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«FemTech»: la technologie pour la santé des femmes

Young woman using cell phone to send text message on social network at night. Closeup of hands with computer laptop in background Photo: Getty Images/iStockphoto

MONTRÉAL — Connaissez-vous la FemTech? Il s’agit d’un secteur technologique qui répond spécifiquement aux besoins de santé et de bien-être des femmes: on parle ici d’une panoplie de gadgets high-tech et d’applications pour téléphones intelligents qui servent entre autres à suivre le cycle menstruel et l’ovulation ou encore à détecter des signes de cancer du sein à l’aide d’un soutien-gorge connecté rempli de senseurs. Mais si l’industrie retient de plus en plus l’attention, il s’agit encore d’un secteur niche, estime un expert québécois.

C’est Ida Tin, l’entrepreneure danoise, qui a créé l’expression «FemTech» (pour «Female Technology»). Parce que c’est «utile», dit-elle.

Selon l’entrepreneure, il était nécessaire que les investisseurs puissent dire: «J’ai une entreprise de FemTech dans mon portefolio et non pas :’j’ai une entreprise qui aide les femmes à ne pas faire pipi dans leurs culottes’», a-t-elle raconté récemment à Montréal lors du Sommet international des femmes les plus puissantes organisé par le magazine «Fortune».

L’entreprise dont elle est la cofondatrice et présidente directrice générale est «Clue», lancée en 2013, qui a mis au point une application pour téléphone intelligent qui permet de suivre le cycle menstruel, ses symptômes et sa fertilité tout au long des mois.

Et cela marche? Et bien, plus de 10 millions de femmes l’utilisent aujourd’hui dans quelque 80 pays.

Pour la faire fonctionner, il s’agit d’ouvrir l’application, et d’entrer certaines informations telles que «mes menstruations commencent», ou «mon humeur est X». Fait amusant, l’une des possibilités est une image de tornade. L’application compile les données, les analyse et permet de produire des prévisions sur ce qui s’en vient, et de prédire le moment des prochaines menstruations. L’application peut aussi produire un rapport à remettre au docteur lors de la prochaine visite.

«On voulait créer un compagnon qui va les accompagner tout au long de leur vie, et qui les aide à comprendre leur corps», a expliqué Mme Tin.

L’entrepreneure basée à Berlin en Allemagne a eu cette idée après avoir constaté que plus rien n’était fait au niveau de la planification familiale. Bien ancrée dans son époque, elle voulait faire les choses différemment. «Je pensais que l’on devait faire quelque chose de fondé sur des données, et non pas sur le chimique».

Cela va aider les femmes à comprendre ce qui se passe dans leur corps, fait-elle valoir: «pourquoi est-ce que je me sens comme ça aujourd’hui, mais pas hier?», a-t-elle illustré.

Aussi, beaucoup de femmes rapportent avoir vu leur docteur, avoir expliqué les symptômes qui les inquiètent et être ressorties du bureau sans explication sauf cette phrase banale — et inutile — «C’est dur d’être une femme».

Et parce que les femmes partagent des informations sur des choses très intimes, par exemple, leur état d’esprit, leur humeur et leur désir sexuel, la chose la plus importante à la base de son modèle est la confiance, juge Ida Tin.

L’application permet de recueillir des données globales, et de pouvoir tirer des conclusions. Un résultat frappant? Le jour de l’élection de président des États-Unis Donald Trump en novembre 2018, beaucoup de femmes américaines ont enregistré leur humeur ce jour-là comme étant «la tristesse». «Vous pouviez voir une réelle hausse», rapporte Mme Tin. Mais peut-être que cela est en partie explicable par la démographie de nos utilisatrices, avance-t-elle prudemment.

Mais une chose est sûre, cela démontre notamment que nos humeurs ont un impact sur notre santé physique et qu’elles ne sont donc pas négligeables, juge l’entrepreneure.

Par exemple, l’endométriose, une maladie gynécologique, prend souvent des années avant d’être diagnostiquée. Mais si une femme peut traquer ses symptômes avec une application, cette dernière pourra peut-être lui indiquer que ses menstruations sont anormales et qu’elle devrait aller voir un docteur. Et lors de son rendez-vous, elle pourra rapporter avec précision ses symptômes, ce qui lui permettra peut-être d’avoir un diagnostic plus rapide.

Un marché prometteur?

Selon Frost & Sullivan, une firme d’experts-conseils en affaires qui réalise aussi des études de marché, la FemTech pourrait représenter un marché de 50 milliards $ d’ici 2025.

Il ressort de cette récente analyse de mars 2018 que 80 pour cent des dépenses d’un ménage en soins de santé sont faites par les femmes et que 80 pour cent des professionnels de la santé sont aussi des femmes. Ce qui donne une idée du pouvoir d’achat et aussi de la compréhension et de l’utilité de ces applications et gadgets technologiques.

Mais selon Abdel Mekki Berrada, bien au fait de cette étude, si ce marché a un potentiel, il doit toutefois être contextualisé.

Le professeur agrégé au département de marketing de l’École de gestion de l’Université de Sherbrooke et Directeur du Groupe de Recherche sur les Comportements en Ligne (GRECEL) juge que ces applications et gadgets visent une niche bien précise: les jeunes femmes avec de bons emplois, bien rémunérés. Et qui sont intéressées à suivre de près leur santé sexuelle ou reproductive.

Il rapporte que quelques études ont été faites et qu’à peine 10 à 13 pour cent des femmes seraient intéressées.

«C’est un phénomène très marginal. Si on le ramène au Canada, ça l’est encore plus».

Quant au marché de 50 milliards $ cité par Frost & Sullivan, cela découle d’un calcul qui prend en compte que les femmes constituent 50 pour cent de la population, et que le taux de pénétration des téléphones intelligents chez elles est de 70 pour cent. Sur ce dernier pourcentage, il y a à peine 20 pour cent des femmes qui s’intéressent à suivre leur santé au quotidien. Encore moins la santé sexuelle ou reproductive, analyse-t-il.

Voit-il une utilité à l’expression «FemTech»? «C’est définitivement un truc de marketing, pour rejoindre les mouvements qui sont entraînants en termes de viralité et de slogans accrocheurs». Cela va avec tout le mouvement des «objets connectés», dit-il.

Mais pour le moment, cette industrie se développe plus vite que l’engouement des utilisateurs, conclut le professeur et chercheur.

D’autres entreprises de FemTech, en quelques mots

Coroflo, un protecteur de mamelon qui se connecte avec une application sur téléphone intelligent et qui affirme mesurer la quantité de lait maternel produit lors du boire du bébé.

Elvie, un petit appareil flexible qui permet aux femmes d’exercer leurs muscles pelviens, connecté à une application qui en mesure la force et l’endurance.

EVA, un soutien-gorge muni de biosenseurs. Il relève les changements de température dans les seins et dans l’élasticité des tissus, deux indicateurs de la possibilité de cancer du sein au stade précoce, fait valoir l’entreprise. Les données récoltées se rendent directement sur un programme informatique offrant une évaluation de risque en quelques minutes, basé sur les algorithmes d’intelligence artificielle de l’entreprise, et qui suggère de voir un médecin, s’il y a lieu.

Lioness, un jouet sexuel de type «vibrateur intelligent» qui possède des senseurs mesurant les contractions du vagin, sa température et ses mouvements. Ces senseurs sont connectés à une application qui traduit cette information pour que l’utilisatrice en apprenne plus sur sa sexualité et sa santé.

AVA, un bracelet de fertilité connecté, qui mesure et traite des données chaque nuit: température, pouls, ou rythme respiratoire, afin de renseigner les femmes sur leur période d’ovulation.

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