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Cannabis: les chimistes veulent un contrôle pancanadien

Photo: Marcio Jose Sanchez
Pierre Saint-Arnaud, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Après en avoir fait la demande au gouvernement Couillard, l’Ordre des chimistes du Québec porte sa cause à Ottawa et réclame un rôle dans le contrôle de qualité du cannabis récréatif au nom de tous les chimistes du Canada.

Dans son mémoire présenté à Santé Canada, l’Ordre réclame notamment que les chimistes soient impliqués autant dans la chaîne de production que lors de la commercialisation, et ce, pour assurer la protection du public.

Il fait valoir que ceux-ci sont les seuls habilités pour réaliser «l’analyse et l’interprétation des résultats des tests chimiques portant sur la présence de cannabis, sur sa composition et sur sa présence dans l’organisme, que ce soit à l’étape de sa production, de sa transformation, de sa commercialisation ou de la surveillance de sa consommation».

«L’analyse des produits dérivés du cannabis — le matériel végétal — n’est pas simple», a expliqué le président du conseil d’administration de l’Ordre, Guy Collin, à La Presse canadienne, précisant qu’il y a «au moins 400 composés qui ont été identifiés dans ce matériel végétal, dont plusieurs dizaines dérivés du cannabis, les cannabinoïdes.»

L’ordre professionnel souligne qu’il sera nécessaire d’élaborer des protocoles visant à déterminer, par exemple, la concentration de THC, le principe actif du cannabis qui entraîne l’euphorie, ou la présence de pesticides issus de sa culture, une évaluation qui se situe hors du champ d’expertise des autres professionnels impliqués, tels les médecins, psychiatres et pharmaciens qui, eux, doivent déterminer les effets sur la santé physique et mentale, les dosages, contre-indications et autres.

Ce sont aussi les chimistes qui auront la lourde tâche d’élaborer un protocole et une méthodologie pour répondre aux restrictions en matière de conduite avec les facultés affaiblies.

«Il n’y a pas de protocole d’établi pour cette question et c’est très complexe», souligne M. Collin qui fait valoir que, contrairement à l’alcool, les recherches démontrent jusqu’ici que le THC est éliminé à des rythmes extrêmement variables d’un individu à l’autre. Il avertit par ailleurs que, dans l’élaboration des normes sur la conduite automobile, le rôle des chimistes se limitera à la détermination des concentrations de THC et ne touchera pas à l’évaluation des facultés.

«Ce n’est pas à nous de répondre à ça. Nous, on est là pour établir les concentrations et ce sera aux pharmaciens et aux médecins à établir la norme au-dessus de laquelle on peut conduire», dit-il.

L’Ordre recommande ainsi, entre autres, «que la future réglementation prévoie qu’un chimiste professionnel valide obligatoirement la composition du cannabis et la présence possible de composantes nuisibles dans chaque entreprise de production ou de transformation de cannabis» et «que des chimistes professionnels soient obligatoirement responsables de l’analyse et de l’interprétation des résultats des tests chimiques portant sur la présence de cannabis, sur sa composition et sur sa présence dans l’organisme».

Les technologues lèvent la main

L’Ordre des technologues professionnels du Québec estime toutefois que les chimistes ratissent un peu large.

S’il reconnaît que les chimistes ont l’expertise requise pour développer les tests et protocoles requis, son directeur général et secrétaire, Denis Beauchamp, rappelle que dans les domaines des sciences appliquées, ce sont les techniciens qui réalisent les expertises en laboratoire et qui assurent le contrôle de qualité.

«Ça pousse un peu trop de vouloir poster un chimiste à toutes les étapes du processus», a-t-il expliqué lorsque rejoint par La Presse canadienne. «On va manquer de chimistes demain matin si on en met partout.»

Il fait valoir que les firmes pharmaceutiques ou de produits d’hygiène, par exemple, fonctionnent toutes selon le même modèle et qu’il n’y a aucune raison qu’il en soit autrement dans le domaine du cannabis récréatif.

«À partir du moment où la méthode ou le protocole de recherche a été établi par un chimiste, c’est sûr que le technologue — à partir de normes établies, des standards — peut remplacer le chimiste», affirme-t-il.

M. Beauchamp ajoute que, de toute façon, le chômage est quasi-inexistant chez les chimistes et qu’il serait illusoire de vouloir en embaucher massivement à tous les échelons, de la production à la vente, de l’industrie du cannabis.

D’ailleurs, la tâche ne sera guère plus facile avec les technologues puisqu’eux aussi sont en très forte demande, souligne le directeur général de l’Ordre.

Son vis-à-vis chez les chimistes ne conteste nullement cette position. «Une fois le protocole établi, c’est sûr que le technicien en chimie analytique, par exemple, est tout à fait habilité à procéder à l’analyse et sera capable de vous dire ce que contient un échantillon. On ne conteste pas du tout ça», se défend Guy Collin.

Mais il ajoute que tout laboratoire devra nécessairement être sous la supervision d’un chimiste professionnel, tout comme les entreprises qui feront de la deuxième transformation pour mélanger du cannabis à des gâteaux, des biscuits ou des breuvages, par exemple, devront être soumis à des contrôles tout aussi rigoureux.

«À partir du moment où on fait des transformations complémentaires, tout peut arriver, note M. Collin. Il faut qu’il y ait aussi d’autres protocoles mis en place et éventuellement des techniciens pour faire des analyses pour vérifier qu’effectivement, en bout de ligne, sur les étagères du commerçant le produit soit conforme aux attentes du législateur.»

L’Ordre des chimistes du Québec a été mandaté pour faire ces représentations à Santé Canada par la Fédération des chimistes professionnels du Canada (FCPC), qui regroupe, outre l’ordre québécois, les associations professionnelles de chimistes du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de l’Ontario, de la Colombie-Britannique, de l’Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba.

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