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L’essor de l’intelligence artificielle doit être éthique selon les experts

Paul Chiasson / La Presse Canadienne Photo: Paul Chiasson
Giuseppe Valiante, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Des scientifiques, des chercheurs, des avocats et des technologues étaient récemment réunis à Montréal pour discuter de questions vitales sur nos appareils de plus en plus intelligents.

Un ordinateur peut-il donner des avis médicaux ? Le système judiciaire peut-il utiliser des algorithmes pour décider si un détenu peut être libéré ? Un robot lançant une insulte raciste doit-il être puni ?

Et, peut-être encore plus important aux yeux des gens: Facebook et les autres réseaux sociaux sont-ils capables de déterminer si un abonné est dépressif ou souffre d’un épisode maniaque ? Ces malades sont-ils les cibles des publicitaires cherchant à exploiter leur vulnérabilité ?

Google, Microsoft, Facebook et, tout récemment, la Banque Royale ont annoncé des investissements de plusieurs millions de dollars dans des laboratoires d’intelligence artificielle à Montréal. La métropole québécoise est devenue un chef de file mondial dans la mise au point d’appareils ayant des capacités d’apprentissage.

Des chercheurs comme Abhishek Gupta veulent aider Montréal à être un chef de file responsable.

«Les projecteurs du monde entier sont tournés vers Montréal», souligne M. Gupta, un chercheur en déontologie de l’intelligence artificielle de l’Université McGill. Le scientifique développe aussi des logiciels de sécurité chez Ericsson.

Il organise des rencontres bimensuelles portant sur l’éthique de l’intelligence artificielle qui réunissent des gens souhaitant influencer les chercheurs et leurs réflexions sur les appareils qui peuvent apprendre.

«Six nouveaux laboratoires en intelligence artificielle se sont ouverts à Montréal au cours des deux derniers mois, ajoute-t-il. Il est tout à fait logique de vouloir être ceux qui orientent les discussions autour de l’utilisation éthique de ces appareils.»

En novembre, M. Gupta et des chercheurs de l’Université de Montréal ont contribué à la rédaction de la Déclaration de Montréal pour un développement responsable de l’intelligence artificielle, qui énumère une série de principes visant à guider l’évolution de l’intelligence artificielle dans la ville et le reste de la planète.

La Déclaration est un projet collectif. Ses créateurs accepteront des commentaires et des idées au cours des prochains mois pour l’amender et la partager avec d’autres informaticiens à l’échelle internationale.

Les principes ont été répartis en sept valeurs: bien-être, autonomie, justice, vie privée, connaissance, démocratie et responsabilité.

M. Gupta et une vingtaine de personnes ont récemment discuté de la justice et de la vie privée.

Des avocats, des gens d’affaires et des chercheurs ont parlé de différents enjeux comme la possibilité de lutter contre le fait qu’une poignée d’entreprises du secteur se partagent pouvoir et la richesse.

«Comme s’assurer que tout le monde bénéficie de l’intelligence artificielle ?, a demandé M. Gupta au groupe. Quel type de décision judiciaire peut-on déléguer à une intelligence artificielle ?»

Selon Doina Precup, professeure à l’École d’informatique de l’Université McGill et directrice de la succursale montréalaise de la société britannique DeepMind, ce n’est pas par hasard si Montréal tente de prendre les devants dans le domaine de l’éthique. À l’échelle de la planète, ce secteur commence à être préoccupé des conséquences sociales de l’intelligence artificielle et les valeurs canadiennes favorisent les discussions, juge-t-elle.

«Montréal a une avance parce que nous sommes au Canada, soutient Mme Precup. Le Canada, si on le compare à d’autres parties du monde, a des valeurs différentes qui sont plus orientées vers le bien-être de tout le monde. La culture, le contexte du pays et de la ville comptent beaucoup.»

L’intelligence artificielle se développe dans tous les domaines: algorithmes analysant la météo, filtres des réseaux sociaux, système d’arme autonome, etc.

La question éthique viendra sûrement capter l’attention de la population lorsque les véhicules autonomes seront en circulation.

Pour M. Gupta, les automobiles sont des exemples classiques du dilemme auquel fera face le secteur de l’intelligence artificielle. Par exemple: les constructeurs automobiles doivent-ils favoriser des programmes qui favoriseront plus la sûreté des occupants des véhicules ou celle des piétons ?

«Que se passe-t-il si le piéton est l’enfant d’un occupant du véhicule ?», demande-t-il.

Nick Bostrom, un philosophe suédois et un des plus éminents intellectuels qui se penchent sur la question de l’intelligence artificielle, dit qu’il est «assez remarquable de constater le rôle central du Canada dans la création de cette révolution».

Pendant que des nombreux pionniers aux États-Unis et ailleurs dans le monde ont quitté les universités pour se lancer en affaires, les chercheurs canadiens, comme Yoshua Bengio, de l’Université de Montréal, misent sur des priorités différentes, a récemment mentionné M. Bostrom. «M. Bengio enseigne toujours et encourage la future génération de chercheurs. Il essaie de réfléchir sur les dimensions éthiques de l’intelligence artificielle.»

Le Suédois, auteur du livre précurseur sur l’intelligence artificielle «Superintelligence», publié en 2014, dit que la communauté internationale des chercheurs en intelligence artificielle doit réfléchir et tenter de proposer des normes et des objectifs communs qui pourront influencer ce domaine. Ainsi, elle exercera des pressions sur les entreprises pour qu’elles engagent des gens qui auront le coeur à élaborer de façon responsable des appareils pouvant apprendre.

«Une société qui veut être à l’avant-plan doit engager les meilleurs talents. Si on sent qu’elle se fiche de ce sentiment commun de responsabilité, il lui sera difficile de recruter les gens les plus talentueux.»

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