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Urgences: le vieillissement annule des progrès

Photo: Yves Provencher/Métro

MONTRÉAL — Dans son tout dernier rapport, le Commissaire à la santé et au bien-être lance un avertissement à propos des effets du vieillissement de la population québécoise sur le temps d’attente dans les urgences.

Si certains progrès ont été réalisés au cours des deux dernières années, ceux-ci ont été amenuisés par l’incidence de la démographie, écrit la commissaire par intérim, Anne Robitaille, à deux jours de la fermeture définitive des bureaux de l’organisme.

Son rapport de 86 pages dévoilé mardi ratisse large, abordant de nombreux aspects de la situation dans les urgences en plus de présenter, pour la première fois, des données spécifiques sur l’utilisation des urgences en santé mentale.

Dans ses conclusions, Mme Robitaille prévient qu’en raison de la situation démographique, il faudra «redoubler d’efforts» afin de s’assurer que la population puisse véritablement bénéficier de l’amélioration de la situation dans les urgences.

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Des progrès, avec un bémol:

Dans l’ensemble, les nombreuses réformes du gouvernement Couillard dans le secteur de la santé «semblent produire certains effets» étant donné que les différents délais à l’urgence ont fléchi entre 2014-2015 et 2016-2017, note Mme Robitaille.

Ainsi, au cours des deux dernières années, la durée d’un séjour moyen à l’urgence a fléchi de 9,24 heures à 8,93 heures. Elle est toutefois repartie à la hausse en 2016-2017, atteignant 9 heures.

«Toutefois, ces séjours moyens ne tiennent pas compte de l’alourdissement de la clientèle, qui est proportionnellement plus âgée et qui compte plus de cas dont le niveau de priorité au triage est urgent en 2016-2017 par rapport aux années précédentes», peut-on lire.

En excluant cette variable, la durée d’un séjour moyen à l’urgence aurait été de 8,75 heures, en baisse de 5,5 pour cent sur deux ans.

Citant des données de l’Institut de la statistique du Québec, un bulletin accompagnant le rapport souligne que près de huit pour cent de la population québécoise était âgée de 75 ans et plus.

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Prise en charge, civières et spécialistes:

Le rapport de Mme Robitaille observe aussi que la moyenne provinciale du délai de prise en charge à l’urgence a diminué de six minutes, ou 3,9 pour cent, depuis deux ans, s’établissant à 2 h 30. Des baisses ont été observées dans «pratiquement toutes les régions du Québec».

Avec des baisses respectives de 23,2 pour cent et de 16,6 pour cent, les régions de Lanaudière et de la Côte-Nord sont les seules à afficher un recul supérieur à 10 pour cent du temps de prise en charge à l’urgence.

Même s’il était d’un peu plus de 12 heures, le séjour moyen à l’urgence pour les visites sur civières des patients non hospitalisés a tout de même reculé d’environ 50 minutes, ou 6,5 pour cent, observe le Commissaire à la santé et au bien-être.

«Malgré cette amélioration notable, cette moyenne est beaucoup plus élevée que la cible du Ministère qui est de 8 heures», tempère Mme Robitaille.

Pour les visites sur civières de patients hospitalisés, le séjour moyen demeure loin de la cible ministérielle d’environ 12 heures. En 2016-2017, il était de 22,7 heures, par rapport à 24,27 heures il y a deux ans.

En ce qui a trait au temps d’attente moyen avant de pouvoir consulter un médecin spécialiste, le délai était de 7,14 heures, en baisse de 10,2 pour cent comparativement à 2014-2015. Néanmoins, d’importantes disparités régionales sont observables dans la province.

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Santé mentale:

Mme Robitaille se penche également sur le recours aux urgences en matière de santé mentale, mettant en relief des séjours très longs ainsi que des disparités importantes selon les régions.

Au total, en 2016-2017, on a recensé environ 226 000 visites à l’urgence liées à la santé mentale, soit 11 pour cent pour des troubles graves, 37 pour cent pour des troubles modérés, 19 pour cent pour des intoxications et 31 pour cent pour des troubles légers.

«Comme prévu, la durée moyenne du séjour augmente avec la gravité des troubles», souligne Mme Robitaille.

Le portrait varie d’un endroit à l’autre. Si les troubles graves ne représentent que six pour cent des visites à l’urgence en santé mentale dans les régions de la Gaspésie et de la Côte-Nord, cette proportion grimpe à 15 pour cent du côté de la région de Montréal.

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CHSLD: 10 mois d’attente:

Dans un bulletin distinct, le Commissaire note également que les Québécois âgés de 75 ans et plus attendent généralement environ 10 mois avant d’obtenir une place dans un Centre d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD). Un peu plus de 2400 personnes se trouvent actuellement sur une liste d’attente.

De plus, de 2010-2011 à 2016-2017, le nombre de lits dans les CHSLD du public sont passés de 38 394 à 37 468, ce qui constitue une diminution de 2,5 pour cent. Au cours de cette période, la tranche de la population de 75 ans et plus a progressé de 15 pour cent.

Après quatre années consécutives où des reculs ont été observés, le nombre de lits est reparti à la hausse à compter de 2014-2015.

Malgré le recul du nombre de lits, Mme Robitaille souligne qu’il a été possible d’observer une «bonification des autres services de soutien à l’autonomie, tels que le soutien à domicile, les ressources intermédiaires et les ressources de type familial».

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Dernier tour de piste:

Le poste du Commissaire — qui a pour mission d’apporter un éclairage pertinent au débat public et à la prise de décision gouvernementale — avait été aboli dans le budget de mars 2016.

Mme Robitaille plaide dans son rapport pour l’importance de continuer à suivre les impacts des réformes déployées dans le réseau de la santé et des services sociaux au cours des dernières années.

«Il faut continuer à suivre régulièrement la situation dans les urgences du Québec afin de pouvoir constater les effets de ces réformes et de surveiller en continu l’atteinte des objectifs, particulièrement en ce qui concerne l’amélioration de l’accès aux soins et services de santé», fait-elle valoir.

Déjà outrés de l’annonce l’an dernier de l’abolition du poste de Commissaire à la santé et au bien-être, des groupes du milieu de la santé se désolent de constater que M. Barrette s’est octroyé l’un de ses pouvoirs — celui de se conseiller lui-même et d’évaluer ses propres réformes.

Ces groupes estiment que le ministre de la Santé se soustrait à toute évaluation critique et indépendante de ses agissements.

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