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Trudeau en visite au Saguenay-Lac-Saint-Jean

Jacques Boissinot / La Presse Canadienne Photo: Jacques Boissinot
Stéphane Bouchard, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

SAGUENAY, Qc — Le premier ministre Justin Trudeau semble se soumettre au chantage de Donald Trump qui lie les tarifs sur l’acier et l’aluminium aux négociations de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA).

Après avoir répété, lors de sa visite au Saguenay lundi, que l’ALÉNA et les tarifs américains sont deux enjeux séparés, M. Trudeau s’est contredit. «J’accepte ce que le président m’a dit, que tant qu’il y aura un accord de libre-échange en Amérique du Nord, il n’y aura pas de tarifs», a déclaré le premier ministre en point de presse.

Il venait lui-même de lier les deux enjeux, tout en les présentant comme séparés. «D’aller imposer des tarifs qui vont faire mal à nos employés, à nos employeurs, à nos industries des deux côtés de la frontière, ce n’est pas comme ça qu’on va négocier un meilleur accord de l’ALÉNA», a-t-il déclaré.

Son homologue Philippe Couillard a senti le besoin d’y apporter tout de suite son grain de sel.

«Dans la région, il y a des travailleurs laitiers qui sont inquiets, qui se demandent est-ce qu’on va servir un peu de monnaie d’échange», a souligné M. Couillard qui, manifestement, ne veut pas voir sacrifiée la gestion de l’offre pour calmer l’appétit du voisin américain. «Les fermiers laitiers, les exploitants agricoles ont déjà donné», a rappelé le premier ministre québécois, citant les accords de libre-échange récemment conclus avec l’Europe et avec les pays du Pacifique. Pas question, a insisté M. Couillard, de transférer la pression sur le secteur agricole québécois.

Jeudi, le président Trump a exempté le Canada et le Mexique des tarifs de 25 pour cent sur l’acier et 10 pour cent sur l’aluminium. Il a fait savoir que l’exemption est temporaire et serait à revoir selon l’issue des négociations de l’ALÉNA.

Le président américain a aussi demandé que le Canada et le Mexique prennent les actions nécessaires pour éviter que du métal primaire provenant des pays touchés par ces tarifs douaniers ne contourne cette taxe en faisant entrer leur production par ces deux pays exemptés temporairement. Le premier ministre Trudeau a indiqué prendre cette question au sérieux.

«J’ai souligné directement au président et je suis content de le resouligner aujourd’hui, que nous aussi on est très préoccupés par les actions, surtout de la Chine, par rapport au dumping d’acier et d’aluminium sur le marché mondial. C’est pourquoi le Canada a depuis longtemps des barrières significatives pour empêcher que de l’acier ou de l’aluminium à bas prix viennent perturber le marché et viennent compétitionner de manière injuste avec les travailleurs, avec les industries» a-t-il précisé.

Lundi, les deux premiers ministres qui venaient de visiter les installations du Centre technologique AP60 de Rio Tinto, à Jonquière, ont assuré qu’ils ne baissaient pas la garde tout de suite, puisque l’exemption n’est que temporaire. Le choix du Saguenay n’était pas anodin puisque Rio Tinto, avec ces quatre usines dans cette région, produit le tiers de l’aluminium canadien. La multinationale exporte près de 80 % de sa production, qui dépasse le million de tonnes, aux États-Unis principalement pour l’industrie automobile.

Si le directeur exécutif des opérations Atlantique Aluminium chez Rio Tinto, Gervais Jacques, n’a pas voulu répondre aux questions des médias pour ne pas mettre de l’ombrage sur les déclarations des premiers ministres canadien et québécois, ce discours a plu au président du Syndicat national des employés de l’ aluminium d’Arvida (SNEAA), Alain Gagnon, qui représente les travailleurs de l’entreprise.

«Tout est interrelié. Oui, la grosse industrie peut passer à travers une certaine taxe, mais ça a des conséquences collatérales terribles» a affirmé M. Gagnon, en ajoutant qu’il était important de démontrer de l’unité sur ce front et de faire valoir que l’aluminium canadien est «vert» et que les employés de l’industrie ont de bonnes conditions de travail.

La mairesse de Saguenay, Josée Néron, a elle aussi été rassurée par les discussions à huis clos tenues entre M. Trudeau, Couillard et les représentants de l’industrie. Rio Tinto a annoncé récemment son intention d’investir 250 millions de dollars, à Saguenay, pour construire une usine de traitement des résidus de bauxite et l’entreprise «garde le cap» sur ce projet, selon la porte-parole de l’entreprise.

«De rassembler les trois paliers de gouvernements, dans la situation, c’est quelque chose de très bien. Ça démontre au gouvernement américain qu’on est mobilisé et qu’on est un joueur majeur» pense Mme Néron.

M. Trudeau fait une tournée qui le mènera mardi à Hamilton, mercredi à Sault-Ste-Marie, puis à Regina, en Saskatchewan.

Quelques infos sur Rio Tinto

Production de Rio Tinto au Saguenay-Lac-Saint-Jean : 1 million de tonnes

Exportation de Rio Tinto aux États-Unis : Près de 80 % de sa production

Principal client : Industrie automobile américaine

Emplois chez Rio Tinto : 4 000 au Saguenay-Lac-Saint-Jean , 15 000 au Canada

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