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Après le stress, la croissance post-traumatique

Mayor Colette Roy Laroche stands nexto a a railroad crossing along a street of the new downtown core in Lac-Megantic, Que., on June 10, 2014. THE CANADIAN PRESS/Paul Chiasson Photo: THE CANADIAN PRESS
Magdaline Boutros - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — De la douleur abyssale qui a enveloppé la communauté de Lac-Mégantic après la tragédie ferroviaire de juillet 2013 est née quelque chose de plus grand et plus fort, appelé la croissance post-traumatique.

Cet état psychologique, décelé chez certaines personnes ayant été exposées au drame, est en quelque sorte la manifestation inverse du stress post-traumatique.

En entrevue à La Presse canadienne, Dre Mélissa Généreux, directrice de santé publique au Centre intégré universitaire de santé et de service sociaux de l’Estrie – Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, mentionne que ce sont les personnes ayant vécu un stress post-traumatique qui ont la plus forte propension à développer une croissance post-traumatique.

Dans une étude longitudinale menée depuis l’an 1 qui a suivi la tragédie, Dre Généreux a établi que les trois quarts des personnes ayant été fortement exposées à la tragédie de Lac-Mégantic ont souffert de manifestations de stress post-traumatique à des niveaux allant de modéré à sévère.

Ces personnes sont demeurées pour la plupart fonctionnelles, mais ont eu des cauchemars récurrents, des «flash-back», une propension à éviter les lieux leur rappelant la tragédie ou encore une tendance à esquiver les pensées les ramenant à la tragédie.

«La croissance post-traumatique est tout ce qui se traduit par des répercussions positives après coup sur la vie personnelle, la vie sociale, la vie familiale et même la vie professionnelle d’une personne», explique Dre Généreux.

Ce ne sont toutefois pas toutes les personnes qui ont vécu un stress post-traumatique qui en sortent grandies. «Il ne faut pas généraliser, ça ne s’applique pas à tout le monde», spécifie la directrice de santé publique, notant que plusieurs cas de grande détresse sont toujours présents à Lac-Mégantic.

Dans la nuit du 5 au 6 juillet 2013, lorsqu’un train fantôme sème la mort à Lac-Mégantic, faisant 47 victimes, ce sont tous les habitants de la petite municipalité estrienne qui ont été happés par le drame.

«De plus en plus, on sent que des gens ressortent de ce drame avec des souvenirs qui vont rester marquants à jamais, mais qui ont reconnu en eux des forces qu’ils ne connaissaient même pas ou des forces autour d’eux qu’ils ont appris à connaître davantage, comme le voisinage ou des personnes de leur entourage sur lesquelles ils peuvent compter», souligne Dre Généreux.

Ainsi, 21 pour cent des personnes sondées ayant vécu une forte exposition à la tragédie — c’est-à-dire les personnes ayant connu des pertes humaines, des pertes matérielles ou des pertes subjectives — ont constaté, après le drame, une hausse de la fréquence de leurs contacts avec des membres de leur réseau social.

Et 29 pour cent ont remarqué une augmentation de la fréquence des activités ludiques pratiquées avec d’autres personnes.

Le tissu social de la petite communauté s’en est donc trouvé raffermi, mentionne Dre Généreux.

Un filet de sécurité

L’équipe de proximité mise en place de manière permanente à Lac-Mégantic pour soutenir la communauté veille d’ailleurs à entretenir ce tissu social.

Celui-ci est même devenu avec le temps un véritable filet de sécurité, souligne Dre Généreux.

L’équipe de proximité — composée d’une travailleuse sociale, d’une technicienne en travail social et d’une organisatrice communautaire — fait du porte-à-porte, se déplace dans les restaurants, les bars, les lieux publics pour être «aux premières loges et pour voir émerger les besoins».

«On réussit à travailler de manière plus informelle pour aller rejoindre les gens, pointe Dre Généreux. Ce genre de filet de sécurité fait en sorte qu’on va avoir de moins en moins de cas très sévères ou très graves de détresse qui passent sous le radar.»

Ce type d’initiative s’est imposé en raison du contraste décelé dans les études menées par Dre Généreux. Celles-ci démontraient clairement la présence d’une souffrance dans la communauté, mais parallèlement, le nombre de consultations psychologiques déclinait.

Des solutions novatrices permettant aux habitants de Lac-Mégantic de s’exprimer, sans pour autant suivre une thérapie formelle, ont donc dû être développées.

Une dizaine d’initiatives de mobilisation communautaire ont ainsi émergé. Parmi celles-ci se trouve le projet des Greeters, un réseau de bénévoles qui font découvrir leur ville aux touristes.

Depuis l’an dernier, ces visites, bien personnelles, permettent à une quinzaine de Méganticois de raconter leur ville, de parler de ce qu’ils ont vécu et de la manière dont le drame les a touchés.

«On est loin de la psychothérapie, mais ça fait du bien aux gens, ça leur permet d’évoluer sur le plan psychologique, ça leur permet de reprendre un certain contrôle sur leur vie, de s’impliquer comme citoyen et de prendre part à la relance de la ville», fait valoir Dre Généreux.

La directrice de santé publique parcourt d’ailleurs le globe pour présenter les initiatives mises en place à Lac-Mégantic permettant de renforcer la résilience communautaire.

«On veut partager nos apprentissages, les leçons qu’on a tirées, expose Dre Généreux. Juste faire des études, c’est bien. Mais une fois qu’on mesure la détresse, qu’est-ce qu’on fait pour venir en aide aux gens? C’est là qu’on s’est démarqué, on a fait des choses assez uniques à Lac-Mégantic.»

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