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La députée Amanda Simard quitte les conservateurs de Doug Ford

Cole Burston / La Presse Canadienne Photo: Cole Burston
Mélanie Marquis, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — Une femme de «courage», de «conviction» qui inspire le «respect»: la députée franco-ontarienne Amanda Simard s’est attiré une pluie d’éloges après avoir décidé de claquer la porte du caucus progressiste-conservateur de l’Ontario, jeudi.

«Je vous avise qu’à compter de maintenant, je ne suis plus membre du caucus progressiste-conservateur», a écrit celle qui menait la fronde contre son propre parti pour dénoncer les compressions dans les services aux francophones.

«Je continuerai de siéger à l’Assemblée législative de l’Ontario, mais en tant qu’indépendante», ajoute l’élue de la circonscription de Glengarry-Prescott-Russell dans cette missive datée du 29 novembre adressée au président de la Chambre.

Le geste posé par la jeune politicienne de l’Est ontarien a été qualifié de courageux par de nombreuses personnes, à commencer par la ministre fédérale de la Francophonie et des Langues officielles, Mélanie Joly.

«J’ai eu l’occasion de parler à Mme Simard un peu plus tôt aujourd’hui, je lui ai dit à quel point on était avec elle, à quel point j’avais été impressionnée par ce qu’elle avait fait», a-t-elle exprimé en mêlée de presse, jeudi après-midi.

La ministre Joly, qui se défend de faire de la politique avec cet enjeu, a ajouté que Mme Simard lui avait dit que «la meilleure façon» de faire changer Doug Ford d’idée sur les coupes, «c’est encore et toujours en mettant de la pression sur les conservateurs au niveau fédéral».

Son collègue Denis Paradis croit que cette défection devrait inciter le gouvernement Ford — et plus particulièrement la ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney — à faire un examen de conscience sur la place qu’ont les francophones, et leurs enjeux, au sein du caucus.

«C’est certainement une réflexion que Mme Mulroney devrait avoir», a-t-il lancé jeudi matin.

Le député conservateur Steven Blaney, de son côté, n’est pas prêt à faire porter le blâme au premier ministre Ford. «Pas nécessairement, parce que vous savez, ce qui est important en politique, c’est de défendre ses convictions», a-t-il offert.

Il a semblé fort mal à l’aise de commenter ce dénouement «regrettable». À plusieurs reprises, il a dit «respecter» la décision de la députée, car «prendre la décision de quitter un parti, ça prend du « guts »».

Son collègue Alupa Clarke a signalé qu’on ne le prendrait pas à quitter le navire conservateur.

«Je pensais à ça ce matin, justement, je me disais que moi, je ne quitterais jamais le Parti conservateur du Canada, parce que le parti n’appartient pas au chef. (…) Moi, je resterais dedans et je continuerais à vouloir tenter de changer les choses», a-t-il souligné.

Il a par ailleurs suggéré que la politicienne ontarienne âgée de 29 ans avait été poussée vers la sortie par les francophones de sa circonscription. «Je pense qu’elle a dû avoir beaucoup, beaucoup de pression de l’externe, de sa population», a soutenu Alupa Clarke.

«Un message sain»

Le commissaire aux services en français de l’Ontario, François Boileau, dont le poste d’agent indépendant du Parlement a été aboli par le gouvernement Ford, a eu de bons mots pour Amanda Simard.

«Évidemment, je salue son courage, sa détermination», a-t-il réagi alors qu’il s’apprêtait à offrir un témoignage devant le comité des langues officielles.

«Je trouve que ça envoie un message sain pour une démocratie, que les députés ont encore un rôle à jouer, les députés ont encore une présence, une voix, et ils peuvent se faire entendre», a enchaîné M. Boileau.

L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) «respecte la décision» de Mme Simard, a déclaré le président de l’organisation, Carol Jolin. «Il s’agit d’une personne de conviction et il lui appartient de gérer son avenir politique comme elle l’entend», a-t-il indiqué.

Amanda Simard a jeté l’éponge au lendemain d’une séance houleuse à Queen’s Park.

Elle avait pris la parole à l’Assemblée législative pour dire, avec un trémolo dans la voix, toute sa désapprobation face à la décision du gouvernement de Doug Ford de sabrer dans les services aux francophones.

«Trois pour cent»

Le premier ministre ontarien, dont les décisions de dissoudre le commissariat aux services en français et d’abandonner le projet de l’Université de l’Ontario français ont provoqué la fureur des Franco-Ontariens, en a rajouté une couche, en diminuant leur poids démographique.

«Même s’ils ne représentent que trois pour cent de la population en Ontario, ils ont joué un rôle majeur en culture, dans l’histoire, dans différents secteurs d’affaires», a-t-il lancé en Chambre, suscitant l’indignation dans les banquettes de l’opposition néo-démocrate.

Selon les données du recensement 2016 de Statistique Canada, il y avait dans la province 549 185 personnes ayant le français comme première langue officielle parlée, ce qui correspond à un pourcentage de 4,1 pour cent.

Et Doug Ford n’a pas voulu se laisser démonter par le désaveu de la députée Simard: car les Franco-Ontariens «réalisent que notre province a été laissée dans un état de banqueroute» et «ont réalisé qu’ils étaient utilisés comme des pions (…) pendant la campagne électorale», a-t-il argué.

Avant de quitter le caucus, Amanda Simard occupait la fonction d’adjointe parlementaire à la ministre Caroline Mulroney. Au bureau de cette dernière, on n’avait pas réagi au départ de l’élue, jeudi.

Des versions contradictoires circulaient dans les couloirs de Queen’s Park sur les circonstances entourant le départ de l’élue — dans le camp Ford, on laissait entendre qu’on avait de toute façon l’intention de lui montrer la porte.

«Université de Licornes»

Son départ lui a en tout cas valu une cinglante rebuffade de la part de la porte-parole de Doug Ford pendant la campagne électorale, Melissa Lantsman.

«Les libéraux ont promis une université de langue française que nous ne pouvons nous permettre. (Doug Ford) a annulé cette Université de Licornes. Simard a quitté le caucus pour cette raison, vraisemblablement avant de se faire virer», a-t-elle écrit sur Twitter.

«Et n’oubliez pas qu’elle n’aurait jamais gagné sans le parti», a conclu Mme Lantsman, qui a aussi été attachée de presse de l’ancien ministre conservateur des Finances à Ottawa Joe Oliver.

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