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Phoque: l'interdiction européenne est validée

Photo: La Presse Canadienne

Une cour européenne a validé jeudi l’interdiction des produits du phoque adoptée par l’Union européenne il y a trois ans, infligeant ainsi un autre coup dur à cette industrie canadienne en difficulté.

Le Tribunal de l’Union européenne a rejeté jeudi le recours d’un regroupement comprenant l’Institut de la fourrure du Canada et une association d’Inuits.

Le Tribunal, qui siège au Luxembourg, a expliqué dans un communiqué que l’interdiction actuellement en vigueur est valide puisqu’elle harmonise de façon juste le marché européen, tout en protégeant les intérêts sociaux et économiques des communautés inuites.

Même si les Inuits bénéficient d’une exemption qui leur permet de vendre leurs produits du phoque en Europe, l’association Inuit Tapiriit Kanatami (ITK) voulait que l’interdiction soit abolie parce qu’elle cause, selon elle, la disparition du marché des produits du phoque.

Terry Audla, le président d’ITK, a fustigé la décision, disant que la réglementation actuellement en place ne protégeait aucunement la communauté inuite.

«L’Union européenne n’a pas le pouvoir de se prononcer sur ce qui est mieux pour les Inuits. Depuis le début, nous leur disons que cette interdiction ne nous convient pas», a affirmé M. Audla.

«Mais leur attitude colonialiste et moralisatrice à notre endroit, et leurs intérêts égocentriques n’ont pas engendré un processus juste et équitable pour les Inuits», a-t-il décrié.

Le gouvernement du Nunavut a dénoncé le fait que le prix des peaux de phoque a chuté depuis la mise en place de l’interdiction européenne, malgré l’exemption accordée aux Inuits.

C’est la deuxième fois que le regroupement perd un recours devant le Tribunal européen. L’industrie fait appel du premier jugement, et dispose de 60 jours pour faire appel du second.

Le ministre fédéral des Pêches, Keith Ashfield, a refusé une demande d’entrevue jeudi, mais son cabinet a publié un communiqué soulignant qu’Ottawa défendra cette chasse, qu’il a qualifiée de «traditionnelle, durable et sans cruauté».

«Le gouvernement et le Parti conservateur sont les seuls qui défendent les chasseurs, puisque nous comprenons le mode de vie dans les communautés côtières isolées, où la chasse au phoque est nécessaire à la survie», écrit le cabinet du ministre.

Industrie en déclin

L’interdiction européenne a nui à la chasse commerciale du phoque au Canada, une pratique vieille de trois siècles. Seulement 38 000 phoques ont été tués en 2011, soit moins de 10 pour cent des quotas permis.

Mais cette interdiction n’a pas mis fin à la chasse: plus de 70 000 phoques ont été tués en 2012, et 76 000 animaux ont été abattus cette année, grâce à un prêt de 5,0 millions $ accordé à l’industrie par le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador.

Selon Pêches et Océans Canada, quelque 6000 personnes travaillent dans l’industrie de la chasse aux phoques à temps partiel, mais l’impact économique de l’activité est difficile à évaluer.

Le Fonds international pour la protection des animaux, qui lutte contre la chasse aux phoques depuis les années 1970, soutient que les prêts gouvernementaux soutiennent artificiellement une industrie en déclin.

Rebecca Aldworth, de la Humane Society, a abondé dans le même sens, soulignant que les subventions à l’industrie ne pouvaient continuer indéfiniment. Selon elle, les gouvernements devraient arrêter de soutenir artificiellement l’industrie avec des fonds publics, et verser plutôt une indemnité définitive aux chasseurs pour qu’ils abandonnent cette activité.

La cour européenne a indiqué qu’elle rejette les arguments des plaignants, qui ont plaidé que l’interdiction visait essentiellement à assurer le bien-être des animaux, ce qui ne relève pas de l’Union européenne.

Le jugement de jeudi soutient plutôt que l’interdiction en place vise à améliorer les conditions du marché européen, en mettant en place des règles harmonisées pour les produits du phoque.

Gil Thériault, coordonnateur du Réseau des gestionnaires de la ressource, a soutenu que l’interdiction mettait en place un dangereux précédent, puisqu’elle est selon lui tout à fait basée sur la protection des animaux, et non sur le commerce.

«C’est mauvais pour l’industrie du phoque, mais c’est encore plus mauvais pour les autres industries. S’ils interdisent des produits à cause de questions morales, qu’est-ce qui viendra ensuite? Le homard parce qu’on les fait bouillir? Le boeuf? Le porc?», a-t-il lancé depuis Ottawa.

M. Thériault, qui vit aux Îles-de-la-Madeleine, soutient qu’il existe une demande pour la fourrure, la viande et l’huile de phoque dans plusieurs pays à l’extérieur de l’Union européenne, mais qu’il était devenu difficile d’expédier les produits du phoque ailleurs, à cause de cette interdiction.

Il n’a pas voulu indiquer quels marchés, mais il a dénoncé le fait «qu’à chaque fois que nous ciblons un marché, des groupes de défense des animaux vont dans ces pays pour manifester».

Il a souligné que la bataille sur le terrain de l’Union européenne se poursuivrait le mois prochain à Genève, lorsque des avocats fédéraux plaideront devant un comité d’experts de l’Organisation mondiale du commerce.

Ce comité n’a toutefois pas le pouvoir de renverser la décision du Tribunal de l’Union européenne — il ne fait que donner son avis, a noté M. Thériault.

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