Soutenez

Excuses de Trudeau aux Autochtones de T.-N.-L.

Darren Calabrese / La Presse Canadienne Photo: Darren Calabrese
La Presse canadienne - La Presse Canadienne

GOOSE BAY, T.-N.-L. — Le premier ministre Justin Trudeau a «humblement» présenté des excuses aux anciens élèves des pensionnats autochtones de Terre-Neuve-et-Labrador pour les agressions et la perte d’identité culturelle subies dans ces écoles.

M. Trudeau a fait vendredi le voyage à Goose Bay pour présenter officiellement les excuses du gouvernement et de tous les Canadiens aux anciens élèves de cinq pensionnats pour Innus et Inuits de Terre-Neuve.

«Après avoir ressenti la douleur de l’exclusion pendant des années dans les pensionnats, après vous être sentis abandonnés pendant des années, je peux à peine imaginer ce que vous avez dû ressentir ce jour-là, a déclaré M. Trudeau, ému, sur un ton solennel. Il est temps pour nous de corriger la situation. Il est temps pour nous d’accepter notre responsabilité et de reconnaître nos échecs.»

Le premier ministre a rappelé qu’on avait assuré aux parents à l’époque que leurs enfants seraient bien traités et en sécurité. On sait maintenant, a-t-il dit, que ces enfants ont été victimes d’un colonialisme qui leur a causé beaucoup de tort. Ces enfants ont été coupés de leur famille, déracinés de leur communauté et spoliés de leur identité: on les a amenés à croire qu’ils étaient «insignifiants et inférieurs», qu’ils devraient «avoir honte de ce qu’ils étaient et de leurs origines».

Ces victimes ont dû ensuite porter leur fardeau tout seul pendant trop longtemps, et l’absence d’excuses officielles a freiné leur guérison et entravé la réconciliation, a soutenu le premier ministre, un mouchoir à la main.

«À vous tous: nous sommes profondément désolés», a laissé tomber M. Trudeau, la voix brisée, en appuyant sur chaque mot. «Aux pensionnaires humiliés par ces abus, cette négligence, ces épreuves, par la discrimination des gens, des institutions et du système à qui ils avaient été confiés, nous vous demandons pardon pour le mal qui vous a été fait.»

Les anciens élèves des cinq écoles de Terre-Neuve avaient été exclus des indemnités et des excuses nationales offertes en 2008 par l’ancien premier ministre Stephen Harper aux victimes des pensionnats fédéraux pour Autochtones. Le gouvernement conservateur faisait valoir qu’Ottawa ne supervisait pas les pensionnats avant que ce dominion britannique ne joigne la fédération canadienne en 1949. Les pensionnats à Terre-Neuve avaient été créés au tournant du 20e siècle par le missionnaire britannique Wilfred Thomason Grenfell.

Le gouvernement libéral a offert l’an dernier de régler l’action collective des anciens élèves de Terre-Neuve-et-Labrador pour 50 millions $. Selon l’avocat des plaignants, 960 d’entre eux ont maintenant reçu des indemnités.

Leaders innus insatisfaits

Ceux qui étaient venus assister à la cérémonie à Goose Bay, vendredi, ont applaudi M. Trudeau et Toby Obed, qui a accepté les excuses du premier ministre au nom de tous les survivants des pensionnats.

«Parce que je suis issu d’une culture de patience et de pardon, je crois qu’il est approprié pour nous d’accepter les excuses du gouvernement du Canada», a dit M. Obed, très ému. «Ces excuses sont importantes dans le processus de guérison. Aujourd’hui, les survivants (des pensionnats) à Terre-Neuve-et-Labrador peuvent enfin se considérer partie intégrante de la grande communauté nationale des survivants.» M. Obed a par ailleurs remercié le premier ministre Trudeau d’être venu en personne présenter ces excuses «méritées».

Les leaders innus ont toutefois refusé les excuses du premier ministre, et ils ont boycotté la cérémonie de vendredi. Ils font valoir que les enfants innus n’ont pas été agressés seulement dans les pensionnats mais aussi dans des écoles catholiques et chez des enseignants et des missionnaires des villages de Sheshatshiu et Davis Inlet. Or, les gouvernements ne l’ont jamais reconnu, plaident-ils, et ces sévices n’ont jamais été bien documentés.

Dans un communiqué, ils expliquent que lors de consultations dans les communautés, jeudi, le message avait été émotif mais clair: «les Innus ne doivent pas obtenir des excuses seulement pour ce qui s’est passé dans les dortoirs des pensionnats tenus par l’Association internationale Grenfell», a expliqué le grand chef Gregory Rich.

À Goose Bay, vendredi matin, des piles de boîtes de papiers mouchoirs attendaient les centaines de participants, plusieurs en tenue de cérémonie innue ou inuite. Parmi eux: Miriam Saunders, de Goose Bay, qui a été placée dans un pensionnat à North West River, près de Goose Bay, à l’âge de 12 ans, de 1971 à 1974. Elle y a été agressée sexuellement par deux employés — un homme et une femme.

Mais Mme Saunders soutient que son père a connu bien pire, avant 1949. «Il a été battu» à l’école Makkovik, tellement qu’il a refusé plus tard de lui apprendre l’inuktitut, pour l’épargner de ce triste sort. «Les sévices subis et la perte d’identité culturelle ont de multiples répercussions», a-t-elle plaidé.

Plusieurs professionnels de la santé étaient sur place vendredi pour offrir un soutien psychologique. Des bougies ont aussi été allumées en mémoire de plus de 120 anciens pensionnaires qui sont morts depuis dix ans en attendant le règlement du litige judiciaire.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.