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Immigrants: les ratés de la francisation

Jocelyne Richer, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

QUÉBEC — La francisation des immigrants au Québec est un échec, constate la vérificatrice générale dans un rapport rendu public jeudi.

Seulement le tiers des immigrants auxquels est destiné le processus de francisation se sont inscrits aux cours offerts par le ministère de l’Immigration, entre 2010 et 2013. De plus, plusieurs s’inscrivent au cours, mais abandonnent en chemin, sans qu’aucun suivi ne soit effectué par le ministère.

Constat encore plus cinglant: ceux qui complètent le cours de francisation sont incapables, pour la plupart, de fonctionner au quotidien en français.

Selon les données de 2015, pour ce qui est de l’expression orale, seulement 9 pour cent ont atteint le «seuil d’autonomie langagière» fixé par le ministère dirigé par David Heurtel. À l’écrit, c’est encore pire: 3,7 pour cent ont passé le test en «compréhension écrite» et 5,3 pour cent en «production écrite».

Le «seuil d’autonomie langagière» est le seuil minimal de maîtrise du français déterminé pour accéder au monde du travail ou entreprendre des études postsecondaires, selon l’évaluation faite par le ministère.

Québec a injecté 74 millions $ dans ces programmes de francisation en 2016-2017.

Le taux d’abandon en cours de route est élevé: 18 pour cent, entre 2012 et 2017, 31 pour cent pour les cours avancés en 2016-2017.

D’autres s’inscrivent, mais ne se présentent jamais aux cours. La vérificatrice explique en partie ce fait par les trop longs délais d’attente entre le moment de l’inscription et le premier cours, un délai qui peut atteindre trois mois.

Dans son rapport annuel 2017-2018 déposé à l’Assemblée nationale, la vérificatrice générale, Guylaine Leclerc, note que malgré une performance fort discutable, le ministère n’a procédé à aucune évaluation de son programme de francisation au fil des ans.

Entre 2010 et 2016, environ 100 000 immigrants ont posé le pied au Québec sans connaître un mot de français, mais en s’engageant à l’apprendre.

«À partir de quel niveau d’échec, est-ce que le premier ministre va constater qu’il y a un grave problème après 15 ans de gestion libérale de la question linguistique?», a demandé le chef de l’opposition officielle Jean-François Lisée au premier ministre Philippe Couillard, lors de la période de questions à l’Assemblée nationale.

«Il y a des limites au jovialisme linguistique» du premier ministre, a-t-il ajouté, en lui demandant d’admettre que «l’échec de la francisation, c’est l’échec de son gouvernement».

«Bien sûr qu’on peut faire mieux. Et on fera mieux», a répliqué M. Couillard.

Intégration

La vérificatrice note par ailleurs des ratés dans la gestion du ministère en ce qui a trait à l’intégration des immigrants.

Le ministère verse 9 millions $ par année à 86 organismes chargés d’aider les nouveaux arrivants à s’intégrer à la société québécoise. Or, on observe des lacunes dans l’analyse des besoins à combler avant de signer des ententes avec ces organismes. Le ministère signe des ententes avec les mêmes organismes, année après année, sans effectuer les contrôles nécessaires.

Bref, l’encadrement offert par le ministère au moment de conclure des ententes avec ses partenaires est qualifié d’«inapproprié» par la vérificatrice.

Le ministre de l’Immigration, David Heurtel, a pris acte des recommandations de la vérificatrice et s’est engagé à y donner suite, en effectuant une évaluation des programmes d’intégration, un suivi plus rigoureux des ententes conclues avec les partenaires et une meilleure reddition de comptes du ministère à ce chapitre.

Pour ce qui est des programmes de francisation, le ministre a annoncé un plan d’action en cinq points destiné lui aussi à corriger les écueils dénoncés par la vérificatrice générale.

Désormais, le ministère souhaite donc planifier:

– une connaissance plus approfondie des besoins des immigrants en matière de francisation;

– une concertation plus efficace à l’échelle nationale et dans toutes les régions du Québec;

– un accompagnement soutenu des clientèles et un encadrement efficace des partenaires qui dispensent des services;

– l’implantation d’indicateurs de performance, la tenue de revues de mi-parcours des programmes et une reddition de comptes;

– l’évaluation et l’amélioration continue des programmes et des services.

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