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Haïti aux Olympiques d’hiver, le rêve fou d’un patineur singulier

Photo: Steve Boudreau/Collaboration spéciale

Maxime-Billy Fortin a toujours été différent. À Beauport, où il a grandi, il était le seul Noir de sa famille et de son école. Il fait aussi du patinage artistique, sport peu populaire auprès des garçons. Il espère maintenant se rendre aux Jeux olympiques d’hiver de 2014 et d’y représenter son pays d’origine : Haïti.

Lorsque Maxime-Billy s’engage sur la patinoire et que les premières notes de funk résonnent, le patinage artistique prend une nouvelle dimension. Une dimension groovy, à en décoiffer le célèbre analyste Alain Goldberg.

Qu’importe que le triple axel soit réussi à la perfection ou non, le patineur veut avant tout donner un bon spectacle. Mais malgré son talent, Maxime-Billy ne défendra jamais les couleurs du Canada aux Jeux olympiques. Même s’il figure parmi les 10 meilleurs patineurs de sa discipline au pays, à 26 ans, ce n’est pas réaliste. Il n’a toutefois pas dit son dernier mot, et en 2014, il espère participer aux Jeux olympiques de Sotchi, en Russie, et d’y représenter Haïti.

Le projet a lentement germé dans la tête du jeune homme, né à Port-au-Prince en 1986. Adopté par une famille de Québécois à l’âge de six mois, il n’a jamais remis les pieds à Haïti. Il ne serait pas le premier athlète à utiliser sa double nationalité pour obtenir son billet pour une compétition internationale. Mais pour le patineur, cela représente beaucoup plus. Sa démarche est une façon de se rapprocher de son pays et de faire parler d’Haïti de façon positive.

«C’est un peu pour retrouver ses racines et donner un peu d’espoir aux Haïtiens, explique le jeune homme, rencontré dans un café de Montréal. Moi, j’ai eu beaucoup de chance, et je veux leur montrer que c’est possible de rêver.»

Il a même rallié Michaëlle Jean à sa cause. Ce rêve un peu fou a pris une tournure plus concrète le mois dernier, alors que le président haïtien, Michel Martelly, a promulgué un amendement constitutionnel autorisant dorénavant la double nationalité.

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Le patineur a rencontré Mme Jean, alors Gouverneure générale du Canada, à ses premiers championnats canadiens chez les seniors, en 2006, où il a terminé 14e. «La compétition ne s’était pas très bien passée. Mais à la fin de ma performance, tout le monde s’est levé. C’est assez rare», souligne-t-il. Ce jour-là, Mme Jean assistait à la compétition et a demandé à le rencontrer.

«C’est aussi après cette compétition que j’ai réalisé que j’avais un style différent et que je devais l’exploiter», poursuit-il. Plus facile à dire qu’à faire, les juges ne partageant pas toujours sa vision du patinage. En 2009, il a même failli tout abandonner et n’a pas touché à ses patins pendant un an. Il est toutefois revenu à la compétition en 2011, plus décidé que jamais à se faire plaisir.

Convaincu d’être aujourd’hui un patineur plus complet, il a terminé 10e aux championnats canadiens de 2011 et 2012. Maintenant qu’il a retrouvé sa confiance, il a repris son projet et a pris contact avec le ministre des Sports en Haïti avec l’aide de Michaëlle Jean.

Après avoir obtenu sa nationalité haïtienne, il compte doter le pays d’une fédération nationale, étape obligatoire pour faire partie de l’International Skating Union. À terme, Maxime-Billy souhaiterait développer ce sport sur place et entraîner des athlètes haïtiens.

Qu’il participe ou non aux Jeux de Sotchi n’a donc pas tellement d’importance aux yeux de l’athlète. N’empêche, s’il y parvient, il aura la chance de montrer aux spectateurs russes et au monde entier que le patinage artistique s’apprécie aussi en tapant du pied au son du groove. Ce qui serait déjà pas mal.

Contre-courant: un style sans compromis
Pendant plusieurs années, Maxime-Billy, qui a commencé à patiner à l’âge de neuf ans, essayait d’adopter le style classique de la majorité. Mais de 2006 à 2009, sa meilleure performance fut une 12e place au Canada. «J’essayais de rentrer dans un moule, je faisais des mouvements qui n’avaient pas de sens pour moi. J’ai donc décidé de tout arrêter», se rappelle-t-il. Son père a toutefois fini par le convaincre de recommencer la compétition.

Mais pas question de retourner à Toronto, où il s’entraînait depuis l’âge de 12 ans et de s’éloigner de nouveau de sa famille. Depuis bientôt trois ans, il s’entraîne donc avec Bruno et Julie Marcotte à l’aréna de Sainte-Julie.

Cette fois, il s’est promis de ne faire aucun compromis sur son style. «Je veux essayer de nouvelles choses et, même si ça ne marche pas auprès des juges, je m’en fous, je le fais pour moi.»

***

Une performance de Maxime-Billy Fortin en vidéo
http://www.youtube.com/watch?v=EvgUGg-eG7E

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