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Deux Québécois veulent l’aide médicale à mourir

Photo: Mario Beauregard/Métro

MONTRÉAL — Deux Québécois qui se battent devant les tribunaux pour obtenir l’aide médicale à mourir reprochent au gouvernement fédéral d’utiliser des moyens démesurés pour les empêcher d’avoir gain de cause.

Avant même que l’audition de la cause ne s’amorce, Ottawa a demandé à la Cour supérieure la permission de présenter en preuve les témoignages de 13 experts au soutien de sa défense de la loi fédérale, requête que la juge Christine Baudouin a commencé à entendre lundi.

«C’est tout à fait disproportionné et non pertinent», a affirmé leur avocat, Me Jean-Pierre Ménard, en marge de l’audience, lundi.

L’avocat spécialisé en droit de la santé a précisé qu’il était normal que le gouvernement veuille faire entendre des experts, mais pas un tel nombre.

«C’est clair que nos clients n’ont pas les moyens pour payer 13 autres experts. (…) Ajouter des expertises, ça ajoute des délais et, pour mes clients, le temps est compté: les gens souffrent (et) souhaitent qu’on trouve une fin», a-t-il dit.

Selon Me Ménard, la demande du fédéral va clairement à l’encontre du principe de proportionnalité des moyens prévu au Code de procédure civile québécois.

Obligation d’être condamné à mourir

Nicole Gladu et Jean Truchon ont déposé en juin dernier une demande en jugement déclaratoire afin de faire déclarer inconstitutionnelles les provisions de la loi fédérale qui limitent l’aide médicale à mourir aux personnes dont la mort est «raisonnablement prévisible».

Ottawa a été forcé d’adopter une loi permettant de demander l’aide médicale à mourir après que l’arrêt Carter de la Cour suprême eut jugé que l’interdiction d’offrir l’aide médicale à mourir allait à l’encontre de la charte des droits.

Or, l’arrêt Carter permettait d’offrir l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes d’une maladie grave et irrémédiable et qui étaient aux prises avec des souffrances intolérables qui ne peuvent pas être soulagées. Le plus haut tribunal n’avait émis aucun critère associé à une mort prochaine ou prévisible, mais la loi fédérale a introduit un critère qui impose pratiquement une obligation d’être condamné à mourir pour y avoir droit.

Nicole Gladu, une septuagénaire victime de la polio en enfance, a reçu un diagnostic de syndrome post-poliomyélite en 1992 et son état se détériore sans cesse depuis ce temps, au point où elle a du mal à se tenir dans son fauteuil roulant sans effort, alors que Jean Truchon, un quinquagénaire atteint de paralysie cérébrale, a perdu en 2012 l’usage de son bras gauche, dernier membre fonctionnel qu’il avait.

Bien qu’atteints de graves maladies dégénératives incurables, la mort des deux Montréalais n’est pas imminente.

«Ce que mes clients réclament, c’est que la Cour déclare inconstitutionnel l’article du Code criminel qui prévoit le critère de mort raisonnablement prévisible pour l’accès à l’aide médicale à mourir et on demande de rétablir les conditions établies par (l’arrêt) Carter, à savoir: maladie grave irrémédiable et souffrances intolérables qui ne peuvent pas être soulagées sans critères associés à la mort prochaine», a rappelé l’avocat.

Militants pro et anti

La juge Baudouin devra par ailleurs trancher sur la participation ou non de divers organismes militants qui veulent se faire entendre en marge du débat juridique.

Le Collectif des médecins contre l’euthanasie, qui s’oppose à toute forme d’aide médicale à mourir, a fait des représentations afin de proposer ses propres expertises, tout comme l’Association canadienne pour l’intégration communautaire et le Conseil des Canadiens avec déficiences, qui cherchent aussi à limiter le droit à l’aide médicale à mourir.

À l’opposé, l’Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité, qui appuie la requête de Mme Gladu et de M. Truchon, a également fait des représentations pour être entendue.

Ni les procureurs du gouvernement fédéral ni ceux du gouvernement québécois — qui est également forcé de défendre sa propre loi qui prévoit «une mort imminente» pour avoir droit à l’aide médicale à mourir — ni Me Ménard ne s’opposent à ce que les groupes concernés déposent une expertise écrite, mais aucune des parties ne souhaite voir le débat sur l’aide médicale à mourir être refait devant la Cour.

«Un des grands dangers de ce dossier, c’est d’ouvrir des portes qui ne sont pas pertinentes à ce débat-ci; il faut qu’on recadre les choses», a affirmé Me Ménard.

Il a fait valoir que certains groupes opposés à l’aide médicale à mourir tentent de faire croire que ses clients cherchent à l’étendre, ce qui est faux.

«Ce qu’on demande, c’est simplement le rétablissement des droits que (l’arrêt) Carter avait conférés à nos clients et que la loi fédérale leur a retirés», a dit l’avocat.

L’audience sur ces questions se poursuivra mercredi.

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