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La police du nord embauche une policière inuite

HO / La Presse Canadienne Photo: HO
Morgan Lowrie, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Même si elle n’a que 22 ans, Pamela Stevenson est sans l’ombre d’un doute l’une des recrues les plus convoitées du Corps de police régional Kativik (CPRK).

Lorsque la jeune femme s’est jointe au CPRK le mois dernier tout de suite après avoir obtenu son diplôme, elle est devenue l’une des trois agents inuits à travailler pour le corps policier, qui compte 70 employés et couvre un vaste territoire, incluant tout ce qui se trouve au nord du 55e parallèle au Québec.

Sur les trois policiers inuits du CPRK, Mme Stevenson est la seule femme du corps policier.

Pour se rendre jusque-là, elle a dû relever plusieurs défis, y compris déménager à 1400 kilomètres de Kuujjuaq pour faire ses études en techniques policières à Drummondville.

Cela signifiait s’habituer à vivre seule, une chose rare dans le Nord, et résider à un endroit où peu de gens parlent anglais ou inuktitut.

«Il y avait d’autres membres des Premières Nations dans ma classe, mais j’étais la seule Inuite, raconte la jeune femme en entrevue téléphonique. Ç’a été un gros ajustement, particulièrement dans la collectivité où l’école était située parce que tout était en français.»

Si Pamela Stevenson a réussi ses études, son expérience met en lumière les obstacles auxquels sont confrontés les corps policiers souhaitant recruter des agents autochtones dans le nord du Québec.

Selon le chef du CPRK, Michel Martin, la plupart des policiers qui travaillent dans cette région, où environ 90 pour cent des habitants sont Inuits et parlent inuktitut ou anglais, sont des francophones originaires du sud de la province.

Maintenir l’ordre dans le Grand Nord rime souvent avec longues journées de travail, isolement, mauvais temps et, parfois, l’obligation de gérer des situations violentes dans un contexte où les renforts sont à une journée d’avion, ajoute M. Martin.

De nombreux agents provenant du Sud ont aussi de la difficulté à s’adapter à la culture et, d’après le chef Martin, la majorité d’entre eux démissionnent moins de deux ans après leur arrivée.

En tant que femme parlant l’inuktitut, Mme Stevenson est doublement un atout pour un corps policier qui peine à refléter les caractéristiques sociodémographiques de la population qu’il sert.

«Nous sommes très fiers de l’avoir avec nous parce qu’elle parle la langue et qu’elle est une femme», indique Michel Martin, qui estime que les femmes comptent pour 20 pour cent des effectifs du CPRK.

«Il y a beaucoup d’événements reliés aux agressions sexuelles, à la violence et à d’autres choses du genre, alors c’est très utile d’avoir une femme au sein d’un corps policier.»

Au cours des dernières années, le CPRK a redoublé ses efforts pour recruter des policiers inuits, notamment en lançant un programme de cadets dans les écoles secondaires, programme auquel Pamela Stevenson a participé lorsqu’elle était adolescente.

En 2016, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) avait annoncé la création d’une initiative similaire au Nunavut, reconnaissant à l’époque ne pas avoir embauché d’agent inuit depuis huit ans.

Malgré tout, M. Martin affirme que les corps policiers ont encore de la difficulté à attirer des candidats ayant la formation requise et aucun casier judiciaire, d’autant plus que les Inuits détenant un diplôme ont beaucoup de possibilités sur le plan de l’emploi alors que certains ne veulent pas déménager pour effectuer des études.

Pamela Stevenson avance une autre raison pour expliquer la situation, soulignant que vivre dans une communauté tricotée serré est à la fois un avantage et un inconvénient pour un policier.

Elle croit que les jeunes Inuits n’ont pas envie de travailler pour la police parce qu’ils ne veulent pas être obligés de confronter ou même d’arrêter leurs propres parents, frères, soeurs ou amis.

«Tous les jours, j’interagis avec des gens que je connais depuis la naissance, parce que je connais pas mal tout le monde ici», précise-t-elle.

Environ un mois après ses débuts au CPRK, Mme Stevenson affirme toutefois apprécier la grande variété de défis qu’offre le métier de policier à Kuujjuaq, qui avec une population de 2400 personnes constitue le plus important village de la région.

Elle dit aussi être fière de servir les membres de sa collectivité, qui sont nombreux à la soutenir.

«Je pense qu’ils comprennent ma position en tant que policière et c’est agréable de voir qu’ils sont capables de me considérer comme une personne ordinaire lorsque je ne travaille pas.»

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