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Comment les hôpitaux se préparent-ils aux attaques de masse?

Aaron Vincent Elkaim / La Presse Canadienne Photo: Aaron Vincent Elkaim
Sheryl Ubelacker, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

TORONTO — Des catastrophes de masse comme celle qui a envoyé lundi dix victimes vers un hôpital de Toronto sont plutôt rares au Canada.

Comment les établissements et leur personnel se préparent-ils donc à ce «code orange» qui les alertera de l’arrivée imminente de multiples victimes gravement blessées?

Au Centre des sciences de la santé Sunnybrook, le centre régional de traumatologie où ont été envoyées ces victimes, la réponse passe par une éducation en continu et des pratiques pour tous les employés de ce vaste établissement installé dans la partie nord de la métropole.

Le directeur médical de Sunnybrook, le docteur Dan Cass, a expliqué que l’hôpital a un plan «code orange» qui aide les responsables à déterminer si les employés qui sont déjà sur place suffiront à la tâche ou si des infirmières, des médecins et d’autres membres du personnel doivent être appelés en renfort.

«Nous avons eu de la chance quand ça s’est produit (en début d’après-midi) parce que nous avions plusieurs employés sur place, donc nous avons pu gérer au moins la première phase sans ressources supplémentaires, a-t-il expliqué. Ce n’est que plus tard que nous avons appelé des gens.»

Au-delà du plan sur papier, l’hôpital organise aussi des rencontres mensuelles pendant lesquelles différents groupes d’employés discutent de scénarios potentiels de catastrophe de masse.

«Les gens s’assoient autour de la table et on leur lance des événements qui se produisent et ils doivent y réagir: ‘Comment est-ce qu’on viderait l’unité des soins intensifs dès maintenant? Comment est-ce qu’on enverrait ce patient (en salle d’opération)?’ Ils répètent donc les composantes d’un code orange sans poser les gestes concrètement.»

Mais l’hôpital organise aussi, environ une fois par année, une simulation impliquant de multiples victimes, souvent en utilisant des étudiants pour incarner des patients afin d’offrir aux employés un exercice plus réel.

Un débreffage fait aussi partie de la préparation, pour que les expériences tirées de la simulation puissent «peaufiner notre réaction la prochaine fois».

Le décès de deux des dix patients envoyés à Sunnybrook lundi a été constaté peu après leur arrivée. Cinq se trouvaient toujours dans un état critique mardi, deux dans un état grave et un dans un état stable. Au total, l’attaque a fait dix morts et 14 blessés.

Le docteur Cass a évoqué un «chaos organisé» pour décrire l’afflux soudain d’autant de patients lundi, quand le personnel de la salle d’urgence a commencé à soigner les blessés. Des patients qui se trouvaient déjà à l’urgence ou aux soins intensifs ont dû être envoyés ailleurs pour libérer des lits.

«J’étais à l’extérieur de la salle de traumatologie quand les premiers patients sont arrivés et j’ai remarqué à quel point tout était calme parce que les gens se concentraient sur ce qu’ils font chaque jour, a-t-il expliqué. Ils faisaient simplement plus de ce qu’ils font habituellement.»

Le directeur des affaires publiques de l’Association canadienne des médecins d’urgence, le docteur Alan Drummond, a dit que plusieurs personnes seront étonnées d’apprendre que l’accueil des victimes s’est fait dans le calme, puisque le public pourrait croire que le personnel a vite été débordé par la situation.

«Ce n’est pas le cas, a assuré le docteur Drummond. Je pense que les médecins et les infirmières d’urgence ont une capacité innée à transformer le chaos en calme. C’est ce qu’ils font chaque jour.»

Le personnel de la salle d’urgence doit composer quotidiennement avec des salles d’attente bondées, un manque de lits et des patients qui doivent être examinés, diagnostiqués et soignés.

«Et parce que nous avons ça en nous, je pense que ça remonte à la surface les rares fois où nous sommes confrontés à des catastrophes de masse. Les médecins et les infirmières sont des gens très professionnels, très bien entraînés, et ils savent ce qu’ils doivent faire.»

Comme d’autres hôpitaux de soins actifs, celui de Perth and Smith Falls où pratique le docteur Drummond, au sud-ouest d’Ottawa, a son «code orange» et organise chaque année des exercices sur papier, un prérequis à l’accréditation de l’établissement.

«Tous les hôpitaux que je connais organisent au moins une fois par année un exercice sur papier concernant un incident de masse, et ça implique habituellement de s’assurer qu’on dispose d’une liste d’appel (pour appeler des renforts), que ce soit en radiologie, dans les laboratoires, ou des médecins et des infirmières de plus», a-t-il expliqué.

«On doit s’assurer que les consultants sont disponibles, que les salles d’opération sont prêtes et que tout l’organisme de l’hôpital priorise la transition de la salle d’urgence jusqu’au bloc opératoire de la manière la plus harmonieuse possible.»

En 35 ans à cet hôpital, le docteur Drummond n’a vécu qu’une seule catastrophe de masse, dans la foulée d’un carambolage vers la fin des années 1990.

«C’est la seule fois où notre hôpital a été confronté à un incident de masse, s’est-il souvenu. Il était près de minuit ou de 1 h et on m’a appelé. Je me souviens d’être arrivé en m’attendant à un chaos total, et pourtant c’était calme et tranquille et tout le monde travaillait professionnellement pour s’assurer qu’on soignait le plus grand nombre possible de blessés. Et ça m’a frappé : c’est ce que nous faisons — c’est notre boulot.»

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