Soutenez

Pollution: Québec surveille Doug Ford de près

MARTA IWANEK / La Presse Canadienne Photo: MARTA IWANEK / La Presse Canadienne
Paola Loriggio, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

TORONTO — Le nouveau premier ministre de l’Ontario est déterminé à tenir sa promesse électorale de mettre fin au système «désastreux» de plafonnement et d’échange de droits d’émission et de lutter contre une taxe fédérale sur le carbone, a indiqué un porte-parole de Doug Ford.

La promesse de M. Ford est préoccupante pour le Québec, qui a instauré un système de plafonnement et d’échange en 2013 et qui participe à une «bourse du carbone» avec l’Ontario et la Californie.

M. Ford, dont les progressistes-conservateurs ont remporté la majorité des sièges à l’Assemblée législative de l’Ontario la semaine dernière, rencontre actuellement son équipe de transition pour choisir son cabinet et se préparer à prêter serment le 29 juin.

La ministre de l’Environnement du Québec, Isabelle Melançon, attend de voir qui deviendra son homologue au sein du gouvernement Ford et entend bien lui démontrer les avantages du système de plafonnement et d’échange.

Selon elle, le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, n’a pas soulevé la question lors de sa rencontre avec M. Ford il y a quelques jours, mais les deux chefs de gouvernement se retrouveront de nouveau en juillet lors du Conseil de la fédération, une réunion annuelle des dirigeants provinciaux et territoriaux.

Un porte-parole de M. Ford affirme que le chef progressiste-conservateur est également déterminé à lutter contre les règles fédérales qui devraient entrer en vigueur l’année prochaine et qui obligeront les provinces à instaurer une tarification du carbone — des mesures déjà contestées par les gouvernements de la Saskatchewan et du Manitoba.

«Doug Ford s’est engagé à mettre fin à la taxe sur le carbone de Justin Trudeau et à sortir l’Ontario du système de plafonnement et d’échange désastreux, a déclaré Jeff Silverstein. Doug Ford a fait campagne sur cette promesse et il tiendra parole pour la population de l’Ontario.»

La bourse du carbone

Le système de plafonnement et d’échange vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre en imposant des limites à la quantité de pollution que les entreprises de certaines industries peuvent émettre. Si elles dépassent ces limites, elles doivent acheter des quotas lors des ventes aux enchères trimestrielles ou auprès d’autres entreprises qui, elles, respectent leurs limites.

Le plafond diminue d’environ quatre pour cent chaque année jusqu’en 2020 et, à mesure qu’il diminue, les gouvernements participants espèrent que les entreprises seront davantage incitées à réduire leurs émissions.

L’Ontario a réalisé une série de ventes aux enchères de près de 3 milliards $ depuis la mise en place du système l’an dernier.

Lorsqu’on lui a demandé ce que cela signifierait pour le Québec si l’Ontario se retirait de la bourse du carbone, Mme Melançon a souligné qu’il était trop tôt pour commenter cette possibilité.

«Je veux avoir ces discussions avant de parler d’un possible retrait, a-t-elle déclaré à La Presse canadienne. Il existe des traités internationaux, nous avons des signatures avec la Western Climate Initiative, qui sont importantes.»

«Le Québec a toujours été un chef de file dans la lutte contre les changements climatiques, et nous aimerions continuer à le faire (…) avec l’Ontario à nos côtés dans ce marché du carbone», a-t-elle ajouté.

Des États comme l’Oregon et le Vermont, ainsi que des pays comme le Mexique, s’intéressent au marché du carbone, a-t-elle rappelé, en ajoutant que le système de plafonnement et d’échange devrait permettre de récolter des milliards de dollars pour les projets d’énergie verte au Québec.

Une perte de revenus

Doug Ford s’est toujours opposé à la tarification du carbone et a été critiqué pour ne pas avoir expliqué comment il pourrait compenser la perte de revenus que l’Ontario en tire.

Si M. Ford se débarrasse du système de plafonnement et d’échange, les mesures fédérales sur le carbone entreront en vigueur, rappelle Trevor Tombe, professeur d’économie à l’Université de Calgary.

Celles-ci comprennent une taxe sur le carbone qui touchera les factures de chauffage et le prix payé aux pompes à essence, et une taxe distincte pour les pires pollueurs qui sont essentiellement les mêmes entités que celles couvertes par le système de plafonnement et d’échange de l’Ontario.

Les entreprises qui détiennent des permis de conformité en Ontario en vertu du système de plafonnement et d’échange pourraient les utiliser dans le cadre du système fédéral, a-t-il ajouté.

«En termes de calendrier, il y a des façons plus graduelles de le faire qui pourraient minimiser le fardeau administratif, et c’est de temporiser la transition pour qu’elle coïncide avec l’expiration du lot actuel de permis», ce qui se produira après 2020, a expliqué M. Trombe.

Le nouveau premier ministre ontarien pourrait toutefois adopter une approche intermédiaire et simplement éliminer la partie du système de plafonnement et d’échange qui s’applique aux distributeurs de carburant, ce qui ferait baisser le prix de l’essence — un engagement central de la campagne de M. Ford.

«J’irais à mi-chemin, je retirerais les distributeurs de carburant — ce serait incroyablement facile à faire et ça pourrait être fait instantanément — mais je garderais le plafond et le commerce pour tous les autres grands émetteurs», a suggéré M. Tombe. Cela permettrait à M. Ford de montrer qu’il agit face aux changements climatiques, croit-il.

«Cela faciliterait grandement l’intervention des autorités fédérales parce qu’elles n’auraient pas besoin d’appliquer le système des grands émetteurs en Ontario», a-t-il estimé.

Payer plus pour polluer plus?

Par ailleurs, un document publié mercredi par l’Institut économique de Montréal, un groupe de réflexion à but non lucratif, affirme que le système de plafonnement et d’échange ne contribuera pas à réduire les émissions de gaz à effet de serre si la tarification du carbone augmente considérablement.

Le carbone coûte actuellement environ 20 $ la tonne, avec un prix qui devrait passer de 30 à 100 $ la tonne d’ici 2030, mais cela ne suffira pas à faire baisser les émissions, estime l’organisation, qui prédit que les gens paieront simplement plus et continueront à produire autant de gaz à effet de serre.

Selon le document, une augmentation significative des coûts pourrait réussir à freiner les émissions, mais cela conduirait vraisemblablement les entreprises à se déplacer vers les pays où les règles sont plus laxistes.

Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, les gouvernements doivent adopter une approche globale et concertée, croit Mark Milke, analyste politique et coauteur du document.

«Nous devons regarder autour du monde et dire: « OK, comment pouvons-nous, en collaboration avec d’autres autorités, faire baisser (les émissions) », ce qui nécessiterait une refonte de la politique actuelle, a-t-il dit. Ou alors nous attendons la technologie qui permettra de résoudre le problème.»

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.