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Français en Ontario: Caroline Mulroney refuse de s’expliquer à Ottawa

Chris Young / La Presse Canadienne Photo: Chris Young

OTTAWA — Les groupes qui voudraient contester les compressions en francophonie imposées par le gouvernement de Doug Ford pourraient bientôt obtenir un coup de pouce financier de celui de Justin Trudeau.

La ministre fédérale responsable des langues officielles, Mélanie Joly, a annoncé mardi que le programme de contestation judiciaire (PCJ), dont le retour avait été confirmé il y a près de deux ans, en février 2017, était désormais opérationnel.

«C’est une étape importante, s’est-elle réjouie en conférence de presse. J’aurais aimé ça que les choses aillent plus rapidement, mais on a dû faire affaire avec un processus qui est indépendant et qui a été plus long que prévu.»

Le PCJ permet à des individus ou des groupes de toucher un appui financier pour défendre leurs droits en matière de langues officielles devant les tribunaux. Dans sa nouvelle mouture, il est élargi à des articles de la Loi sur les langues officielles qui n’étaient jadis pas couverts.

Par conséquent des causes touchant les communications avec le gouvernement, la langue de travail «et surtout, le soutien à la vitalité des communautés linguistiques partout à travers le pays», a souligné la ministre.

Elle a cependant refusé de préciser si cela pourrait rendre admissibles des poursuites contre les mesures décrétées jeudi dernier à Queen’s Park, soit la dissolution du commissariat aux services en français et l’abandon de la création d’une université française.

«Dans le but de préserver l’indépendance du programme, je peux pas répondre à (cette) question directement, parce que je ne voudrais pas non plus (nuire aux) chances des Franco-Ontariens dans la cause potentielle», a-t-elle soutenu.

Mais «ce que je peux vous dire par contre, c’est qu’aujourd’hui il y a un outil de plus qui est à la disposition de la communauté franco-ontarienne pour se défendre devant les tribunaux», a enchaîné Mme Joly.

Il faudra cependant compter encore quelques semaines afin que tout se mette en place.

Le PCJ avait été fort utile aux Franco-Ontariens à la fin des années 1990 dans la bataille judiciaire qu’ils avaient menée contre la décision du gouvernement progressiste-conservateur de Mike Harris de fermer l’hôpital Montfort, seul hôpital universitaire francophone de l’Ontario.

Des 5M$ qui seront investis annuellement dans le programme de contestation judiciaire, au moins 1,5M$ seront alloués à la clarification des droits en matière de langues officielles. Un comité sera chargé de se pencher spécifiquement sur ces causes.

La Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) a accueilli favorablement cette «avancée importante vers l’ouverture du programme», que l’organisation «voit comme une urgence à la lueur des événements de la semaine dernière en Ontario».

Guerre politique linguistique
Le PCJ était passé à la trappe sous l’ancien gouvernement conservateur de Stephen Harper. La ministre Joly y est allée d’un coup d’accélérateur dans le processus de rétablissement alors qu’elle multiplie les attaques — avec dans son viseur Andrew Scheer bien plus que Doug Ford.

Dans les rangs libéraux, ils sont de plus en plus nombreux à tenir un discours similaire. Son collègue François-Phlippe Champagne, par exemple, a argué mardi que le chef fédéral était encore «plus décevant» que le premier ministre ontarien ayant décrété ces coupes.

Mais la ministre Joly s’est vigoureusement défendue d’avoir dévoilé de nouveaux pans du PCJ pour marquer des points politiques.

«Ce n’est pas une question de partisanerie. (…) C’est mon boulot de défendre les francophones. Si je ne le fais pas, qui va le faire au gouvernement conservateur en Ontario? Qui va se lever ici à la Chambre des communes chez les conservateurs?», a-t-elle martelé.

Mulroney ne s’expliquera pas en comité
Du côté de Queen’s Park, le gouvernement Ford a réaffirmé mardi qu’il n’avait pas l’intention de revenir sur ses décisions controversées et qu’il n’entendait pas non plus s’expliquer devant une instance fédérale.

Un comité parlementaire à Ottawa a tenté d’effacer les lignes partisanes dans ce dossier, adoptant mardi à l’unanimité une motion pour inviter la ministre ontarienne Caroline Mulroney à venir justifier ce que plusieurs considèrent comme une gifle aux Franco-Ontariens.

Les députés fédéraux voulaient discuter «de la vitalité des communautés francophones de l’Ontario à la lumière des récentes décisions (…) lors d’une réunion publique, télévisée, d’une durée de deux heures», stipulait la motion.

Aussitôt arrivée, l’invitation a été déclinée. Au cours d’une conférence de presse à Toronto, debout aux côtés de son premier ministre Doug Ford, la ministre Mulroney a plaidé qu’elle n’avait pas à s’expliquer ailleurs que dans son arène provinciale.

«Les raisons pour les politiques que nous avons annoncées sont connues. Et je suis prête à en discuter de plus en plus avec les gens ici à Toronto et à travers l’Ontario. Mais je vais rester ici à Queen’s Park», a-t-elle tranché.

Les membres du comité ont exprimé leur déception face à ce refus.

«Je trouve ça extrêmement important, l’échange qu’on aurait pu avoir. C’est dramatique ce se passe en Ontario. J’espère que ça n’aura aucune espèce d’effet d’entraînement ailleurs au Canada, dans d’autres provinces», a réagi son président, le libéral Denis Paradis.

L’objectif n’était pas de demander à une ministre provinciale de «rendre des comptes» à un comité fédéral: le gouvernement canadien doit veiller sur les groupes minoritaires à travers le pays, c’est «son rôle», et les Franco-Ontariens «sont bafoués dans le moment», a insisté l’élu.

Rencontre Joly-Mulroney
La ministre Mélanie Joly attendait par ailleurs toujours avec impatience, mardi, de s’entretenir avec sa vis-à-vis. Le bureau de Caroline Mulroney a proposé une rencontre vendredi, trop tard au goût de son interlocutrice fédérale.

L’attachée de la ministre ontarienne n’a pas répondu aux questions de La Presse canadienne, ni aux demandes d’entrevue, mardi.

Membres ducomité d’experts chargé des droits en matière de langues officielles:

  • Emmanuelle Richez, professeure adjointe de science politique, Université de Windsor
  • James Shea, président, Commission scolaire Western Québec School Board
  • Thomas Maillet, avocat en pratique privée
  • Marie-Claude Rioux, directrice générale, Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse
  • Johane Tremblay, avocate générale et directrice des Affaires juridiques à la retraite du Commissariat aux langues officielles
  • Gilles LeVasseur, avocat et professeur de gestion et de droit, Université d’Ottawa
  • André Poulin-Denis, avocat au sein du cabinet Gowling WLG

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