Soutenez

DPJ: des progrès en continu

Photo: Métro

Que se passe-t-il lorsqu’un signalement est fait à la DPJ? Comment les intervenants décident-ils de retirer un enfant de son foyer? Pendant combien de temps la DPJ peut-elle suivre une famille? Notre journaliste Marie-Eve Shaffer a eu un accès privilégié aux coulisses de la DPJ.

Mercredi après-midi. Raymond Daher se présente devant un immeuble à logements miteux du quartier Côte-des-Neiges pour rencontrer Linda*. Sa fille Émilie* a fait l’objet d’un signalement à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) pour «risque de négligence».

Raymond appuie sur la sonnette qui est reliée au téléphone pour pouvoir accéder à l’appartement. Pas de réponse. C’est que Linda n’a pas pu s’acquitter de sa facture de téléphone. La concierge ouvrira finalement la porte à l’agent de la DPJ. «Bonjour! Comment allez-vous?» lance joyeusement Raymond en entrant dans le logement exigu de trois pièces. Un témoin de la scène n’aurait jamais pu penser qu’il faisait une visite de suivi au nom de la DPJ.

Linda, femme de peu de mots, répond timidement aux questions de Raymond. Elle vit avec sa mère, avec qui elle entretient une relation houleuse. Sa fille, âgée d’un an et demi, ne fréquente aucun service de garde et elle n’a pas de routine dans sa vie. Elle peut parfois se coucher à minuit et se réveiller aux aurores. Elle déborde d’énergie, ce qui épuise sa mère, qui a été forcée de quitter son emploi. Le père est très peu présent dans la vie de la bambine.

Avec une voix douce, Raymond s’enquiert des améliorations qui ont été apportées dans la vie de la petite. Le sujet de discussion est sérieux, mais Raymond réussit malgré tout à soutirer des sourires et même quelques rires à Linda. Il l’encourage à trouver une garderie pour sa fille, et lui demande si elle s’entend mieux avec sa mère. «On va y aller étape par étape», explique Raymond dans l’espoir de créer une relation de confiance avec Linda. Après une quinzaine de minutes, il annonce son départ en promettant de revenir la semaine suivante.

Après que le signalement eu été retenu et que des objec­tifs ont été convenus entre la DPJ et les parents pour assurer le développement et la sécurité de l’enfant visé, une nouvelle équipe d’intervenants prend la relève. Leur mission est d’aider les parents à corriger ce qui n’allait pas dans leur vie et celle de leur enfant parce qu’en aidant les parents, ils aident aussi les enfants.

Des familles comme celle de Linda, Raymond en aide une quinzaine. Il interagit ainsi avec près d’une centaine de personnes – père, mère, tante, oncle, grand-parent, voisin et autres – pour le bien des enfants. Selon la complexité des problèmes, il peut les suivre pendant plus d’une décennie, mais en général, ses visites s’étendent sur une ou deux années. Il a rarement le temps de souffler tant sa tâche est immense, mais deux fois par mois, il prend le temps de s’asseoir pour discuter des progrès de ses familles avec ses collègues. «C’est important d’avoir un terrain pour réfléchir afin de ne pas toujours être en réaction. Mettre des plasters, ça ne donne rien. La guérison passe par la compréhension de la situation familiale.»

Selon l’état des parents, Raymond peut ainsi prendre l’initiative d’encourager des parents à cogner à la porte d’une ressource afin de demander de l’aide.«Les parents ont parfois vécu une succession de situations difficiles, comme une séparation, des problèmes financiers ou des conflits familiaux, raconte Raymond. Quand on intervient, ils sont fatigués et ils sont stressés. Ils veulent changer les choses, mais il leur manque un petit quelque chose pour y arriver. Et on est là pour ça aussi.»

À l’occasion, les tribunaux doivent à nouveau intervenir pour, par exemple, prolonger le mandat de la DPJ ou rendre compte au juge des améliorations que les parents ont fait. À cette étape-ci, il y a beaucoup moins de confrontation entre les parties. Les objectifs sont bien définis.

Lorsque la DPJ constate que les parents sont sur la bonne voie, elle ferme le dossier. Ils n’ont pas nécessairement réglé tous leurs problèmes, mais ils reçoivent encore de l’aide du CLSC ou d’un organisme communautaire pour y parvenir. Encore là, les intervenants de la DPJ réfléchissent longuement avant de classer un dossier. «Il faut que les parents aillent bien sur une période quand même raisonnable, précise Raymond Daher. La Loi sur la protection de la jeunesse est une loi d’exception, alors on intervient dans des circonstances exceptionnelles.»

Si, par malchance, des parents qui ont reçu de l’aide de la DPJ retrouvent leurs mauvaises habitudes, un nouveau signalement doit être fait. Le processus doit alors recommencer à partir du début.

Un à deux ans
En général, la DPJ intervient dans les familles dont les enfants font l’objet d’un signalement pendant une ou deux années. Des familles dont les problèmes sont plus complexes requièrent davantage d’attention. Les intervenants peuvent ainsi les suivre pendant plus d’une décennie, soit jusqu’à ce que les enfants atteignent l’âge de 18 ans.

* Noms fictifs

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.