s’est vu confier le mandat de réaliser 40 recettes destinées à répondre aux goûts et aux habitudes culinaires des résidants des Centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) issus des communautés culturelles.

«Pourquoi ne pas troquer le pâté chinois pour la moussaka?», a lancé la directrice générale de l’ITHQ, Liza Frulla, en point de presse, visiblement enthousiasmée par le projet.

C’est d’ailleurs Mme Frulla elle-même qui a contacté le ministère de la Santé pour proposer un partenariat avec l’ITHQ. «C’est un très grand honneur pour nous», assure-t-elle.

Également présent à l’annonce, qui s’est déroulée lundi après-midi dans les locaux de l’ITHQ à Montréal, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, a fait valoir que le gouvernement «est en train de mettre en place, à la grandeur du Québec, un menu adapté au goût de la population».

Cette initiative s’inscrit d’ailleurs dans le cadre de la révision de l’offre alimentaire en CHSLD amorcée il y a un an avec le lancement d’un projet pilote dans la région de Québec visant à offrir à tous les résidants des repas chauds, nutritifs et appétissants.

L’équipe de chercheurs de l’ITHQ bénéficiera d’une enveloppe de 100 000 $ pour développer 40 recettes d’inspiration méditerranéenne, asiatique et caribéenne.

Le CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal, dont environ 50 pour cent de la population desservie est issue des minorités culturelles, pilotera le projet.

Pour connaître les préférences des clients des CHSLD, l’équipe de l’ITHQ ira directement rencontrer les résidants et des membres de leurs familles, explique le ministre Barrette.

Ce nouveau menu ethnoculturel sera développé d’ici la fin du mois de mars. La quarantaine de plats principaux s’ajoutera aux 72 nouvelles recettes élaborées dans le cadre du projet pilote mis en place dans la région de Québec.

D’ici la fin de l’année 2018, l’ensemble de ces nouveaux menus devraient être offerts dans toutes les régions du Québec.

«On vise à offrir la palette complète, c’est-à-dire le menu complet des 72 repas traditionnels et des 40 menus ethnoculturels partout au Québec où c’est approprié», assure M. Barrette.

L’offre sera adaptée selon les préférences des résidants. «C’est peu probable qu’on nous demande dans certaines régions du couscous tunisien», illustre le ministre. «Mais c’est possible, ajoute-t-il. Au Québec, les gens voyagent et veulent essayer de nouvelles choses.»

Ainsi, un choix de deux menus différents devraient être offerts pour chaque repas sur un cycle de trois semaines. «Dans certains CHSLD, particulièrement dans la région de Montréal, il pourrait y avoir deux choix ethnoculturels par repas ou un choix traditionnel et un choix ethnoculturel», explique M. Barrette.

Cette offre alimentaire «variée et de meilleure qualité» ne devrait pas coûter plus cher à produire, selon le ministre Barrette. «Je ne vois pas pourquoi ça nous coûterait plus cher. (…) Je n’ai pas d’inquiétudes de ce côté-là et s’il y avait un enjeu budgétaire on avisera.»

«L’enjeu, c’est de servir à ces gens-là du réconfort, du bonheur. C’est ça l’objectif pour moi», affirme le ministre.

Même son de cloche de la part de la directrice générale de l’ITHQ, Liza Frulla. «Qui aime manger aime vivre, lance-t-elle. Ce qu’on veut faire, c’est de continuer à donner du plaisir.»

«La gastronomie, c’est l’art de bien manger et de bien boire. (…) Ce plaisir de la table n’est pas seulement réservé à un certain groupe. Tout le monde a le droit d’avoir ce plaisir-là, quel que soit son âge, sa santé ou la provenance de son groupe culturel.»

Un projet qui n’a pas de peine à rallier les acteurs du milieu qui réclamaient depuis déjà un bon moment des menus adaptés à la diversité culturelle de la société québécoise.

«Ce n’est pas tout le monde qui aime manger les mêmes choses», souligne Pierre Blain, directeur général du Regroupement provincial des comités des usagers. Mais en plus d’avoir des menus adaptés aux habitudes culturelles, celui-ci réclame également des menus qui tiennent compte des particularités régionales. «Les gens au Saguenay-Lac-Saint-Jean ne mangent pas pareil que les gens en Outaouais», cite-t-il en exemple.

La présidente de l’Ordre professionnel des diététistes du Québec s’étonne toutefois que le ministère de la Santé fasse appel à un institut externe pour développer de nouvelles recettes.

«C’est la première fois qu’on parle de débloquer de l’argent (pour l’offre alimentaire), mais là il le débloque à l’extérieur du réseau de la santé alors qu’on a des gens qualifiés à l’interne dans le réseau pour faire ce genre d’exercice-là», explique Paule Bernier.

Elle ne manque d’ailleurs pas de rappeler que les 72 menus traditionnels qui vont bonifier l’offre alimentaire dans les CHSLD ont été élaborés par les équipes en place. Elle ne comprend donc pas pourquoi l’élaboration d’un menu ethnique ne suit pas le même parcours.

«Ça fait des années que le réseau de la santé réclame de l’argent pour pouvoir faire exactement ce que l’ITHQ va faire», laisse-t-elle tomber.

Elle s’inquiète du même coup qu’il n’y ait pas de hausse du budget alloué pour l’achat des aliments. «Ça fait des années qu’avec 7 dollars par jour, on dit que c’est impensable de faire un menu qui a du bon sens.»

Un argument que reprend le porte-parole de la Coalition avenir Québec pour les aînés, François Paradis. Bien qu’il reconnaisse que le partenariat avec l’ITHQ soit une «nouvelle intéressante pour les aînés», il déplore le fait qu’aucun budget supplémentaire ne soit alloué pour l’achat des aliments.

Il réclame un engagement pour «systématiquement doubler le budget moyen par repas pour l’achat d’aliments, qui est actuellement de 2,22 $», un montant «nettement insuffisant», selon lui.

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