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Trois victimes de l’ex-entraîneur Bertrand Charest poursuivent pour dommages

Photo: Josie Desmarais/Métro

MONTRÉAL — Trois des victimes de l’ex-entraîneur de ski Bertrand Charest poursuivent en dommages son employeur de l’époque, Canada Alpin, parce qu’elles soutiennent que la fédération sportive n’a rien fait pour les protéger et a préféré fermer les yeux. Pour protéger son image et conserver les commanditaires, est-il allégué.

Les trois femmes sont Geneviève Simard, Gail Kelly et Anna Prchal, d’anciennes skieuses d’élite. Elles étaient mineures à l’époque de plusieurs agressions qu’elles ont relatées dans la procédure.

Elles réclament de la fédération sportive 300 000$ chacune en dommages pour les sévices psychologiques, physiques et sexuels qu’elles allèguent avoir subis. En plus, elles réclament chacune 150 000$ en dommages punitifs.

Leur action en justice a été déposée au palais de justice de Montréal.

Elles font valoir dans la procédure que Canada Alpin n’a même pas pris les mesures les plus élémentaires pour qu’elles ne subissent pas ces sévices. L’entraîneur a même été engagé alors que certains de ses comportements répréhensibles avaient été rapportés à la fédération, peut-on y lire.

«Elle a retenu les services de Charest comme entraîneur et a permis, par le biais de ses actes et omissions, que soient agressées ces trois jeunes filles», plaident-elles dans la procédure judiciaire. Notamment, en les laissant seules avec lui lors de voyages pour des compétitions, sans s’assurer de la présence d’un autre adulte, ce qui lui a permis de passer à l’acte à de nombreuses reprises.

«En laissant autant de liberté à Bertrand Charest, la Défenderesse a grandement facilité son manège», est-il écrit.

Selon les trois demanderesses, Canada Alpin a fait le choix d’ignorer les indices afin de privilégier son organisation — sans se préoccuper de la sécurité de ses jeunes athlètes.

«Les Demanderesses ont été sacrifiées par (Canada Alpin) à l’autel de la performance et des commanditaires.»

Dans la procédure, il est aussi allégué que malgré des signes de détresse évidents et remarqués par d’autres athlètes, aucun représentant de Canada Alpin n’est intervenu ni ne s’est informé de l’état des trois jeunes filles. «En aucun moment, la Défenderesse (Canada Alpin) ne prend la peine de s’enquérir du bien-être des athlètes mineures sous sa responsabilité, malgré les signaux d’alerte envoyés par les victimes de Charest».

Il est aussi allégué que la fédération sportive a récemment été invitée à participer à une médiation privée, «pour trouver une solution qui ne passe pas par les tribunaux judiciaires», mais a refusé. Ce qui force les femmes à devoir étaler tout ce qu’elles ont subi au grand jour. Un cauchemar, qui a laissé des séquelles physiques comme psychologiques.

L’ex-entraîneur Bertrand Charest a été accusé au criminel pour ses actes. Au terme d’un procès, il a été condamné en décembre 2017 à 12 ans de détention pour ces crimes de nature sexuelle commis dans les années 1990 sur neuf jeunes femmes. Le juge a retenu 37 chefs d’accusation contre lui. Charest en appelle de sa condamnation et de sa peine.

Dans son jugement sur la peine de Bertrand Charest, le juge Sylvain Lépine de la Cour du Québec a écrit que Canada Alpin « et ses dirigeants ont lamentablement échoué dans leur rôle de gardien et de protecteur de ces jeunes athlètes dont les parents avaient délégué leur sécurité entre leurs mains. Canada Alpin a plutôt choisi de fermer les yeux, de ne pas croire ces jeunes femmes et de cacher la vérité », est-il répété dans la poursuite.

Les trois femmes qui poursuivent Canada Alpin sont parmi celles qui avaient porté plainte à la police contre Charest, peut-on lire dans l’actuelle procédure.

Canada Alpin réagit
Canada Alpin dit avoir appris mercredi qu’une poursuite a été déposée par trois victimes et soutient être en train de l’examiner.

Dans son communiqué diffusé mercredi après-midi, la fédération sportive de ski n’a toutefois aucunement fait allusion ou répondu aux allégations de la poursuite. Elle a décliné une demande d’entrevue.

La Fédération assure toutefois avoir pris plusieurs mesures pour améliorer la sécurité des athlètes au cours des deux dernières décennies et dit continuer à le faire.

Canada Alpin soutient être toujours en discussion avec les victimes de Bertrand Charest. «Nous continuons à leur apporter notre appui et notre collaboration dans toute la mesure dont nous sommes capables. Ces femmes ont fait preuve d’un courage extraordinaire en acceptant d’en parler, et nous saluons leur détermination et leur engagement à contribuer au changement».

C’est faux, ont répliqué Geneviève Simard, Gail Kelly et Anna Prchal, dans un courriel transmis par la suite. «Il n’y a aucune discussion en cours avec Canada Alpin. Nos tentatives de discussion ont été rejetées».

«Si Canada Alpin veut aujourd’hui changer d’attitude et nous « offrir son appui et sa collaboration », nous attendons une confirmation de leur participation à une médiation en janvier 2019.»

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