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Le commissaire à l’éthique veut plus de pouvoirs

Mario Dion
Le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, Mario Dion Photo: Adrian Wyld / La Presse Canadienne
Teresa Wright - La Presse Canadienne

OTTAWA — Le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique du Canada aimerait avoir plus de pouvoirs pour imposer des sanctions aux ministres et aux titulaires de charge publique qui enfreignent les règles, y compris la possibilité d’imposer des amendes pouvant atteindre 10 000$.

Mario Dion croit fermement en l’importance de respecter les règles d’éthique au sein du gouvernement, mais la loi actuelle sur les conflits d’intérêts lui confère des pouvoirs d’action limités lorsque quelqu’un enfreint les règles.

«Je voudrais vraiment avoir le pouvoir d’exprimer un point de vue quant à la gravité de la contravention lorsque nous trouvons une contravention, et quel type de sanctions devrait être pris, a-t-il déclaré lors d’une entrevue accordée à La Presse canadienne. Il est important de savoir qu’il y aura des conséquences si vous ne respectez pas quelque chose.»

La question des conséquences, ou du manque de conséquences, a refait surface mercredi, quand le ministre des Affaires intergouvernementales Dominic LeBlanc a été reconnu coupable d’avoir enfreint la loi sur les conflits d’intérêts en accordant une licence de pêche au mactre de Stimpson à une entreprise employant un membre de sa famille.

M. Dion a déterminé que M. LeBlanc savait que le cousin germain de sa femme était impliqué dans la société Five Nations Clam et qu’il savait également que son cousin pourrait bénéficier financièrement de l’attribution à la société d’un permis de plusieurs millions de dollars en février dernier.

M. LeBlanc aurait dû se récuser de la décision, a déclaré M. Dion.

Malgré le constat de conflit, aucune sanction n’a été appliquée et M. LeBlanc n’a pas encore été publiquement puni par le premier ministre.

Rex Matthews, le maire de Grand Bank, à Terre-Neuve-et-Labrador, dit que M. LeBlanc devrait démissionner ou être démis de ses fonctions dans le cadre du contrat de licence que le gouvernement a depuis suspendu. Ce contrat aurait fin au monopole que détenait Clearwater Seafoods, dont le siège se trouve dans la communauté de M. Matthews.

«Il aurait dû savoir que s’il y avait un risque de conflit d’intérêts, vous devriez vous retirer vous-même, a déclaré M. Matthews depuis son domicile à Terre-Neuve. Quel genre de message cela envoie-t-il? Quand le commissaire à l’éthique dit que vous êtes en violation de la fonction publique, que devez-vous dire de plus? Vous avez commis une grosse erreur et vous devez payer pour cette erreur.»

La Loi sur les conflits d’intérêts est entrée en vigueur en 2007 dans le cadre de la Loi fédérale sur la responsabilité de l’administration Harper, à la suite du scandale libéral des commandites du début des années 2000.

La loi n’a pas été mise à jour depuis sa création. Elle régit les actions de 2400 titulaires de charge publique.

Les seules pénalités pouvant être imposées par le commissaire sont des pénalités financières mineures de 500 $ au maximum, qui s’appliquent si un titulaire de charge publique omet de déclarer dans des délais précis des choses comme des cadeaux ou des offres d’emploi.

Il n’y a pas de pénalités pour des infractions comme celles de M. LeBlanc — à l’exception de l’acte d’exposer les actions par le biais d’un rapport, a déploré M. Dion.

Il a estimé que la pénalité de 500 $ est «très faible» et devrait être augmentée et élargie pour inciter «à ne pas enfreindre les obligations ».

«Quelque chose de l’ordre de 10 000 $ au maximum non seulement pour ne pas avoir fait ce que vous deviez faire au moment où vous deviez le faire, mais aussi pour une violation substantielle de la loi», a-t-il dit.

Le premier ministre Justin Trudeau a déclaré jeudi aux journalistes à Saskatoon, jeudi, qu’il était «rassuré» que le Canada possède «l’un des cadres éthiques les plus solides au monde».

«Nous travaillons avec le commissaire à l’éthique, nous acceptons les conclusions du commissaire à l’éthique et nous nous efforcerons toujours de rectifier les choses et d’aller de l’avant avec les recommandations du commissaire à l’éthique», a-t-il dit.

Mais la loi ne permet pas au commissaire de recommander quoi que ce soit. C’est quelque chose que M. Dion aimerait voir changer.

«Je pense que c’est un problème central avec la loi. Le rapport s’arrête là. Il appartient ensuite aux politiciens de prendre des décisions et je ne peux même pas exprimer de point de vue à ce sujet», a-t-il dénoncé.

«Nous connaissons très bien la situation et nous sommes bien placés pour exprimer un point de vue sur ce qui constituerait une solution appropriée. Et j’aimerais pouvoir le faire, mais jusqu’à ce que la loi soit modifiée, je n’ai pas le pouvoir de le faire. Ce sera au Parlement de décider s’il souhaite que je le fasse.»

M. Dion a fait connaître son point de vue à ce sujet lorsqu’il a comparu devant un comité de la Chambre des communes en février.

Malgré cela, il n’a reçu «aucune» indication que le gouvernement soit intéressé par la mise à jour des lois actuelles en matière d’éthique.

«Je ne suis pas surpris, j’ai une longue expérience dans le secteur public. Il y a des listes de priorités et cela ne semble pas être l’une d’entre elles», a-t-il dit.

M. Dion dit qu’il estime qu’il s’agit d’une question d’équité envers tous — tant pour ceux qui enfreignent les règles que pour ceux qui ne le font pas.

«Si un groupe de personnes suit religieusement les dispositions et fait tout ce qui est nécessaire, alors c’est injuste envers eux quand vous ne prenez pas de mesures lorsque quelqu’un enfreint les règles», explique-t-il.

Les libéraux ont été confrontés à un certain nombre de problèmes éthiques depuis leur entrée en fonction en 2015.

L’année dernière, Mary Dawson, alors commissaire, a constaté que M. Trudeau avait enfreint les lois sur l’éthique du Canada en effectuant deux voyages en famille, payés à 100 pour cent, sur une île privée des Bahamas appartenant à l’Aga Khan. M. Trudeau a également dû payer une amende de 100 $ plus tôt cette année pour ne pas avoir divulgué un cadeau de lunettes de soleil du premier ministre de l’Île-du-Prince-Édouard.

Le ministre des Finances, Bill Morneau, a également fait l’objet de plusieurs enquêtes par le tsar de l’éthique. Il a été acquitté dans deux enquêtes. Il a cependant été condamné à une amende de 200 $ pour avoir omis de divulguer une villa qu’il possède en France par l’intermédiaire d’une société de portefeuille.

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