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CF-18: des avions de chasse sans pilotes

Photo: La Presse canadienne

OTTAWA — L’achat de 18 avions de chasse australiens pour remplacer provisoirement le quart des vieux CF-18 ne permettra pas au Canada de respecter son engagement envers l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) malgré les milliards de dollars que le gouvernement entend dépenser pour maintenir sa flotte.

Dans un rapport rendu public mardi, le vérificateur général conclut que les avions australiens aussi vieux que les CF-18 ne freineront pas «le déclin de la capacité de combat des aéronefs et la pénurie de personnel» pour les faire voler et les entretenir. Or, le Canada aurait plutôt dû augmenter le nombre d’avions de chasse disponibles en vertu de l’engagement qu’il a pris envers ses alliés en 2016.

Ce dur constat survient alors que la saga pour le remplacement des CF-18, qui a débuté sous le gouvernement conservateur de Stephen Harper, n’a toujours pas connu son dénouement. Il s’agit de la deuxième fois depuis 2012 que le vérificateur général examine ce dossier.

«C’est ce qui se produit lorsqu’on néglige et n’investit pas suffisamment dans les Forces armées canadiennes», a réagi le ministre de la Défense, Harjit Sajjan, en rejetant la faute sur les conservateurs.

L’achat des avions australiens n’est pas justifié, rétorque le député conservateur Richard Martel, qui réclame carrément l’annulation de la transaction.

«Les Australiens se débarrassent de ces avions-là pour en acheter de nouveaux et nous autres on ramasse les restants, a-t-il dénoncé. Alors, ce sont des dépenses inutiles et c’est une mauvaise planification.»

Les CF-18 auront 50 ans en 2032, l’année où le gouvernement prévoit les retirer. Leur technologie de combat accusera alors un retard de 15 ans si elle n’est pas modernisée. Croyant qu’elle allait pouvoir les remplacer en 2020, la Défense nationale n’a pas élaboré de plan pour mettre à jour leur capacité de combat.

Le ministère prévoit dépenser 3G$ pour prolonger la durée de vie de ses 76 avions de chasse et acheter les F/A-18 australiens «qui ont le même âge et les mêmes limites opérationnelles que les CF-18». Ce montant couvrira également leur entretien régulier et leurs heures de vol.

Le vérificateur général souligne que cette solution ne règle en rien la pénurie de techniciens et de pilotes expérimentés à laquelle est confrontée la Défense nationale depuis 2014. Il constate que l’entretien des CF-18 pour chaque heure de vol est passé en moyenne de 21 à 24 heures, un délai qui augmentera avec l’âge des appareils. Par conséquent, près du tiers des pilotes ne complètent pas les 140 heures de vol qu’ils doivent minimalement effectuer chaque année. Le problème est d’autant plus préoccupant que la Défense nationale ne compte pas assez de pilotes. Ils quittent sans que la Défense nationale n’ait le temps d’en former de nouveaux pour les remplacer. La formation d’un pilote d’avion de chasse dure entre cinq et sept ans.

Le gouvernement Trudeau s’était engagé en 2016 à «répondre au niveau d’alerte le plus élevé» du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) et ainsi respecter son engagement envers l’OTAN. Cela requiert d’avoir «un nombre suffisant d’appareils disponibles» prêts à intervenir.

Le ministre Sajjan a reconnu qu’il a été mis au courant très tôt de cette pénurie de pilotes d’avions de chasse. «L’armée de l’air a déjà commencé à recruter et nous en faisons davantage pour garder nos pilotes», a-t-il indiqué.

Ni le ministre ni son secrétaire parlementaire n’ont été en mesure de préciser la date de début du programme de recrutement ou même lorsqu’il aura permis de combler tous les postes disponibles.

Les CF-18 mis en service dans les années 1980 devaient être retirés d’ici 2020, mais leur remplacement s’est transformé en une longue saga. Il y a six ans, le gouvernement Harper a abandonné dans la controverse son projet d’acheter des avions de chasse F-35 sans appel d’offres pour remplacer cette flotte vieillissante. Le gouvernement Trudeau, qui avait par la suite décidé d’acheter 18 avions Super Hornet à Boeing également sans appel d’offres, a annulé cet achat en 2017 dans la foulée du conflit commercial entre Boeing et Bombardier. Il a fini par se tourner vers l’Australie pour acheter des avions de chasse provisoires et a lancé un appel d’offres pour acheter 88 avions de chasse permanents.

La Défense nationale a déjà indiqué qu’elle accepte les recommandations du vérificateur général. Elle a entamé une analyse des mises à niveau nécessaires pour conserver la capacité de combat de ses avions de chasse qui devrait se terminer d’ici le printemps 2019. Elle compte ajouter plus de 200 techniciens pour l’entretien des appareils et s’est dotée en septembre d’un plan pour pallier au manque d’expérience de ses pilotes. Ce plan ne règle le problème que partiellement puisqu’il ne prévoit pas d’augmenter leur nombre, note le vérificateur général. Son rapport n’évalue pas le nouveau processus d’appel d’offres ni fait le suivi des recommandations formulées en 2012.

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