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NPD: la première année tumultueuse de Jagmeet Singh

NDP Leader Jagmeet Singh responds to questions after a three-day NDP caucus national strategy session in Surrey, B.C., on Thursday September 13, 2018. THE CANADIAN PRESS/Darryl Dyck Photo: Darryl Dyck/La Presse canadienne

OTTAWA — Lorsqu’on lui demande de décrire en un mot sa première année à la tête du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh prend une longue pause et répond finalement «résilience».

«Parce que oui, j’ai déjà su (sic) qu’on a des défis, mais j’ai toujours gardé le focus (sic) sur les Canadiens et Canadiennes qu’on veut défendre», a-t-il expliqué en demandant de temps à autre comment conjuguer un verbe en français.

La Presse canadienne s’est entretenue avec le chef néo-démocrate à l’aube de son premier anniversaire à la tête du parti.

Beaucoup d’espoirs avaient été fondés sur celui qui a remplacé Thomas Mulcair en octobre 2017. Jeune et charismatique, Jagmeet Singh avait séduit les militants néo-démocrates durant la course à la direction. Il avait réussi à attirer des milliers de nouveaux membres, dépassait de loin ses rivaux pour le financement et avait obtenu le plus grand nombre d’appuis au sein des députés du caucus.

Mais les obstacles se sont succédés depuis pour le chef néo-démocrate. Trois semaines après son entrée en poste, le NPD a fait piètre figure lors de l’élection partielle dans Lac-Saint-Jean, réussissant à peine à obtenir 11,7% des voix. Le scénario s’est répété avec 8,7% du vote dans Chicoutimi-Le Fjord en juin, une circonscription que le NPD avait déjà détenue après la vague orange de 2011.

Les autres élections partielles ailleurs au pays ont également été décevantes pour le parti, ses finances sont dans le rouge et la grande famille néo-démocrate est divisée en Alberta et en Colombie-Britannique sur l’oléoduc Trans Mountain. L’expulsion du député Erin Weir à la suite d’une enquête sur des allégations de harcèlement semble également avoir scindé les néo-démocrates de la Saskatchewan.

«C’est comme s’il y avait des morceaux qui éclataient dans tous les sens, résume le politologue André Lamoureux. C’est la Colombie-Britannique contre l’Alberta — dans le sens inverse aussi —, la question de la Saskatchewan avec Erin Weir, le Québec ça ne va pas du tout.»

Jagmeet Singh a eu beau vouloir faire passer son message durant cette première année, il a été rattrapé par plusieurs controverses comme celles sur le séparatisme sikh où il avait tardé à condamner l’usage de la violence et les allégations d’inconduite dans la foulée du mouvement #MoiAussi d’abord envers Erin Weir, puis envers la députée Christine Moore qui a finalement été blanchie.

«Il y a deux catégories de ce que vous appelez crise», analyse l’ex-attaché de presse du NPD, Farouk Karim, qui avait également dirigé les communications du député Guy Caron lors de la course à la direction.

«Il y en a qui sont comme au tennis, des erreurs non provoquées, c’est-à-dire que ça vient de lui-même et il y en a qui sont plus contextuelles comme les allégations de harcèlement sexuel qui sont hors de son contrôle. Il devait « dealer » avec une fois que c’est arrivé. Pour ce qui est de ses propres sujets, je crois qu’il était en mode apprentissage.»

Une situation qui se reflète dans les intentions de vote. Le NPD demeure sous la barre des 20%, selon la maison de sondage Nanos.

«Il y a eu une année de consolidation de son leadership, ajoute André Lamoureux. Pour les mois qui viennent, ce sera un test de crédibilité. Il va devoir livrer la marchandise.»

À un an des prochaines élections fédérales, Jagmeet Singh demeure malgré tout optimiste. Il s’appuie sur le dernier congrès du NPD en février qui a attiré un nombre inégalé de délégués et où ceux-ci l’ont appuyé à plus de 90%. Le chef cite également certaines des propositions de son parti comme la gratuité scolaire et la couverture des soins dentaires par l’État.

«Ce que j’ai fait comme leader, c’est de prendre un parti qui a eu beaucoup de défis, a-t-il souligné. Deux ans de difficultés financières et on a changé la direction. Maintenant notre financement va dans une direction positive pour la première fois après beaucoup de temps.»

Il a profité de l’été pour aller à la rencontre de ses députés et de leurs électeurs dans cinq régions du Québec, un séjour dont il parle chaque fois qu’il est question d’environnement.

«J’ai fait une tournée au Québec pour montrer ce que l’on peut faire, le contraste qu’on peut investir dans les énergies propres pour créer de bonnes jobs dans l’énergie renouvelable, l’énergie verte», a-t-il rappelé.

Pour l’instant, le chef a les yeux tournés vers Burnaby-Sud, en Colombie-Britannique, où il espère gagner un siège lors de l’élection partielle à venir pour pouvoir finalement débattre avec ses adversaires en chambre. Le NPD tentera également de conserver la circonscription d’Outremont laissée vacante par Thomas Mulcair, lors d’une autre élection complémentaire. La date de ces deux scrutins n’a pas encore été fixée par le premier ministre Justin Trudeau.

«On a besoin d’outils pour partager nos messages, c’est clair qu’il faut augmenter ça, a reconnu le chef néo-démocrate. On va continuer de parler avec les Québécois et les Québécoises et de renforcer notre engagement de défendre les intérêts du Québec. On a une équipe forte au Québec, on va écouter leurs conseils et on va avoir une campagne excellente à Outremont.»

Le parti a retenu les services de deux consultants pour revoir son système de financement. Depuis la rentrée parlementaire, Jagmeet Singh martèle ses trois priorités: l’environnement, la crise du logement et la santé.

«Troisième parti, ce n’est jamais facile, signale Farouk Karim. Par contre, on est dans un contexte politique où l’électorat est très volatil (…) surtout au Québec qui est passé d’un électorat massivement bloquiste, à massivement néo-démocrate, à massivement libéral en trois élections.»

Le résultat de l’élection québécoise de lundi donnera peut-être quelques indices sur l’appétit des électeurs pour un parti fédéral de gauche comme le NPD.

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Le chef néo-démocrate Jagmeet Singh a connu une année tumultueuse. Voici quelques moments-clés:

  • 1er octobre 2017: Jagmeet Singh est élu chef du NPD avec 53,8% du vote des militants
  • 24 octobre 2017: le candidat libéral Richard Hébert est élu lors de l’élection partielle dans Lac-Saint-Jean, le NPD obtient 11,7% du vote
  • 1er février 2018: le député Erin Weir est suspendu temporairement de ses fonctions parlementaires au sein du caucus néo-démocrate en raison d’allégations de harcèlement
  • 17 février 2018: Jagmeet Singh reçoit 90,7% du vote des délégués lors d’un vote de confiance au congrès du NPD
  • 3 mai 2018: le député Erin Weir est expulsé du caucus du NPD
  • 8 mai 2018: la députée Christine Moore est supsendue temporairement de ses fonctions parlementaires pour des allégations d’inconduite sexuelle
  • 18 juin 2018: le conservateur Richard Martel remporte l’élection partielle dans Chicoutimi—Le Fjord; le NPD obtient 8,7% du vote
  • 19 juillet 2018: Christine Moore est blanchie après une enquête
  • 8 août 2018: Jagmeet Singh annonce qu’il sera candidat pour l’élection complémentaire dans la circonscription de Burnaby-Sud, en Colombie-Britannique

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