Un garçon traité avec de la salive de chien enragé
VANCOUVER — Santé Canada lance une enquête après que des inquiétudes eurent été soulevées quant au traitement d’un garçon de quatre ans, par une naturopathe de Colombie-Britannique, avec un produit de santé naturel dérivé de la salive de chiens atteints de la rage.
Cette enquête survient dans la foulée de signalements par la médecin hygiéniste en chef de la Colombie-Britannique et des groupes de médecine alternative.
La docteure Bonnie Henry craint que le lyssinum, un produit de naturopathie qui contiendrait de la salive infectée, puisse faire contracter cette maladie virale.
Dans un communiqué, Mme Henry a reconnu le rôle «complémentaire» que peut jouer l’homéopathie, mais s’est aussi dite préoccupée que des patients la préfèrent à des traitements prouvés efficaces.
Vendredi, Santé Canada a précisé que le lyssinum/hydrophobinum est réglementé comme un produit de santé naturel. Un porte-parole de l’agence fédérale a cependant signalé que l’entreprise avec laquelle la naturopathe en question aurait fait affaire n’a pas l’autorisation d’en faire la distribution.
La vente de produits de santé naturels sans permis est interdite et passible d’une amende de 5 000 $ et d’une peine de jusqu’à trois ans de prison, a rappelé l’agence fédérale par communiqué.
Dans un billet de blogue depuis supprimé, la naturopathe Anke Zimmerman détaille le soi-disant succès de son traitement pour les troubles comportementaux et de sommeil du jeune garçon.
Celui-ci grognait comme un chien, ne pouvait pas s’endormir en raison de sa peur des loups-garous, indique-t-elle. L’enfant était aussi défiant et souvent surexcité.
Malgré les quelques rechutes attendues, le traitement a «très bien marché» selon Mme Zimmerman.
En entrevue vendredi, elle a reconnu que le remède administré était à base de salive contenant la rage, mais elle a nié la présence du virus dans la pilule après un long processus de dilution.
«Même pas une molécule de la substance originale ne reste dans la solution», a-t-elle exposé.
Elle a comparé le produit à un antivenin, soit une dose minime de venin pour traiter une morsure de serpent.
La naturopathe établie à Victoria s’en est aussi prise à ses détracteurs, qu’elle accuse de jouer sur les deux tableaux.
«Soit ça marche, soit ça en marche pas. Si ça ne marche pas, alors ce n’est pas grave de quoi sont faits les remèdes, parce que c’est juste de l’eau, on s’en fout. Si ça marche, alors là on devrait vraiment se pencher sur l’immense potentiel de l’homéopathie», a-t-elle exposé.
Dans une lettre à l’intention de la docteure Henry, l’Association des homéopathes de Colombie-Britannique a défendu l’emploi de nosodes par Mme Zimmermann.
«Le lyssinum n’est qu’un des nombreux nosodes que les homéopathes gardent disponibles dans leur cabinet et qui font partie de notre pharmacopée depuis 1833», a souligné l’Association.
«Parce qu’ils sont préparés en tant que remède homéopathique à travers un processus de dilution, le produit final ne comporte pas la moindre toxicité ou le moindre élément infectieux qui serait dangereux pour le public», a-t-elle ajouté.
Du côté de l’Association naturopathique de la province, une plainte a été déposée contre Mme Zimmerman, qui n’en est toutefois pas membre. Son coprésident, Victor Chan, précise que les affirmations exagérées de cette dernière nuisent à l’image de la profession.