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David Saint-Jacques: un dernier droit à Moscou

Melanie Marquis / La Presse Canadienne Photo: Melanie Marquis / La Presse Canadienne
Mélanie Marquis, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MOSCOU — Qu’il soit assis dans une salle de classe, installé devant un écran simulant l’atterrissage d’une capsule Soyouz ou allongé dans la centrifugeuse du centre de formation des cosmonautes Youri-Gagarine, le regard de David Saint-Jacques ne vacille jamais. Ses yeux sont tournés vers un seul objectif: la Station spatiale internationale (SSI), vers où il s’envolera dans un peu moins de quatre mois.

La cloche du début des classes avait déjà sonné, jeudi matin, lorsque la délégation de journalistes canadiens est arrivée dans la salle du complexe reclus situé en banlieue de Moscou où l’astronaute peaufinait ses aptitudes de pilote. S’il devait prendre la relève du commandant de vol, il lui faudra manoeuvrer pour que la capsule se pose à l’emplacement prévu, dans les steppes du Kazakhstan.

Une fois l’engin posé (à l’écran), il dépose sa manette et écoute attentivement l’instructeur, qui s’adresse à lui en russe — tout se passe en russe au centre Youri-Gagarine; d’ailleurs, tout se dira en russe dans la capsule Soyouz. Une fois la séance terminée, David Saint-Jacques descend pour se rendre dans la grande salle où se trouve la centrifugeuse.

«C’est certainement la partie, physiquement, la plus étrange! C’est la partie pour laquelle on est vraiment content d’avoir la centrifuge, vraiment content d’avoir la possibilité de se pratiquer dans un environnement réaliste, parce que juste le savoir en théorie, ce ne serait pas suffisant», explique-t-il à l’endroit des journalistes agglutinés autour de l’objet sphérique.

«Mais physiquement, oui, c’est lourd, comme ils disent en russe!», rigole-t-il. L’ingénieur, astrophysicien et médecin de famille a sous les yeux une sorte de calepin, accrochée à sa jambe, où il a consigné des notes personnelles. «On a l’impression que le quotient intellectuel baisse au fur et à mesure que la force G monte! Et il faut rester concentré, parce qu’il y a des tâches à accomplir», lance-t-il.

Au menu du reste de cette journée pour David Saint-Jacques au centre moscovite où il a passé plus de la moitié de son temps d’entraînement depuis qu’il a été sélectionné pour la mission, en 2016: une formation médicale, puis une révision de quelques notions que ses deux collègues et lui devront mettre en application le lendemain.

Les exercices de vendredi mettront les réflexes des astronautes à rude épreuve: au programme, une simulation de la contamination de l’air (avec combinaison et masque à gaz). Et David Saint-Jacques s’attend à ce que les instructeurs fassent preuve, comme depuis le début, d’une imagination sans borne pour plonger les astronautes dans des situations corsées.

«Tout peut casser… et ils ne se gênent pas! Dans les simulateurs, ils ne se gênent pas pour tout casser», relate-t-il.

«Au début, on ne sait pas quoi faire; les premières fois, on est dépassé, et finalement, on s’améliore, et à la fin, on survit à à peu près tout ce qu’ils peuvent nous envoyer, et on est prêt!», explique en entrevue à La Presse canadienne l’astronaute qui décollera à destination de la SSI le 20 décembre prochain.

Lorsqu’on lui demande de décrire le sentiment qui l’habite lorsqu’il pense au jour J, il souligne être en «mode préparation», notamment avec sa famille — il a une femme et trois enfants âgés de deux, cinq et sept ans. Mais le but, «c’est d’arriver le jour du lancement l’esprit libre et confiant qu’on est en pleine possession de ses moyens», insiste-t-il.

«J’aime l’analogie du montagnard: je me sens comme si la rampe de lancement était en haut de l’Everest. Là, je suis en train de monter l’Everest. Si vous demandez à un alpiniste qui est aux deux tiers du sommet de l’Everest s’il est excité de bientôt arriver au sommet… non. Il se concentre, il ne veut pas trébucher, s’enfarger dans sa corde. Je suis en excursion en ce moment», conclut le Québécois.

À la fin de sa ronde d’entrevues, David Saint-Jacques s’est prêté au jeu des photographes et des caméramans. Il les a quittés à une intersection où se trouve un monument de mosaïque coloré à l’effigie de Lénine, peu après qu’une sirène annonçant la fin de la journée de travail au centre Youri-Gagarine eut retenti, à 18 h.

Des éloges à l’infini

Un être souriant, généreux, drôle et affable: l’entourage spatial de l’astronaute au drapeau du Canada ne tarit pas d’éloges à son égard.

«David est un sourire sur deux pattes. C’est tout simplement un bonheur de l’avoir dans notre équipe. Il a une personnalité qui attire naturellement les gens vers lui (…) Il est un véritable diamant pour nous», louange Doug Wheelock, présentement directeur du bureau des opérations de la NASA au complexe spatial moscovite.

L’ancien astronaute a ajouté une couche en vantant ses aptitudes: «Dans l’espace (les manipulations) sont comme un ballet. David a les mains d’un chirurgien, alors vous savez, il a une touche très, très délicate, très, très précise sur les systèmes de contrôle. Il sera un pilote spatial génial».

Et — heureusement pour la cohabitation dans la capsule Soyouz, puis dans la SSI — ces sentiments sont partagés par Anne McClain, la coéquipière de David Saint-Jacques, pour qui il s’agira également d’un premier vol en orbite.

«Je le connaissais avant d’être choisie pour cette mission, et j’étais très heureuse de me retrouver sur le même vol que lui, explique l’astronaute des États-Unis. Je crois que la chose la plus importante pour un équipage, c’est la confiance. Et je fais confiance à David, tant personnellement que professionnellement».

Même son de cloche de la part du commandant du vaisseau, le Russe Oleg Kononenko. Par l’entremise d’un interprète du centre, il salue son camarade d’équipage «bardé de diplômes de différentes universités», qu’il décrit comme «une personne formidable avec qui travailler» et «très positif».

«Je ne l’ai jamais vu fâché. Il est d’humeur très joyeuse, nous faisons des blagues ensemble. De plus, il perçoit l’état dans lequel se trouve l’équipe, et s’il voit que quelque chose ne tourne pas rond, il va injecter une dose l’humour et rendre notre travail plus agréable», ajoute le pilote, qui en sera à son quatrième séjour sur la SSI.

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