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Harcèlement: dénoncer n’est pas du seul ressort des victimes

Photo: 123RF

MONTRÉAL — Des avocats veulent que les victimes ne soient pas seules à porter le fardeau de dénoncer le harcèlement — dont le harcèlement sexuel — et les agressions en milieu de travail: il faut que les témoins puissent aussi pouvoir le faire et que l’employeur soit obligé d’enquêter dans ces cas-là aussi, suggèrent-ils.

Pour y arriver, ils recommandent notamment d’inscrire ces suggestions — noir sur blanc — dans les règlements devant accompagner la nouvelle mouture du Code canadien du travail.

Il devrait être la responsabilité de tout le monde de prévenir et de dénoncer le harcèlement, fait valoir l’avocate Gail Gatchalian, spécialisée en droit du travail et associée au cabinet Pink Larkin, dans son bureau de Halifax.

Il y a déjà tellement de barrières qui empêchent les victimes de dénoncer. Mme Gatchalian cite ici l’inégalité de pouvoir souvent énorme entre la victime et l’agresseur, la tendance des victimes à se blâmer pour ce qui est arrivé et enfin la crainte de représailles. Peu dénoncent, déplore-t-elle.

Mme Gatchalian a participé à la rédaction d’une proposition en ce sens, avec la Section du droit du travail et de l’emploi de l’Association du Barreau canadien (ABC) et le Forum des avocates de l’ABC.

Ensemble, ils ont suggéré des améliorations au cadre réglementaire accompagnant le projet de loi C-65, qui modifie le Code canadien du travail en apportant notamment des changements sur la violence et le harcèlement en milieu de travail. Le Code canadien du travail ne s’applique toutefois qu’aux entreprises sous juridiction fédérale, comme les banques et les entreprises de télécommunications. C-65 a reçu la sanction royale, le 25 octobre dernier, mais n’est pas encore en vigueur, souligne l’avocate.

Selon le groupe d’avocats, la réglementation devrait «envisager explicitement» la possibilité, pour les témoins, de déposer eux aussi une plainte. Ils devraient bénéficier de la même confidentialité que les victimes dans le processus. L’employeur devrait aussi être obligé d’enquêter s’il a connaissance de cas de harcèlement, même en l’absence de plainte formelle, recommandent-ils.

«Cela enverrait un message clair: c’est la responsabilité de tous, dit l’avocate, qui est aussi la présidente sortante de la Section nationale du droit du travail et de l’emploi de l’ABC. Il ne s’agit pas d’un problème qui ne peut être réglé juste par des victimes qui portent plainte.»

Et cela pourrait aider à amener un changement de culture, parce que le harcèlement sexuel se nourrit et profite d’une culture du silence, fait-elle valoir.

Pour le moment, la situation est tout aussi mauvaise qu’il y a 30 ans, juge-t-elle. Et un processus porté par les victimes ne sera pas suffisant pour amener un tel changement de culture.

Mais les témoins n’auront-ils pas, eux aussi, peur des représailles? Dans certaines situations, les mêmes barrières à la dénonciation seront là, certes, mais les témoins dans d’autres cas ne seront pas aussi vulnérables que la victime qui a été ciblée, croit-elle.

Le gouvernement fédéral prévoit publier les règlements accompagnant C-65 au début de 2019, indique Mme Gatchalian.

De leur côté, les provinces ont également des lois pour régir les milieux de travail, et les dispositions au sujet du harcèlement varient d’une province à l’autre, souligne Mme Gatchalian. Les employés syndiqués bénéficient aussi des protections accordées par leurs conventions collectives.

Au Québec, c’est la Loi sur les normes du travail qui interdit le harcèlement psychologique et sexuel. Ce dernier type de harcèlement a été ajouté explicitement récemment, par des modifications entrées en vigueur le 12 juin 2018.

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