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Le Canada enquête sur le cas d’un fugitif saoudien accusé d’agression sexuelle

Paul Chiasson / La Presse Canadienne Photo: Paul Chiasson/La Presse canadienne

HALIFAX — Des responsables fédéraux se demandent comment un Saoudien aurait pu fuir le Canada alors qu’il faisait face à des accusations d’agression sexuelle en Nouvelle-Écosse. Des experts juridiques soupçonnent l’ambassade du royaume du Moyen-Orient d’avoir joué un rôle clé dans sa fuite.

La ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a déclaré aux journalistes jeudi soir à Sherbrooke qu’il était toujours inquiétant que quelqu’un manque sa comparution, surtout dans les cas criminels graves.

Mme Freeland a ajouté que les autorités canadiennes «examinaient ce cas particulier».

Lee Cohen, un avocat de longue date en droit de l’immigration, croit que le scénario le plus probable est que l’ambassade saoudienne ait fourni à Mohammed Zuraibi Alzoabi des documents de voyage pour quitter le pays. Le passeport de l’homme de 28 ans avait été saisi en attendant le procès qui devait se tenir à Sydney, en Nouvelle-Écosse.

Les déplacements de M. Alzoabi demeurent un mystère. Mais selon des documents de la cour, un shérif avait tenté sans succès de le localiser le 8 décembre et son avocat de l’époque avait dit que le jeune homme «avait fui le pays il y a quelque temps».

Les procureurs ont déclaré que l’an dernier, M. Alzoabi avait reçu une caution de 37 500 $ US de la part de l’ambassade saoudienne concernant des allégations d’agression sexuelle, de voies de fait et de séquestration d’une femme — des événements qui seraient survenus entre le 1er août 2015 et le 26 mars 2017.

Il fait aussi face à des accusations de conduite dangereuse et de voies de fait à l’aide d’une voiture pour des incidents qui se seraient produits en décembre 2015 et qui impliqueraient un homme du Cap-Breton.

Chris Hansen, un porte-parole du bureau du procureur de la Couronne, a également indiqué que M. Alzoabi faisait face à 36 amendes différentes pour diverses infractions pour des véhicules à moteur.

La caution payée par l’ambassade a été annulée lorsque M. Alzoabi n’a pas comparu devant le tribunal la semaine dernière.

Mohammed Zuraibi Alzoabi s’est établi en Nouvelle-Écosse pour ses études à l’Université du Cap-Breton. Il avait reçu son diplôme l’an dernier.

Une «violation» au droit international

Robert Currie, un professeur de l’école de droit Schulich de l’Université Dalhousie, voit des similitudes entre cette histoire et un incident survenu il y a un peu plus de dix ans, lorsqu’un étudiant saoudien avait réussi à retourner dans son pays alors qu’il faisait aussi face à des accusations d’agressions sexuelles à Halifax. Son passeport avait également été saisi.

Selon lui, si l’Arabie saoudite aide les étudiants qui font l’objet d’un procès au Canada à échapper à la justice, il s’agit d’une «violation flagrante du droit international», et Ottawa devrait exiger des explications et officiellement protester.

L’ambassade saoudienne a refusé de commenter l’histoire depuis qu’elle a été rendue publique, la semaine dernière.

La police régionale du Cap-Breton a annoncé vendredi qu’elle ne disposait d’aucune information supplémentaire sur l’emplacement de M. Alzoabi.

«Nous travaillons avec des partenaires de la police fédérale sur le processus de son ajout à la liste d’Interpol», a déclaré la porte-parole Désirée Vassallo.

Interpol est une organisation policière qui regroupe 192 pays et qui se consacre à la recherche de personnes disparues ou recherchées.

Selon M. Currie, l’un des aspects fondamentaux du droit international est que les pays ne tentent pas de faire fuir leurs citoyens de pays où ils auraient enfreint des lois criminelles.

«Interférer avec le système judiciaire est une violation assez profonde de la souveraineté d’un État», a-t-il plaidé.

Il a expliqué qu’il était très difficile d’obtenir de faux documents de voyage et M. Currie est d’accord avec l’hypothèse de M. Cohen selon laquelle l’Arabie saoudite pourrait avoir aidé son citoyen. Les compagnies aériennes risquent de lourdes amendes si elles autorisent les passagers à embarquer sur des vols internationaux sans passeport, ni documents de voyage délivrés par les ambassades.

Un autre cas similaire

En janvier 2007, un ressortissant saoudien accusé d’avoir agressé sexuellement deux jeunes s’est enfui du Canada et est rentré dans son pays d’origine, soulevant des questions sur la façon dont il est parti sans son passeport.

La Presse canadienne avait déclaré à l’époque que Taher Ali Al-Saba, âgé de 19 ans, devait comparaître devant la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse ce mois-là. Il ne s’était toutefois pas présenté après avoir été porté disparu en août.

La police avait contacté l’ambassade saoudienne à Ottawa et a été informée que M. Al-Saba serait retourné dans son pays, probablement en août.

Il faisait face à deux chefs d’agression sexuelle et un chef de contacts sexuels impliquant une personne de moins de 14 ans. Les plaignants, un garçon et une fille, appartenaient à la même famille.

M. Al-Saba, qui était à Halifax pour apprendre l’anglais, avait été arrêté en juin 2006, au moment où les agressions présumées avaient eu lieu.

Il a été libéré avec une caution de 10 000 $, mais il lui avait été interdit de quitter la Nouvelle-Écosse et, comme M. Alzoabi, il a dû remettre son passeport à la police.

Comme avec le cas de M. Alzoabi, les représentants de l’ambassade saoudienne à Ottawa avaient refusé de commenter.

Ce dernier incident se produit alors que les tensions sont vives entre le Canada et l’Arabie saoudite.

La semaine dernière, le Canada a accueilli une jeune saoudienne comme réfugiée, qui disait subir les sévices de sa famille. Rahaf Mohammed Al-Qunun a déclaré la semaine dernière que l’ambassade saoudienne en Thaïlande avait tenté de la forcer à retourner dans son pays.

En août, le prince héritier saoudien Mohammed bin Salmane a expulsé l’ambassadeur du Canada et a rapatrié son propre représentant après que la ministre canadienne des Affaires étrangères eut appelé à la libération de militantes pour les droits des femmes.

Les Saoudiens ont également vendu des investissements canadiens et rappelé leurs étudiants d’universités canadiennes.

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