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Le receveur d'une greffe du visage se porte bien

Graham Hughes / La Presse Canadienne Photo: Graham Hughes
Sidhartha Banerjee, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Sept ans et demi après avoir été gravement défiguré dans un accident de chasse, le sexagénaire qui a reçu une greffe du visage il y a quatre mois se porte bien, a précisé mercredi l’équipe médicale montréalaise qui a réalisé l’exploit.

Dans ce que les médecins qualifient de «première canadienne», des chirurgiens de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont ont réussi à greffer un nouveau visage à Maurice Desjardins, âgé de 64 ans. L’opération, qui a duré 30 heures, a été pratiquée en mai dernier. Cette opération avait déjà été pratiquée une quarantaine de fois dans le monde depuis 2005, mais selon l’équipe montréalaise, dirigée par le chirurgien plasticien Daniel Borsuk, M. Desjardins serait le plus vieux receveur d’une telle greffe du visage.

Le docteur Borsuk, qui enseigne aussi à l’Université de Montréal, a indiqué que la délicate opération avait été le résultat d’années de travail concerté et méticuleux de l’équipe, et aussi «du courage et de la coopération incroyables» du patient et de sa famille. Mais pour M. Desjardins, il n’y avait pas d’autre option, soutient le chirurgien.

«Imaginez: vous souffrez chez vous en silence pendant des années et vous ne sortez pas aussi souvent que vous le voudriez, vous dormez dans une pièce à part, à cause du son de la trachéotomie (ouverture dans la trachée): vous menez une existence très difficile», a expliqué le chirurgien. «Et puis, du jour au lendemain, vous avez droit à une deuxième chance.»

Pouvoir sortir sans gêne

Un accident de chasse en 2011 avait laissé M. Desjardins sans mâchoire, sans nez et sans dents. Il vivait constamment dans la douleur et l’isolement, même après cinq chirurgies reconstructives. En s’adressant au docteur Borsuk à Montréal, il espérait pouvoir respirer normalement, parler correctement, et retrouver un nez, des lèvres, des mâchoires et des dents. Le docteur Borsuk a ajouté mercredi que M. Desjardins voulait aussi pouvoir sortir sans gêne avec sa petite-fille.

Le patient a été soigneusement suivi pendant des années avant l’intervention. «Nous voulions nous assurer qu’il était en bonne santé», indique le docteur Borsuk. «Ses besoins étaient réels, il n’y avait pas d’autre option pour lui, il n’y avait aucune autre possibilité qu’il retrouve une vie normale.»

L’hôpital Maisonneuve-Rosemont offre la seule équipe multidisciplinaire au Québec pour la chirurgie cranio-maxillo-faciale adulte. Le chirurgien a précisé que l’équipe d’experts comprenait aussi un psychologue, qui a évalué les capacités mentales de M. Desjardins au fil des ans. «Il est si fort mentalement que même avec tout ce qui a été fait, il a déjà commencé à (accepter) son nouveau visage», a soutenu M. Borsuk. «Nous comptions là-dessus.»

Le chirurgien a décrit la procédure comme «une combinaison de science, de technologie, d’ingénierie et d’art», qui a nécessité des années de planification et de formation à la morgue de l’hôpital, afin de minimiser les risques et maximiser les résultats. L’opération a nécessité l’expertise de neuf chirurgiens, de multiples spécialistes et la collaboration de plus de 100 professionnels, dont des médecins, des infirmières et de nombreux autres membres du personnel.

Après sept ans et demi de calvaire, 30 heures sur la table d’opération et une semaine aux soins intensifs, M. Desjardins, en découvrant son nouveau visage dans un miroir, a levé le pouce et a serré son chirurgien dans ses bras.

Pas n’importe quel donneur

Transplant Québec, l’organisme responsable des dons d’organes, a souligné la générosité de la famille du donneur non identifié, qui a autorisé le prélèvement. Le docteur Borsuk a précisé que contrairement à des organes internes, le visage ne pouvait provenir de n’importe quel donneur: il devait avoir la même couleur de peau, la même taille, la même structure osseuse, et jusqu’à la même couleur de cheveux.

Louis Beaulieu, de Transplant Québec, a déclaré qu’une fois le donneur identifié, un consentement spécial avait été obtenu pour la procédure de transplantation faciale, ce qui a été fait de façon éthique et respectueuse, puisque la famille du donneur était bien sûr endeuillée.

Ni M. Desjardins ni sa femme n’étaient présents mercredi à la conférence de presse, mais quatre mois après l’opération, le docteur Borsuk a indiqué que le patient se remettait bien et pouvait respirer sans trachéotomie, mastiquer avec ses nouvelles mâchoires, sentir et parler correctement.

La convalescence et la réadaptation prendront encore au moins un an, car M. Desjardins doit réapprendre des gestes quotidiens comme manger, boire et même sourire. Il prendra aussi pour le reste de sa vie des médicaments immunosuppresseurs, pour éviter le rejet du nouvel organe.

Quant aux enjeux éthiques d’une transplantation de visage d’un autre être humain, M. Borsuk ne considère pas que cette greffe diffère d’une autre. Car sous le visage transplanté il y a quatre mois, on retrouve le même Maurice Desjardins, a-t-il rappelé aux journalistes mercredi.

«À l’époque de nos grands-parents, c’est le nom qui signifiait quelque chose. Aujourd’hui, les gens veulent voir votre visage.»

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