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Mort suspecte de Theresa Allore: son frère cherche encore des réponses

Photo: Courtoisie John Allore

MONTRÉAL — La dernière fois que John Allore a vu sa sœur Theresa en vie, c’est lors d’une journée brumeuse, à l’automne 1978, alors qu’elle montait à bord d’un train à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, pour rentrer au Québec après avoir passé la fin de semaine de l’Action de Grâce dans les Maritimes.

Le jeune John Allore, qui n’avait que 14 ans à l’époque, se souvient d’avoir offert à sa grande soeur un album de Styx pour souligner son 19e anniversaire tout juste avant qu’elle retourne au Collège Champlain de Lennoxville, où elle étudiait.

Six mois plus tard, le corps en décomposition avancée de Theresa Allore était retrouvé dans la rivière Coaticook à environ un kilomètre de la municipalité de Compton, en Estrie, où elle résidait.

Sur place, le coroner avait affirmé voir des signes indiquant une possible strangulation, mais les résultats de l’autopsie n’indiquaient finalement rien de concluant. Les enquêteurs ont alors avancé l’hypothèse qu’elle serait probablement morte d’une surdose de drogue.

Près de 40 ans plus tard, John Allore continue de chercher des réponses au mystère entourant la mort de sa soeur.

En entrevue téléphonique, le père de trois enfants, âgé de 54 ans, raconte que cette histoire avait commencé à le ronger plusieurs années après son déroulement, soit au moment où il est devenu père de famille.

«Si tu ne sais pas vraiment ce qu’il s’est passé, qu’est-ce que tu vas dire à tes propres enfants quand ils vont grandir et te demander ce qui est arrivé à Tante Theresa?», a-t-il mentionné lors d’une récente visite à Sherbrooke, lui qui habite maintenant en Caroline du Nord.

Sa persistance a donné naissance à un site Web et à un podcast consacré à Theresa et à d’autres femmes disparues au Québec dans les années 1970. Il essaie de faire la lumière sur ces dossiers non résolus et dénonce ce qu’il appelle les «échecs systémiques de la justice» qui font en sorte que ces affaires demeurent sans réponse.

Aux alentours de l’année 2001, M. Allore a commencé à se pencher sur les rapports de police, reconstituant les allées et venues de sa soeur le jour du 3 novembre 1978, la dernière fois où elle a été vue vivante.

Ce vendredi-là, elle a dit à des amis à l’école qu’elle avait l’intention d’étudier et de travailler sur un compte-rendu de lecture.

Elle a également prévu de rencontrer des amis à la résidence étudiante vers 21 heures pour écouter de la musique, mais elle ne s’est jamais présentée, selon ce que rapporte son frère sur son site web appelé «Who Killed Theresa?» (Qui a tué Theresa?).

Au fil des ans, John Allore est devenu très critique à l’égard des procédures d’enquête de l’époque. Particulièrement après avoir appris que les vêtements de sa sœur avaient été jetés cinq ans après sa mort.

Dans le cas de Theresa, il se demande pourquoi la police et le collège semblaient réticents à entreprendre des recherches et pourquoi les autorités se sont accrochées à l’hypothèse de la surdose, même si elle ne portait que des sous-vêtements et qu’il n’y avait aucune trace de drogue dans son organisme.

En fouillant dans les archives, Allore a découvert d’autres histoires de filles et de femmes disparues vers la même époque et dans la même région.

Il soutient que plusieurs des quelque 20 cas répertoriés sur son site Web contiennent des éléments similaires: corps dénudés ou semi-nus trouvés à l’extérieur, signes d’étranglement, agression sexuelle et utilisation d’un véhicule.

Après des décennies d’enquête amateur, il dit être convaincu qu’un ou plusieurs tueurs en série étaient en activité dans la région de Montréal dans les années 1970. L’un d’entre eux, croit-il, aurait pu tomber sur sa sœur alors qu’elle faisait de l’auto-stop entre le campus et la résidence.

Presque 40 ans plus tard, il se rend compte qu’il pourrait ne jamais savoir avec certitude ce qu’il s’est passé.

«Au point où j’en suis, je ne pense pas qu’on peut résoudre l’affaire et j’ai la même impression pour beaucoup de ces dossiers», se désole-t-il.

D’abord concentré sur l’alimentation de son site web, John Allore anime une émission en baladodiffusion depuis 2017 sur des affaires criminelles afin de s’assurer que les femmes disparues demeurent présentes aux yeux du public.

Au fil du temps, ses auditeurs deviennent de plus en plus nombreux, alors que certains se branchent d’aussi loin que l’Australie ou les pays scandinaves.

Ce travail continuel à fouiller des histoires de meurtres macabres commence toutefois à l’épuiser, reconnaît-il. L’homme se demande si cette visibilité qu’il tente de donner aux victimes vaut le prix émotionnel que cela lui coûte.

«Ces choses sont traumatisantes, elles créent un stress post-traumatique, il faut trouver un équilibre. Mais c’est le prix à payer et je pense que c’est un coût intéressant.»

La Sûreté du Québec a annoncé, plus tôt cette année, qu’elle bonifiait son équipe d’enquête sur les affaires non résolues. De cinq personnes, ils seront maintenant 30 à étudier environ 750 dossiers auxquels on va appliquer des techniques d’enquête modernes.

Une photo de Theresa, souriant largement et vêtue d’une camisole verte, apparaît sur le site Web de la SQ avec quelques détails sur son cas répertorié comme «non résolu».

«Même si le dossier a été traité à l’époque comme une disparition, au fil du temps toutes les pistes d’enquête ont été étudiées et elles le sont encore aujourd’hui», peut-on lire dans les quelques lignes rédigées par la police.

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