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Aga Khan: les conservateurs veulent convoquer Trudeau

Prime Minister Justin Trudeau meets with the Aga Khan on Parliament Hill in Ottawa on Tuesday, May 17, 2016. Trudeau says he's looking forward to answering questions from the federal ethics commissioner about his Christmas vacation to a Caribbean island owned by the Aga Khan.THE CANADIAN PRESS/Sean Kilpatrick Photo: La Presse Canadienne

OTTAWA — Les conservateurs interrompent les vacances des députés d’un comité parlementaire pour tenter de forcer Justin Trudeau à venir parler des siennes sur l’île privée de l’Aga Khan, qui lui ont valu un sévère blâme de la commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique.

Le député Peter Kent a réclamé et obtenu une rencontre extraordinaire du comité permanent de l’éthique, qui se tiendra mardi prochain, et lors de laquelle il déposera une motion visant à faire comparaître le premier ministre, aussi avant la rentrée parlementaire, à la mi-janvier.

«C’est la première fois qu’un premier ministre canadien enfreint une loi fédérale dans le cadre de ses fonctions», a tenu à rappeler l’élu conservateur en entrevue téléphonique avec La Presse canadienne, vendredi.

«Ce n’est pas une requête déraisonnable compte tenu des découvertes sans précédent de la commissaire», a enchaîné M. Kent, notant que les élus n’ont pu questionner le premier ministre en Chambre puisque le rapport a été déposé alors que les travaux avaient été ajournés.

Le député estime que certaines des réponses offertes par le premier ministre en conférence de presse, le 20 décembre dernier, «ont soulevé des questions additionnelles», et il juge «approprié» de le convoquer pendant la relâche de janvier «car son horaire est plus flexible».

«Aussi, ce n’était pas notre motivation première, mais ça donnera aux journalistes de la Tribune de la presse parlementaire quelque chose à couvrir», a laissé tomber l’ancien ministre à l’autre bout du fil.

Le comité de l’éthique se réunira également le lendemain, soit mercredi prochain, pour entendre le témoignage de la commissaire Mary Dawson, auteure du «rapport Trudeau», cet explosif document qu’elle a rendu public quelques jours avant Noël.

Au fil de son étude, la commissaire sortante a déterminé que Justin Trudeau avait enfreint quatre articles de la Loi sur les conflits d’intérêts en passant ses vacances avec famille et amis sur l’île privée de l’Aga Khan.

Selon les conclusions de Mme Dawson, cette escapade au domaine bahaméen du richissime leader spirituel des musulmans ismaéliens, qui a été organisée sous l’impulsion de la femme du premier ministre, Sophie Grégoire, constituait un cadeau au sens de la loi.

Justin Trudeau a toujours plaidé que l’Aga Khan était un ami de la famille. La commissaire n’a pas souscrit à cette thèse, notant que les deux hommes n’avaient eu aucune interaction pendant 30 ans, entre 1983 et 2013, sauf aux funérailles de Pierre Elliott Trudeau, en 2000.

Elle a évalué que «la nature de (leurs) rapports ne permet pas d’établir que les deux hommes entretiennent une relation d’amitié» au sens de la Loi, et que l’exception permettant d’accepter un cadeau d’un ami ne s’appliquait donc pas.

En conférence de presse peu après le dépôt du rapport, le premier ministre a déclaré qu’il acceptait le verdict de la commissaire Dawson, mais qu’il était en désaccord avec sa conclusion sur le lien qui l’unit au philanthrope, dont la fondation est inscrite au registre des lobbyistes.

Que feront les libéraux du comité?

Le comité permanent de l’éthique est l’un de ceux dont la présidence est assurée par un député de l’opposition officielle — dans ce cas, Bob Zimmer. Mais comme c’est le cas à la table de tous les comités, les libéraux disposent d’une majorité et pourraient donc bloquer l’adoption de la motion.

Le député néo-démocrate Nathan Cullen espère que ses collègues libéraux appuieront la démarche et ne priveront pas le premier ministre de ce qu’il dit considérer «une occasion d’être honnête et ouvert» et de mettre les choses au clair.

«Les membres du comité ne travaillent pas pour le premier ministre ni pour le bureau du premier ministre», a-t-il fait remarquer en entrevue téléphonique à La Presse canadienne depuis la Colombie-Britannique, vendredi.

«Le fait que M. Trudeau soit le premier premier ministre de l’histoire à avoir enfreint les règles éthiques justifie la nécessité d’aller de l’avant avec la démarche inhabituelle de se présenter devant le comité», a poursuivi le député Cullen.

Au bureau du premier ministre, on a refusé de s’engager à ce que ce dernier aille témoigner devant le comité si la motion conservatrice était avalisée la semaine prochaine au comité permanent de l’éthique.

«Les comités parlementaires sont indépendants. Nous respectons leur indépendance et ne présumons d’aucune conclusion des discussions que les membres peuvent avoir entre eux», a écrit dans un courriel la porte-parole Chantal Gagnon.

Aucun des six députés libéraux du comité, tous sollicités par La Presse canadienne, n’a fait part de ses intentions par rapport à la motion. Au total, le comité parlementaire compte 10 membres avec droit de vote (six libéraux, trois conservateurs et un néo-démocrate).

Le député Kent se dit «confiant» que ses collègues libéraux du comité «sont aussi intéressés (que ceux de l’opposition) à donner au premier ministre l’occasion de tirer les choses au clair et de répondre à certaines des questions de l’opposition».

«J’espère pouvoir les convaincre que c’est une invitation appropriée et qu’ils appuieront l’invitation», a-t-il enchaîné.

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