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Faire scintiller les tumeurs pour les repérer

Photo: Archives Métro

PHILADELPHIE — C’était une intervention chirurgicale presque routinière pour retirer une tumeur — jusqu’à ce que les médecins éteignent les lumières et que la poitrine du patient se mette à scintiller. Un point près de son coeur émettait une lueur pourpre, et un autre dans un poumon.

Ces tumeurs cachées étaient identifiées par une coloration fluorescente, une percée technologique qui pourrait bientôt révolutionner le déroulement de milliers d’interventions chaque année.

La chirurgie est, depuis longtemps, la meilleure tactique pour éradiquer un cancer. Si la maladie réapparaît, c’est souvent parce que des cellules cancéreuses ont été oubliées ou n’ont jamais été détectées. Il est toutefois difficile pour les chirurgiens de distinguer les cellules cancéreuses des cellules saines.

La coloration change tout en illuminant les cellules cancéreuses, pour que les chirurgiens puissent les extraire et maximiser les chances de survie du patient.

Avec la coloration, «c’est presque comme si nous avions des yeux bioniques, a dit le docteur Sunil Singhal, de l’Université de la Pennsylvanie. On peut s’assurer de ne pas en enlever trop ou pas assez.»

La coloration demeure expérimentale, mais les progrès sont rapides. Deux font l’objet d’essais cliniques pour être approuvées par la Food and Drug Administration des États-Unis. Le géant Johnson & Johnson a investi 40 millions $ US dans un des deux produits.

«Nous pensons que c’est important. Ça va améliorer la vie des patients», a dit Paula Jacobs, une spécialiste de l’imagerie à l’Insitut national du cancer. Dans environ cinq ans, croit-elle, «il y en aura toute une gamme».

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FAIRE SCINTILLER LES TUMEURS

Le docteur Singhal a eu un éclair d’inspiration il y a dix ans, en réfléchissant au cas d’une patiente qui est décédée quand son cancer du poumon est réapparu peu après qu’il eut pensé l’avoir complètement éliminé. Il était alors étendu à côté de son bébé, à admirer des images fluorescentes.

«J’ai regardé et j’ai vu toutes ces étoiles sur le plafond et je me suis dit, ça serait tellement génial si on pouvait faire briller les cellules» pour empêcher les gens d’être tués par des tumeurs cachées, a-t-il raconté.

Une coloration appelée ICG était utilisée en médecine depuis longtemps. Le docteur Singhal a découvert que la coloration, si des doses importantes étaient administrées par intraveineuse la veille de l’intervention, se concentrait dans les cellules cancéreuses et brillait si on l’exposait à une lumière UV.

Il l’a rebaptisée TumorGlow et la teste maintenant pour différentes tumeurs, notamment aux poumons et au cerveau.

Il teste aussi une coloration développée par On Target Laboratories et qui se lie à une protéine plus courante dans les cellules cancéreuses. Le produit fait l’objet d’études cliniques pour le cancer des ovaires et le cancer du poumon. Lors d’une étude, la coloration a illuminé 56 des 59 tumeurs précédemment détectées, plus neuf autres qui étaient passées sous le radar.

Chaque année, quelque 80 000 Américains sont opérés en raison de lésions inquiétantes aux poumons. Si la coloration peut démontrer que seule une petite portion de l’organe est touchée, le chirurgien pourra n’en retirer qu’une petite partie au lieu du lobe au complet, a expliqué la patronne d’On Target.

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TRÈS PROMETTEUR POUR LE CANCER DU SEIN

C’est peut-être dans la lutte au cancer du sein que la coloration est la plus prometteuse, selon la Société américaine du cancer. Jusqu’à un tiers des femmes à qui on retire une masse doivent être réopérées parce que des cellules cancéreuses ont été laissées derrière.

«Si on abaisse ce pourcentage à un seul chiffre, la différence sera énorme», a dit Kelly Londy, la patronne de Lumicell, une entreprise de Boston qui teste une coloration jumelée à un appareil de détection pour examiner une cavité à la recherche de cellules cancéreuses oubliées.

La technologie de Lumicell a détecté tous les cancers chez 60 patientes lors d’un premier essai. Une deuxième expérience est actuellement menée auprès de 600 femmes.

Elle a toutefois aussi généré de fausses alarmes dans un quart des cas — «il y a eu des cas où des tissus sains ont été illuminés», a dit la docteure Barbara Smith, de l’Hôpital général du Massachusetts.

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LES AUTRES CANCERS

La compagnie Blaze Bioscience a développé Tumor Paint, un produit qui regroupe une molécule et une coloration pour faire briller les tumeurs. Des études préliminaires portant sur les cancers de la peau, du cerveau et du sein ont été réalisées.

Avelas Bioscience a développé un produit similaire. Les premières études portant sur le cancer du sein tirent à leur fin, et d’autres sont prévues pour les cancers du côlon, de la tête et du cou, des ovaires, et autres.

Les médicaments pour combattre le cancer recevaient beaucoup moins d’attention que les méthodes pour améliorer l’efficacité des interventions chirurgicales.

«Ça avait été oublié, malgré les besoins médicaux criants», a expliqué le président d’Avelas, Carmine Stengone.

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