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Bernier ne nuira pas aux conservateurs, dit Scheer

Adrian Wyld / La Presse Canadienne Photo: Adrian Wyld/La Presse canadienne

OTTAWA — Andrew Scheer n’a pas peur de Maxime Bernier. À l’aube de cette année électorale, le chef du Parti conservateur ne se sent pas du tout menacé — car selon lui, le Parti populaire du Beauceron n’est pas un mouvement, mais bien le véhicule personnel d’un député aigri.

«Pour moi, c’est l’équipe d’une seule personne, tranche le leader conservateur en entrevue dans une pièce de son bureau de l’édifice du Centre. C’est une personne qui a quitté le parti. Ce n’est pas un mouvement.»

Il enchaîne avec une raillerie. «Pour une personne qui a commencé un nouveau parti qui s’appelle « populaire »… il s’est choisi lui-même comme chef, il a choisi toutes les politiques lui-même», lance Andrew Scheer dans cet entretien accordé en début de semaine.

Il faut dire que le chef a eu du fil à retordre avec Maxime Bernier en 2017, au point où il l’a éjecté de son cabinet fantôme en raison de son insubordination, en juin dernier. Le fossé s’est creusé jusqu’à ce que le député de Beauce quitte le navire conservateur, en août dernier.

«Il a passé (environ un an) à amasser des fonds pour sa dette de la course au leadership et quelques jours après l’avoir éliminée, il a décidé de (quitter). Les gens voient ça et peuvent voir le manque de sincérité de Maxime», peste celui qui l’a battu de justesse en mai 2017.

«Chaque jour, je pense que les gens voient de plus en plus que ce n’est pas une question de principe avec Maxime. C’est une question d’une décision personnelle, parce qu’il n’a jamais accepté les résultats de la course à la chefferie», accuse Andrew Scheer.

«J’ai mon propre style»
Le Saskatchewanais de 39 ans assure que son caucus est uni derrière son leadership, balayant du revers de la main les insatisfactions exprimées ces derniers jours sous le couvert de l’anonymat par des membres de son cabinet fantôme dans le quotidien National Post.

«J’ai mon propre style, et je suis exactement le chef que j’ai promis (d’être) pendant la course à la chefferie», réplique-t-il.

«J’ai dit à tous les membres: « On va rester fidèle à nos principes conservateurs, on va envoyer un message inspirant à une nouvelle (frange) d’électeurs, on va travailler sur le terrain et on va gagner les élections en 2019″», enchaîne-t-il.

Le stratège conservateur Tim Powers minimise aussi l’ampleur de la supposée grogne dans les rangs conservateurs en rappelant que Stephen Harper, Joe Clark et Jean Charest, pour ne nommer qu’eux, ont eu droit au même traitement alors qu’ils étaient chefs de l’opposition.

Il juge que «de façon générale», Andrew Scheer «a été solide comme chef de l’opposition». Certes, «jusqu’ici, on n’a pas vu de moment « wow » — et peut-être qu’il n’y aura pas de moment « wow »», note le vice-président de Summa Strategies.

«Mais je pense que lui-même et son entourage reconnaissent qu’il y a encore beaucoup de travail à faire entre aujourd’hui et le jour de l’élection», précise-t-il.

Le chef conservateur a certainement «un déficit de notoriété» à combler, en particulier au Québec, estime Thierry Giasson, professeur au département de science politique de l’Université Laval, qui trouve le style Scheer dur à cerner.

«On a parfois droit à un Andrew Scheer qui est plutôt posé, souriant, chaleureux, et parfois, on a droit à un autre Andrew Scheer qui dit des choses qui sortent un peu de la norme, qui sont plutôt populistes, qui n’a pas l’air, justement, heureux et posé», analyse-t-il au téléphone.

«C’est un peu étrange, cette image. On a de la difficulté un peu à percevoir le type de leadership qu’il veut incarner», poursuit le professeur spécialisé en communication politique.

Qui est le patron?
Chez les libéraux, on a vite fait de dépeindre Andrew Scheer comme un «Stephen Harper 2.0». Le message a évolué ces derniers mois dans la foulée de l’élection des progressistes-conservateurs de Doug Ford en Ontario.

On tente maintenant de brosser le portrait d’un politicien fédéral qui ne tient pas réellement les rênes du mouvement à l’échelle nationale.

«Je demande au chef conservateur (…) qu’il parle à son patron Doug Ford, en Ontario», a-t-on notamment entendu la ministre Mélanie Joly lancer en Chambre après les compressions imposées par Doug Ford dans les services en français.

Selon Tim Powers, ce virage des libéraux est «intéressant». Et le chef de l’opposition devra le négocier en faisant attention «de ne pas se laisser étiqueter comme le petit frère, le gentil garçon qui laisse la politique aux autres», croit-il.

Il faudra aussi garder les yeux rivés sur un ancien membre de la famille conservatrice, ajoute le stratège: «Le parti peut dire le contraire, mais le chef et son bureau doivent consacrer des efforts à surveiller Maxime Bernier, et ça prend du temps et des ressources qui pourraient aller ailleurs».

Du temps et des ressources, les conservateurs en consacrent à s’assurer que le Beauceron ne soit pas réélu dans son fief. Au Toronto Star, Andrew Scheer a prédit ceci: «Max ne gagnera pas un siège, incluant le sien».

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