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Francophonie: les chefs fédéraux feront pression

Canadian Prime Minister Justin Trudeau speaks during a news conference at the United Nations, Wednesday, Sept. 26, 2018. THE CANADIAN PRESS/Adrian Wyld Photo: Adrian Wyld/La Presse canadienne
Mélanie Marquis, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — Le gouvernement fédéral est ouvert à l’idée de débloquer des sommes d’argent pour que débloque le projet d’Université de l’Ontario français mis sur la glace par Doug Ford. Mais il ne déliera pas les cordons de la bourse sans que le gouvernement ontarien n’en fasse de même.

C’est ce qu’a signalé mercredi après-midi la ministre fédérale de la Francophonie, Mélanie Joly, à l’issue d’une rencontre au sommet qu’avait accepté de convoquer le premier ministre Justin Trudeau dans la foulée des compressions controversées annoncées à Queen’s Park.

«Ce qu’on espère avoir convenu, avec tous les chefs de partis, c’est de mettre de la pression sur le gouvernement ontarien pour qu’il nous présente un projet (…) Nous, on va être prêt à l’étudier, à répondre présent, parce qu’on pense que c’est un projet important», a-t-elle dit.

Le gouvernement progressiste-conservateur de Doug Ford devrait cependant faire sa part, car les provinces doivent assumer «leurs responsabilités», et ici, «c’est la responsabilité de la province en matière d’éducation supérieure», a insisté Mme Joly dans le foyer des Communes.

Peu avant que la ministre ne dresse ce bilan de la rencontre, le premier ministre Trudeau était passé en coup de vent, lui qui se dirigeait vers l’aéroport afin de monter à bord de l’avion qui le mènera au sommet du G20, en Argentine.

«On se rallie ensemble sur la défense des francophones et des communautés linguistiques minoritaires à travers le pays», a-t-il lancé d’un ton moins cinglant que celui qu’il avait employé un peu plus tôt pendant la période des questions en Chambre.

Le chef libéral avait alors reproché à son vis-à-vis conservateur, Andrew Scheer, d’avoir échoué à poser des questions promptement «sur cet enjeu important» qui continue de faire des vagues en Ontario et au pays.

«Ça fait quatorze jours que le gouvernement conservateur en Ontario a sabré dans les services aux francophones, ça fait quatorze jours que le chef de l’opposition ne me pose pas une question», a lâché Justin Trudeau.

La salve a été mal digérée; aussi le chef Scheer a-t-il profité de sa déclaration d’ouverture, en arrivant dans le bureau du premier ministre, pour exhorter ses collègues à ne pas céder aux «tentations» d’utiliser l’enjeu pour marquer des points politiques.

À l’issue de cette réunion, qu’il avait réclamée lundi, le leader conservateur a dit «espérer» que les querelles partisanes sur cet enjeu étaient chose du passé, signalant au passage que la conversation qui s’est déroulée derrière des portes closes avait été «très cordiale».

Il en a profité pour suggérer «quelques idées», dont celle, par exemple, de céder des édifices fédéraux inutilisés pour abriter l’université francophone. Le chef Scheer s’est cependant montré évasif sur la question du financement de ce projet d’établissement postsecondaire.

Ce manque d’engagement clair des libéraux a «déçu» le chef néo-démocrate Jagmeet Singh.

«J’aurais voulu entendre un engagement, qu’on dise « Oui, nous sommes prêts à faire avancer ce projet, nous sommes prêts à investir, nous sommes prêts à sauver l’université », mais on n’a pas eu ça», a-t-il exposé en mêlée de presse.

La chef du Parti vert, Elizabeth May, entretient le «mince espoir» que «le gouvernement Ford prendra bonne note» de la «démonstration de solidarité» qu’ont affichée les chefs de tous les partis en se réunissant ainsi dans les quartiers de Justin Trudeau — une rareté.

«Rhétorique de division»

La rencontre des chefs de partis à Ottawa survient dans la foulée de l’annonce, par le gouvernement Ford, de la dissolution du commissariat aux services en français et l’abandon du projet d’université francophone, qui devait accueillir ses premiers étudiants en 2020 à Toronto.

Au bureau de la ministre des Affaires francophones de l’Ontario, Caroline Mulroney, on n’a pas voulu dire si l’on comptait présenter un projet détaillé d’université, chiffres à l’appui, au gouvernement fédéral.

Son attachée de presse, Jessica Trepanier, s’est contentée de fournir mercredi soir une déclaration faite vendredi dernier par la ministre voulant que les services aux francophones en Ontario, par habitant, soient sous-financés par rapport à ceux de provinces comme le Manitoba et l’Ontario.

Elle a conclu en décochant une flèche à l’endroit du gouvernement fédéral: «Nous aimerions que les libéraux de Trudeau aillent au-delà de leur rhétorique de division et qu’ils acceptent d’agir quant à leur responsabilité de soutenir et de financer les services aux francophones de l’Ontario», a-t-elle écrit en anglais dans un courriel.

Le premier ministre Ford a argué que les compressions enfouies dans un énoncé économique déposé le 15 novembre dernier étaient nécessaires pour juguler le déficit de la province, sans toutefois préciser à combien se chiffrent les économies.

Cet argument a été balayé du revers de la main par sa députée Amanda Simard. Ces coupes ne «contribueront d’aucune façon significative» au régime minceur que souhaite imposer Doug Ford à l’État, a argué mercredi la Franco-Ontarienne qui a brisé les rangs de son parti.

L’élue a également soutenu que le «recul partiel» de son gouvernement ne suffisait pas.

Le gouvernement a annoncé vendredi dernier le retour du ministère des Affaires francophones — que le premier ministre avait éliminé à son arrivée en fonction — et proposé que le poste de commissaire aux services en français soit maintenu, mais sous la houlette de l’ombudsman.

Manifestations samedi

Ce léger rétropédalage n’a pas apaisé la grogne des Franco-Ontariens. Des manifestations ont été organisées dans environ 40 villes ontariennes, samedi. La Fédération des communautés francophones et acadiennes (FCFA) participe aussi à l’effort de mobilisation.

«Des crises linguistiques, des remises en question de la dualité linguistique, il y en a ailleurs qu’en Ontario (…) Le consensus autour de la table, c’est qu’il faut agir fort et avec solidarité avant que ce qui arrive en Ontario se passe ailleurs», a déclaré le président Jean Johnson.

La ministre Mélanie Joly a confirmé qu’elle serait du rassemblement qui tiendra à Ottawa. Selon le député conservateur Alain Rayes, des conservateurs seront aussi sur place. Le chef Jagmeet Singh espère aussi pouvoir être de la partie.

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