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La contraception numérique est-elle prête?

Nishat Ahmed / The Associated Press Photo: Nishat Ahmed / The Associated Press

LONDRES — Le condom, la pilule et maintenant le téléphone intelligent?

Natural Cycles, une application de fertilité, est devenue ce mois-ci le premier dispositif de contraception numérique à avoir obtenu l’approbation marketing de la puissante Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis.

Les femmes prennent leur température et suivent leur cycle menstruel sur l’application, qui utilise un algorithme pour déterminer le moment où elles sont fertiles et doivent donc s’abstenir d’avoir des rapports sexuels non protégés ou encore utiliser de la protection. Dans les faits, c’est une forme de méthode de rythme ou de calendrier.

La nouvelle entreprise suédoise assure que son application est efficace et qu’elle permet aux femmes d’éviter les effets secondaires communs associés à d’autres méthodes, comme les pilules contraceptives. Mais les rapports de grossesses non désirées et les enquêtes menées par les autorités de deux pays d’Europe, où elle a été certifiée par l’UE en 2017, soulèvent des questions.

Natural Cycles compte plus de 900 000 utilisateurs et une croissance aussi rapide met en lumière les risques pour les autorités de réglementation et les préoccupations des professionnels de la santé qui sont confrontés au marché émergent des applications de santé mobiles et numériques.

«Les applications sont incroyablement populaires et il n’y a rien de mal à utiliser la technologie pour soutenir notre santé, a expliqué Bekki Burbidge, la directrice générale adjointe de l’Association britannique de planification familiale. Mais c’est également un domaine relativement peu réglementé et il peut être difficile d’identifier les bonnes applications basées sur des preuves et des recherches.»

L’application est similaire à des centaines d’autres qui permettent de suivre le cycle menstruel, dont la plupart visent à aider les femmes à concevoir. Mais l’approbation de la FDA signifie qu’elle peut être commercialisée en tant que contraceptif mobile, ce qui lui donne un avantage sur le marché des applications médicales mobiles, qui devrait atteindre 11,2 milliards $ US d’ici 2025, contre 1,4 milliard $ US en 2016, selon BIS Research.

Les concepteurs de Natural Cycles reconnaissent que leur produit n’est pas efficace à 100 pour cent et que certaines femmes peuvent encore tomber enceintes même si l’application est utilisée parfaitement.

La Food and Drug Administration réglemente les applications et les gadgets qui collectent ou suivent les informations médicales sous forme d’appareils médicaux, mais elle n’en examine pas plusieurs autres qui n’accomplissent que des tâches simples comme le suivi des calories.

La commercialisation des applications contraceptives doit absolument s’assurer que les femmes comprennent exactement ce qu’elles signent et les limites, a estimé par voie de communiqué la Faculté des soins de santé sexuelle et reproductive du Collège royal des obstétriciens et gynécologues.

La FDA a donné son approbation sur la base des données fournies par Natural Cycles et impliquant 15 570 femmes ayant utilisé l’application pendant huit mois en moyenne. La FDA a déclaré que si l’application est utilisée correctement tout le temps, 1,8 pour cent des femmes tomberaient enceintes sur une période d’un an. Le taux d’échec «d’utilisation typique», qui tient compte de l’erreur humaine, était de 6,5 pour cent.

Le taux d’échec de la pilule contraceptive est de 9 pour cent, celui des condoms de 18 pour cent et celui des méthodes de sensibilisation à la fécondité de 24 pour cent, mais ces chiffres sont étayés par des données beaucoup plus longues.

Les fondateurs de Natural Cycles, Elina Berglund et Raoul Scherwitzl, sont un couple marié d’anciens physiciens. Mme Berglund faisait partie d’une équipe de scientifiques de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) en Suisse. Ils sont passés de la science aux entreprises en démarrage quand ils ont écrit l’algorithme pour les aider à avoir un bébé et ont ensuite développé une application pour exploiter une demande plus large.

L’application est gratuite à télécharger, mais la société facture 10 dollars $ US pour l’utiliser. Ses allégations ont été remises en question en janvier, après que les régulateurs suédois eurent commencé à enquêter sur des rapports indiquant que 37 femmes qui l’avaient utilisée étaient tombées enceintes de toute façon.

L’Agence suédoise des produits médicaux a indiqué qu’elle procédait à un examen des allégations de taux de grossesses non désirées de l’application et que l’enquête devrait se terminer en septembre.

Natural Cycles a expliqué que, dans le cadre de sa certification en Europe, elle doit continuer à suivre les données de ses usagers, qui démontrent que le taux d’échec d’utilisation typique demeure à 93 pour cent.

«Un des problèmes de toute forme de contraception est qu’il y a toujours un risque statistique de grossesse non désirée, a dit la compagnie. Aucune méthode n’est efficace à 100 pour cent.»

La porte-parole de la FDA, Deborah Kotz, a dit que l’agence est au courant des rapports suédois, mais qu’elle estime que cela est cohérent avec sa connaissance des risques associés à l’application.

«Une augmentation du nombre absolu de grossesses non désirées est attendue avec un nombre croissant d’utilisateurs», a-t-elle expliqué.

De son côté, l’Autorité britannique des normes de publicité se demande si les publicités payantes sur Facebook qui prétendent que Natural Cycles est une «application contraceptive extrêmement précise» et «une alternative testée cliniquement aux méthodes de régulation des naissances» sont trompeuses.

«Nous avons lancé une enquête formelle et publierons nos conclusions en temps voulu», a indiqué l’autorité.

Mme Burbidge a déclaré que davantage de recherches externes sur les applications de fertilité sont nécessaires car «à l’heure actuelle, il n’y a pas suffisamment de preuves indépendantes» sur leur fiabilité. Elle a ajouté que les femmes utilisant de telles applications doivent être motivées et conscientes des facteurs qui peuvent les rendre moins efficaces, comme les voyages, l’alcool, le stress ou ne pas dormir suffisamment, ce qui peut affecter les lectures de température.

«Il y a tellement de choses que vous pouvez faire qui ne les rendent pas parfaites», a-t-elle prévenu.

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