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Nicola Di Iorio: absence «requise et autorisée»

Photo: Archives Métro
Mélanie Marquis, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — Le député Nicola Di Iorio jure que son absence prolongée des Communes est justifiée et qu’elle est cautionnée par Justin Trudeau lui-même, lequel lui aurait confié des «responsabilités» non précisées.

«Le premier ministre m’adresse (sic) des responsabilités qui, pour le moment, requièrent, justifient et autorisent mon absence de la Chambre», a-t-il écrit sur Facebook. Peu avant, dans une longue entrevue accordée à La Presse canadienne, il a plaidé que l’on interprétait mal sa situation.

«Les gens, l’adéquation qu’ils font (…) c’est pas vrai ça. Moi, la raison pour laquelle je ne suis pas au Parlement, elle tient directement à ces situations sur lesquelles je travaille à la demande de mon premier ministre», a-t-il exposé au téléphone, vendredi.

«On me demande de faire des tâches spécifiques, je n’ai pas la capacité d’être à deux endroits en même temps. Tirer comme conclusion que je suis absent… je ne suis effectivement pas dans mon siège, mais ce n’est pas dans ma nature (de ne pas aller au travail)», a-t-il dit.

L’élu n’est pas venu sur la colline à Ottawa depuis la rentrée parlementaire, le 17 septembre dernier. Au printemps dernier, il avait annoncé sa démission avant de changer d’idée en juillet, puis de réclamer, fin septembre, un mois de réflexion.

Le mois est passé, mais la décision n’est toujours pas tombée.

Au bureau de Justin Trudeau, on attend toujours que l’élu se fasse une tête. «Nous anticipons qu’il annoncera sa décision quant à son avenir dans les prochains jours», a-t-on signalé par courriel, vendredi.

Mais surtout, le bureau du premier ministre ne révèle pas la nature de la mission qui aurait été confiée à Nicola Di Iorio. En fait, la déclaration transmise à La Presse canadienne reprend mot pour mot une réponse qui avait été offerte au quotidien La Presse à la fin septembre.

On peut notamment y lire qu’il a été «convenu» que Nicola Di Iorio «resterait afin d’assurer la transition dans sa circonscription et travailler sur certains mandats spécifiques en lien avec ses intérêts et son expertise».

Une source au bureau du premier ministre a indiqué à La Presse canadienne que le dossier sur lequel il avait été chargé de travailler était «un projet de sécurité routière». Cette même source n’a pas voulu confirmer si le mandat venait avec un permis spécial de s’absenter des rues de la capitale.

La veille, en marge d’une annonce au Manitoba, le premier ministre Trudeau a soutenu que «Nicola Di Iorio est toujours député, et à ce que je sache, il est toujours en réflexion sur son avenir» et qu’il aurait «davantage de choses à dire à ce sujet».

La confusion entourant la situation du député de Saint-Léonard—Saint-Michel s’est amplifiée au cours des derniers jours. Au parlement, vendredi, ses collègues du caucus québécois disaient ne pas être au courant des responsabilités qui lui ont été confiées.

«Absolument pas, et je vais me garder de me prononcer sur M. Di Iorio, il reste quand même un ami personnel (…) Moi, j’ignore ce que sont ses responsabilités», a indiqué le député Marc Miller en mêlée de presse.

«Je pense qu’il faut poser la question à M. Di Iorio», s’est quant à elle contentée d’offrir la ministre Diane Lebouthillier, qui semblait assez pressée de s’éloigner des micros des journalistes.

Le bloquiste Gabriel Ste-Marie est de ceux qui croient que la situation ne peut plus durer.

«Voyons donc, c’est quoi ça? Quelle justification permet à un député de ne pas être présent en Chambre depuis le début de la session parlementaire? C’est n’importe quoi (…) Ça ressemble à un mauvais téléroman», a-t-il lancé en mêlée de presse.

Au Parti conservateur, on a tourné la chose en dérision: un avis de recherche a été publié sur Twitter. On y voit la photo du député libéral sur un carton de lait, avec au bas la photo d’un Justin Trudeau déguisé en Sherlock Holmes — il portait ce costume à l’Halloween cette année.

Le député Di Iorio a annoncé en avril dernier qu’il démissionnait pour des raisons personnelles et familiales. Il a ensuite rencontré «beaucoup» de gens qui voulaient le remplacer, en même temps qu’il composait avec des commettants qui tentaient de le convaincre de rester.

Il a nié qu’il y avait eu un désaccord entre le Parti libéral et lui concernant le choix d’un successeur, comme l’a rapporté Radio-Canada, jeudi. Le Parti libéral n’a pas souhaité commenter ces informations, vendredi.

Double emploi

Le 14 août dernier, Nicola Di Iorio s’est joint au cabinet BCF Avocats d’affaires, à Montréal. Puis, revirement de situation: en septembre, il déclare à un journal local qu’il veut finalement aller jusqu’au bout de son mandat.

Il ne s’est pas présenté en Chambre depuis, mais il a abattu du boulot à titre d’avocat. La semaine passée, il a été conférencier dans une exposition sur le cannabis à Montréal.

Il n’est pas interdit, pour un élu fédéral, d’occuper un autre emploi que celui de député. Le principal intéressé, lui, n’y voit aucun problème. Car un élu gagne à rester «ancré» dans la réalité en exerçant un autre emploi plutôt que d’être obsédé par sa réélection, a-t-il insisté.

Le député reconnaît que dans certains cas, mais pas le sien, cela peut donner lieu à des situations de conflit d’intérêts pouvant miner la confiance de la population envers les institutions démocratiques.

«Mais ce qui porte atteinte à la confiance du public envers les institutions, c’est d’avoir des politiciens qui s’accrochent à leur poste et qui vont tout faire pour se faire réélire parce qu’ils veulent garder le salaire qu’ils ont», a-t-il argué.

Selon les règles parlementaires, un parlementaire qui s’absente de la Chambre des communes voit son salaire amputé de 120 $ par jour «pour chaque absence au-delà de 21 jours». Le traitement salarial annuel de base des députés fédéraux est de 175 600 $.

Une exception est prévue en cas de maladie, de service militaire ou pour un engagement public ou officiel, selon la procédure. On ignore si une pénalité a été imposée à Nicola Di Iorio, et ce dernier n’a pas voulu dire s’il avait été puni.

Il n’existe aucun mécanisme officiel de consignation de l’assiduité des élus, mais d’après le calendrier parlementaire, le Montréalais aurait manqué 30 jours depuis la rentrée automnale, en date du 2 novembre.

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