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PTP: des munitions pour la gestion de l'offre

Julien Arsenault, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Les agriculteurs québécois estiment que la version amendée du Partenariat transpacifique fournit d’autres munitions aux négociateurs canadiens pour ne rien céder sur la question de la gestion de l’offre alors que se poursuit à Montréal la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA).

L’Union des producteurs agricoles (UPA) et les Producteurs de lait du Québec ont rappelé que ce sont les États-Unis qui avaient décidé l’an dernier de se retirer de cette entente commerciale, qui prévoyait des concessions dans le système canadien qui régit les productions de lait, d’oeufs et de volaille.

«Dans sa stratégie, le Canada doit demeurer ferme et dire aux négociateurs américains « si vous voulez un accès un marché canadien, il se trouve à travers le PTP »», a expliqué le président de l’UPA, Marcel Groleau, mardi, au cours d’un entretien téléphonique.

C’est en octobre dernier que les États-Unis ont réclamé la fin définitive du système de la gestion de l’offre d’ici les dix prochaines années dans le cadre de la modernisation de l’ALÉNA, une idée qui, selon Ottawa, est vouée à l’échec.

De l’avis des deux associations, il n’est peut-être pas trop tard pour que les Américains puissent changer leur fusil d’épaule afin de rejoindre le Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), dont la version amendée comprend le Canada et les dix autres membres du PTP — le Japon, le Mexique, l’Australie, Brunei, le Chili, la Malaisie, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et le Vietnam.

Annoncée mardi, la nouvelle mouture accorde au Canada un accès élargi au gigantesque marché japonais. Avec le départ des États-Unis, le Japon devient le joueur central de cette alliance commerciale qui regroupe onze pays dans deux hémisphères, et qui comprend les deux voisins des Américains, mais pas la Chine.

Cet accord commercial, qui pourrait être paraphé au début du mois de mars, fera en sorte que le Canada offrira un accès de 3,25 pour cent à son secteur laitier, 2,3 pour cent au marché des oeufs et 2,1 pour cent à celui du poulet.

«Notre message, c’est que ce sont les Américains qui ont fait pression dans le PTP pour avoir accès à notre marché, a dit le porte-parole des Producteurs de lait du Québec, François Dumontier. Le Canada a fini par dire oui et les États-Unis se sont retirés. Il n’est pas question de payer une deuxième fois dans l’ALÉNA parce que les Américains se sont retirés du PTP l’an dernier.»

M. Groleau a abondé dans le même sens, estimant que l’administration Trump avait tout simplement pris une «mauvaise décision» en tournant le dos au PTP, estimant qu’il était trop tard pour demander de nouvelles concessions ou l’abolition de la gestion de l’offre afin de moderniser l’ALÉNA.

La semaine dernière, une coalition de producteurs avait dévoilé une étude commandée au cabinet PwC suggérant que de 58 000 à 80 000 emplois — dont 26 000 au Québec — seraient menacés chez les producteurs d’oeufs et de volaille au pays advenant la disparition de la gestion de l’offre. Ces chiffres s’ajoutent aux quelque 24 000 postes qui, selon une enquête commandée au Boston Consulting Group (BCG) par Agropur en 2015, seraient en jeu dans le secteur laitier.

Satisfaction et inquiétudes

Si certains peuvent être préoccupés par la version amendée du PTP, le président de l’UPA a souligné que l’accord marquait des avancées pour les producteurs de porc, de boeuf et de sirop d’érable, notamment. Le Japon constitue le deuxième marché en importance des producteurs de porc du Québec.

«On ne se réjouit jamais des brèches dans la gestion de l’offre, mais plusieurs de nos membres vont avoir accès à de nouveaux marchés», a-t-il dit.

L’inquiétude était plus palpable du côté des producteurs laitiers, qui estiment que plus de 80 pour cent des impacts financiers de la nouvelle mouture du PTP risquent de se concrétiser même si les États-Unis ne sont plus dans le portrait.

M. Dumontier a signalé que l’Australie et la Nouvelle-Zélande, deux importants producteurs de lait, risquent d’avoir les yeux tournés sur le marché canadien pour des produits comme le beurre et le fromage.

«Nous avons écopé dans l’accord de libre-échange avec l’Union européenne et c’est encore le cas cette fois-ci, a-t-il dit. Nous ne sommes pas contre les traités commerciaux, mais pour notre secteur, il n’y a pas d’ouvertures supplémentaires.»

Les Éleveurs de volailles du Québec se sont dits fortement déçus que les «concessions» faites par le gouvernement canadien dans le cadre du du PTPGP à 11 pays pour le secteur de la volaille n’aient pas été «ajustées afin de refléter le retrait des États-Unis de l’accord original». L’organisation a souligné que les États-Unis étaient le seul pays à demander des accès supplémentaires pour la volaille pendant les négociations initiales du PTP.

«Cet accès supplémentaire de 2,1 pour cent des marchés est majeur pour la filière avicole québécoise. C’est maintenant l’équivalent de plus de 10 pour cent de la production canadienne qui sera importée», a affirmé par communiqué, mardi soir, le président des Éleveurs de volailles du Québec, Pierre-Luc Leblanc.

M. Leblanc a affirmé que les producteurs de volailles déploraient cette brèche supplémentaire à «un juste équilibre entre l’utilisation de nos ressources et les besoins des consommateurs».

«Le gouvernement canadien ne doit plus concéder nos parts de marché, notamment dans le cadre de l’ALÉNA, sans mettre en péril la stabilité du système actuel et ainsi nuire à nos entreprises et à l’économie d’ici», a soutenu le président des Éleveurs de volailles du Québec.

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