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Lac-Mégantic: la Couronne a présenté sa plaidoirie

Train driver Thomas Harding, left, leaves the courtroom during a break on the first day of the Lac Megantic trial in Sherbrooke, Que., on Monday, October 2, 2017. Closing arguments are scheduled to begin in Quebec today at the jury trial of three men charged with criminal negligence in the Lac-Megantic rail disaster that killed 47 people.THE CANADIAN PRESS/Ryan Remiorz Photo: THE CANADIAN PRESS
Stéphanie Marin - La Presse Canadienne

SHERBROOKE, Qc — Le chef de train Thomas Harding a joué un rôle significatif dans la mort des 47 victimes de la tragédie ferroviaire de Lac-Mégantic, parce qu’il n’a pas appliqué suffisamment de freins sur le convoi — soit juste la moitié de ce qui était requis — et qu’il n’a pas effectué de tests sur ceux-ci avant de quitter pour la nuit, a plaidé l’un des procureurs de la Couronne, mercredi matin.

Le train de 72 wagons de pétrole brut, laissé sans surveillance en haut d’une pente à Nantes, l’a ensuite dévalée, déraillant et explosant à Lac-Mégantic le 6 juillet 2013.

Quant aux deux autres accusés, d’ex-employés de l’entreprise ferroviaire Montreal Maine & Atlantique (MMA), le contrôleur Richard Labrie et le directeur de l’exploitation de la MMA au Québec, Jean Demaître, le procureur de la Couronne Sacha Blais a fait valoir que s’ils avaient posé des questions pertinentes sur la sécurisation du train, ils auraient pu éviter la tragédie.

Or ni l’un ni l’autre n’ont jugé bon de vérifier auprès du chef de train Harding combien de freins à main avaient été enclenchés et si des tests avaient été faits. Et cela, même s’ils savaient qu’un incendie s’était déclenché sur la locomotive de tête.

Ils avaient la responsabilité de prendre les mesures nécessaires pour éviter des blessures et des pertes de vie. Une tâche à laquelle ils ont tous les deux failli par de nombreuses omissions, a plaidé Me Blais.

Les trois hommes sont accusés de négligence criminelle et ont plaidé non coupables.

Le procureur de la Couronne a clos mercredi matin sa plaidoirie au palais de justice de Sherbrooke, où se déroule le procès criminel depuis le début du mois d’octobre.

Le procès devant le jury de 14 personnes est présidé par le juge Gaétan Dumas, de la Cour supérieure.

Les plaidoiries des trois accusés vont débuter jeudi matin et se poursuivre vendredi. Comme ils n’ont pas témoigné à leur procès, les arguments de leurs avocats sont très attendus.

Puis, le juge Dumas prévoit donner ses instructions au jury lundi, leur permettant alors de commencer leurs délibérations.

La compagnie MMA, qui a depuis fait faillite, a aussi plaidé non coupable à l’accusation de négligence criminelle et subira un procès séparé.

Dans sa plaidoirie, le procureur de la Couronne a tenté de convaincre le jury — 10 hommes et quatre femmes — que sans les agissements de M. Harding ce soir-là, l’explosion catastrophique du train de pétrole brut ne se serait jamais produite. Il a fait preuve d’insouciance et de mépris envers la sécurité de la population, juge-t-il.

La conduite d’un train de 10 000 tonnes est une activité qui comporte certains dangers, a déclaré Me Blais. Et les employés sur le terrain sont les «derniers remparts pour la sécurité» des gens.

Il y a des règles à suivre, consignées dans des documents, lorsqu’un train est laissé sans surveillance: celles-ci prévoient le nombre de freins à main minimum qui doivent être appliqués et que des tests doivent être faits sur les freins pour s’assurer qu’ils soient efficaces. Un train laissé en haut d’une pente demande un nombre plus élevé de freins, a aussi expliqué le procureur.

«Ces textes sont clairs», a tranché Me Blais, qui a plaidé en anglais et en français. Et ils ne sont pas compliqués, a-t-il ajouté.

«Si Thomas Harding ne fait pas son travail de façon sécuritaire à Nantes (là où le train était arrêté la veille du drame), qui le fera?», a demandé le procureur.

Il a rappelé qu’un expert en sécurité ferroviaire a déclaré au procès que 14 freins à main auraient dû être appliqués sur le convoi alors qu’il n’y en aurait eu que sept.

M. Harding est assis près de ses avocats dans la salle de cour et écoute attentivement, impassible.

Me Blais a aussi insisté sur le fait que M. Labrie aurait pu poser des questions pour s’assurer que le train était adéquatement immobilisé ou qu’il aurait pu exiger de Thomas Harding qu’il retourne sur les lieux pour inspecter la locomotive.

«Celui qui pouvait vérifier le travail de Thomas Harding, c’était lui», a-t-il dit à propos de M. Labrie.

Me Blais a fait réentendre aux 14 jurés des enregistrements des conversations téléphoniques entre la Sûreté du Québec et M. Labrie au sujet du feu de la locomotive et ensuite entre M. Labrie et M. Demaître.

Avisé de l’incendie de la locomotive par M. Labrie, M. Demaître n’a pas posé de questions non plus sur l’ampleur de l’incendie, le nombre de freins appliqués ni s’ils avaient été testés, a ajouté le procureur de la Couronne.

«Qu’est-ce qu’il a fait pour s’assurer que le train est immobilisé de façon sécuritaire? Rien», a-t-il dit.

«Toute la preuve devrait vous convaincre hors de tout doute raisonnable que les accusés ont commis de le négligence criminelle», a conclu Me Blais.

Quelques dizaines de personnes assistaient aux plaidoiries mercredi matin.

Parmi elles, Jean Clusiault, le père de l’une des victimes de la tragédie ferroviaire.

Il a écouté le procureur Sacha Blais lire en Cour — pour la première fois lors du procès — les noms des 47 victimes, dont celui de sa fille Kathy.

«J’te dis pas qu’il y a pas eu un petit côté émotif là, mais j’ai gardé le contrôle», a-t-il déclaré aux journalistes. Il prévoit être dans cette salle de cour du palais de justice, jour après jour, jusqu’au verdict.

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