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Raïf Badawi sur une liste de pardon royal

Mélanie Marquis, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — La femme de Raïf Badawi s’accroche depuis des années à l’espoir de revoir enfin son mari, mais lorsqu’on lui a appris que le nom du blogueur était «pour la première fois» sur une liste de pardon royal en Arabie saoudite, elle vu une nouvelle raison d’espérer.

«J’ai espoir. En toute franchise, moi, je vis d’espoir. Chaque année, on m’ouvre une fenêtre d’espoir», a dit Ensaf Haider en entrevue avec La Presse canadienne, jeudi, en énumérant toutes les fois où elle a cru que son mari était sur le point d’être libéré.

«Maintenant, il y a cette liste de pardon et me revoilà encore dans l’espoir», a-t-elle laissé tomber, mentionnant que «c’est la première fois qu’on (lui) dit que Raïf est dans les listes de pardon du roi».

«Le gouvernement disait depuis longtemps que le dossier (judiciaire) de Raïf n’était pas fermé», a rappelé Mme Haidar, qui était à Ottawa jeudi pour une conférence de presse visant à souligner le quatrième anniversaire de la mort d’un autre prisonnier politique — Nelson Mandela.

La femme du blogueur qui croupit en prison depuis cinq ans et six mois croit que cette fois pourrait être la bonne, avec l’arrivée au pouvoir du prince héritier Mohammed ben Salmane, qui a entrepris des réformes au royaume saoudien.

«C’est maintenant le meilleur moment parce que la situation a changé», a-t-elle noté.

«C’est devenu plus moderne. C’est le mot qu’utilise l’émir Mohammed ben Salmane, que l’Arabie saoudite va changer sa gouvernance, que ça va devenir une gouvernance moderne», a précisé Mme Haidar.

D’autant plus que, selon elle, il n’y a plus aucune raison pour que Raïf Badawi soit toujours derrière les barreaux. Tout ce qu’il a dénoncé sur le blogue qui l’a fait aboutir en prison a changé en Arabie saoudite, a-t-elle insisté.

La mère de trois enfants réfugiée à Sherbrooke depuis 2011 a été informée de ce nouveau développement il y a une quinzaine de jours par une délégation du Parlement européen alors qu’elle se trouvait en Autriche.

«Ils sont allés en Arabie saoudite et ont demandé au gouvernement saoudien de voir Raïf. Le gouvernement a refusé. Mais les Saoudiens leur ont dit: « Ce qu’on peut vous dire, c’est que Raïf est en bonne santé. Et il est sur la liste de pardons »», a-t-elle relaté.

Elle ignore cependant quand Raïf Badawi pourrait bénéficier d’une clémence royale. «Quand? À quelle occasion? Nous ne le savons pas», a-t-elle indiqué au micro de La Presse canadienne en marge de la conférence de presse au parlement.

Un dossier complexe

Au ministère fédéral des Affaires étrangères, on a dit être «conscient de rapports (voulant) qu’un processus de pardon aurait été initié dans ce cas», selon ce qu’a écrit dans un courriel Adam Austen, attaché de presse de la ministre Chrystia Freeland.

«Nous continuerons de soulever nos inquiétudes concernant la situation de M. Badawi avec les autorités saoudiennes, lors des discussions diplomatiques ainsi que dans les forums multilatéraux. Nous continuerons à appeler à la clémence», a-t-il déclaré.

Une source gouvernementale a cependant précisé que le dossier n’était pas simple, et qu’il était «vraiment trop tôt pour spéculer» sur un rapatriement au Canada. «On ne voudrait pas compromettre le processus de pardon», a exposé cette source sous le couvert de l’anonymat.

En attendant, Mme Haidar a des échanges limités avec son mari. «Raïf me parle de temps à autre, pas souvent. À cause de plusieurs raisons. D’abord, il est psychologiquement très fatigué et il n’aime pas parler quand il est dans cet état-là», a-t-elle confié en entrevue.

«Et quand il me parle, il me demande à quoi ressemblent maintenant les enfants, a-t-elle enchaîné. Ils ont beaucoup changé, bien sûr. La plus petite, quand elle a quitté l’Arabie saoudite, avait quatre ans. Elle a beaucoup changé.»

«Quand Raïf lui parle, il l’appelle « bébé » et elle lui répond qu’elle n’est plus un bébé. Ça la met en colère. Mais lui, l’image qu’il a gardée en tête, c’est celle d’un bébé», a relaté Mme Haidar après la conférence de presse.

À l’ambassade de l’Arabie saoudite au Canada, personne n’a répondu au téléphone, et un courriel envoyé jeudi après-midi par La Presse canadienne est demeuré sans réponse.

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