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Salim Kerdougli remporte une troisième victoire pour une cause de discrimination

Photo: Getty Images/iStockphoto

MONTRÉAL — Salim Kerdougli, un Québécois d’origine algérienne, a obtenu une troisième victoire devant le Tribunal des droits de la personne pour discrimination lors du processus d’embauche, mais contrairement aux deux décisions précédentes, le juge Mario Gervais lui alloue également des dommages punitifs en plus des dommages moraux.

Les Aliments Multibar devront donc lui verser 5000 $ à titre de dommages moraux, un montant qui s’apparente à ceux qu’il a obtenus pour les mêmes raisons dans les deux causes précédentes et 1000 $ à titre de dommages punitifs.

Ces montants sont cependant très loin de ceux réclamés par le plaignant, soit 250 000 $ en dommages moraux et 250 000 $ en dommages punitifs.

Salim Kerdougli avait postulé en juin 2015 pour le poste de superviseur à la réception et à l’expédition chez Multibar.

Il avait franchi les étapes du test écrit, d’une entrevue téléphonique et une entrevue en personne avec une conseillère en ressources humaines, il avait été convoqué à une deuxième entrevue en personne avec, cette fois, le directeur senior à la logistique et au service à la clientèle, Francis Rinfret.

Au cours de l’entrevue, celui-ci lui avait posé une question sur son pays d’origine.

Vouvoiement vs tutoiement

Par la suite, M. Kerdougli avait demandé par courriel à M. Rinfret quelle était «la pertinence de la question sur l’origine de (son) nom lors de l’entrevue? » et ce dernier lui avait répondu qu’il s’agissait d’une «simple curiosité faisant partie de l’apprentissage de qui est le candidat» et d’une «tentative également de le relier à l’accent perceptible». Il avait cependant précisé au candidat qu’il devrait vouvoyer les gens qu’il ne connaît pas.

Devant le Tribunal, M. Rinfret avait indiqué que Salim Kerdougli le tutoyait durant l’entrevue et qu’il avait cherché à déterminer si cela pouvait être imputable au fait qu’il aurait été plus familier avec l’anglais, où il n’y a aucune distinction entre le vouvoiement et le tutoiement. Selon M. Rinfret, le fait qu’il venait d’un pays où le français est commun démontrait que le tutoiement était davantage une forme de manque de respect qu’une difficulté linguistique.

Le juge Gervais reconnaît que «le tutoiement répétitif de la part d’un postulant ait pu agacer, voire irriter M. Rinfret. Par contre, que celui-ci choisisse de questionner M. Kerdougli sur son origine pour déterminer si ce mode d’expression était le résultat d’une méconnaissance du français de sa part ou d’un manque de respect laisse le Tribunal perplexe.»

Le magistrat note qu’il était clairement établi que «M. Kerdougli vit au Québec depuis longtemps», que «la maîtrise de son français est plus qu’adéquate» et que son curriculum vitae fait état de ses dix années d’études secondaires et collégiales en français à Montréal: «Il apparaît alors difficile de retenir l’explication selon laquelle M. Rinfret cherchait simplement à savoir si le tutoiement était pour M. Kerdougli le résultat d’un emprunt à l’anglais», conclut le juge.

Ainsi, selon lui, «non seulement la défense échoue à établir que la question posée concerne les aptitudes ou qualités requises par l’emploi offert, mais elle se révèle accablante» et le Tribunal conclut donc «que Multibar a compromis le droit de M. Kerdougli à un processus d’embauche exempt de discrimination».

«Dissuader les employeurs»

Le juge Gervais accorde donc à Salim Kerdougli des dommages moraux en se basant sur les deux décisions précédentes, mais ajoute des dommages punitifs en notant que le courriel de M. Rinfret expliquant pourquoi il l’a interrogé sur l’origine de son nom «met en évidence et de manière tellement flagrante un motif de discrimination prohibé par la Charte qu’il laisse le Tribunal pantois».

«S’enquérir de l’origine ethnique ou nationale d’un candidat pour évaluer son mérite constitue une atteinte illicite à un droit fondamental et un comportement hautement répréhensible qu’un dirigeant de Multibar, en sa qualité de directeur senior à la logistique et au service à la clientèle, ne peut ignorer», tranche le magistrat, qui précise vouloir «également dissuader les employeurs de manière générale à agir de la sorte».

Le 22 mars, le juge Yvan Nolet octroyait 5000 $ en dommages moraux à Salim Kerdougli qui avait été interrogé sur son origine ethnique lors d’une entrevue d’embauche pour un emploi de coordonnateur logistique pour la division internationale du détaillant de maillots de bain et de lingerie La Vie en rose. Il réclamait alors 50 000 $ en dommages moraux et 25 000 $ en dommages punitifs.

Le même jour date, le juge Nolet rendait une autre décision donnant raison à M. Kerdougli, cette fois contre Alstom réseau Canada (vendue depuis à GE Renewable Energy Canada) où il avait postulé comme spécialiste en transport et logistique. Il avait obtenu 4000 $ en dommages moraux, alors qu’il réclamait 50 000 $, en plus d’un 50 000 $ en dommages punitifs additionnels.

Salim Kerdougli a une quatrième cause en attente de décision visant, cette fois, Access International.

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