Soutenez

Le bras droit de Stephen Harper démissionne

Photo: Adrian Wyld/La Presse Canadienne
Magdaline Boutros - La Presse Canadienne

OTTAWA – La controverse entourant le sénateur conservateur Mike Duffy aura finalement eu raison du chef de cabinet du premier ministre Stephen Harper.

Nigel Wright a annoncé, dimanche matin, qu’il démissionnait de son poste.

Il avait admis plus tôt cette semaine avoir remis 90 000 $ de sa poche au sénateur Duffy pour lui permettre de rembourser des allocations qu’il avait perçues, injustement, pour sa résidence secondaire.

Par voie de communiqué, M. Wright, qui a fait fortune dans le monde des affaires, a souligné que ses seules intentions étaient «de faire en sorte que les fonds soient remboursés» et qu’il avait estimé agir «dans l’intérêt public».

Le bras droit de M. Harper a ajouté ne pas avoir mis ce dernier au courant de la transaction. «Je n’avais pas informé le premier ministre de la manière dont les dépenses du sénateur Duffy ont été remboursées, que ce soit avant ou après les faits.»

Dans une déclaration écrite, Stephen Harper a dit avoir reçu la démission de M. Wright avec «beaucoup de regret». «J’accepte que Nigel ait cru qu’il agissait dans l’intérêt public, mais je comprends la décision qu’il a prise de démissionner», a-t-il déclaré.

Ce départ survient après une semaine difficile pour le caucus conservateur. Jeudi, le sénateur Duffy quittait le navire pour siéger comme indépendant. Vendredi, c’était au tour de sa collègue Pamela Wallin de sortir des rangs conservateurs pour une histoire semblable de demandes de remboursement douteuses.

Plutôt que d’apaiser l’Opposition officielle, cette vague de démissions a donné des munitions au Nouveau Parti démocratique, qui continue de réclamer la tenue d’une enquête indépendante.

«Qu’est-ce qui s’est réellement passé? On ne le sait pas. À un moment donné, M. Duffy a dit que c’était sa banque qui lui avait avancé l’argent. Puis, M. Wright a dit qu’il avait fait un chèque personnel à M. Duffy pour payer les remboursements d’allocations pour sa résidence qui n’étaient peut-être pas justifiées. Il y a M. Brazeau et Mme Pamela Wallin aussi qui se sont désistés du caucus conservateur pour des histoires semblables», a noté le député néo-démocrate Alexandre Boulerice.

Selon le député de Rosemont—La Petite Patrie, le départ de Nigel Wright était un peu inévitable, compte tenu que le scandale s’approchait de plus en plus du premier ministre Harper, a-t-il souligné. Or, selon M. Boulerice, on tente de sauver le jugement de M. Harper en sacrifiant M. Wright.

«On n’est pas naïfs au point de croire que le chef de cabinet de M. Harper, qui sait très bien tout ce qui se passe dans son parti et dans son gouvernement, aurait pu faire un chèque personnel de 90 000 $ à un sénateur conservateur qui est empêtré dans des scandales sans qu’il ne soit au courant», a-t-il tranché.

Même son de cloche du côté libéral.

«Nous ne croyons pas du tout que M. Harper, qui veut tout contrôler dans son gouvernement, qui veut tout savoir, qui veut prendre tout le crédit, tout le temps, toujours, n’était pas au courant d’une transaction aussi douteuse et scandaleuse», a souligné le député Dominic LeBlanc.

Il demande au premier ministre de faire face à la musique et de répondre aux questions de l’opposition.

«Nous ne croyons pas que c’était un cadeau sans contrepartie, sans obligations de la part du sénateur Duffy», a-t-il renchéri.

Le chef du Bloc québécois, Daniel Paillé, tient le même discours.

«Le 90 000 $, c’est pas deux gommes ballounes. C’est de l’argent, 90 000 $! Que M. Wright ait subitement eu un élan de générosité envers un sénateur, c’est totalement inexcusable», a-t-il insisté.

M. Paillé s’inquiète également des raccourcis que prennent les sénateurs pour gérer leurs écarts de conduite. «Ces gens-là ont l’habitude de dire « si c’est ni vu ni connu, on continue, mais quand c’est su, on fait juste rembourser »», a-t-il fulminé.

Ray Novak, qui était jusque-là le secrétaire principal du premier ministre, prendra la relève de Nigel Wright.

Âgé de 36 ans, M. Novak évolue dans l’entourage de Stephen Harper depuis 2001, époque où ce dernier a rejoint l’Alliance canadienne.

Contrôler le caucus

À la suite d’une semaine où se sont multipliées les démissions, le premier ministre se concentrera désormais sur la tâche de calmer son caucus et de ramener le navire conservateur sur le droit chemin.

Les électeurs des différents députés du parti ont d’ailleurs fait connaître leur mécontentement à propos de ce qui est devenu l’une des affaires les plus délicates pour l’administration Harper.

La situation a le potentiel d’affaiblir davantage l’emprise de M. Harper sur ses troupes, alors que des députés ont déjà exprimé leur grogne et réclamé plus d’autonomie par rapport à son bureau aux Communes. Les conservateurs ont également perdu des points dans les sondages, récemment.

Le premier ministre s’adressera à son caucus mardi matin.

Avec la révélation du cadeau de M. Wright au sénateur Duffy et d’autres détails troublants à propos des dépenses de ce dernier, la controverse a pris de l’ampleur et la spirale médiatique et politique a heurté de plein fouet les députés alors qu’ils se trouvaient dans leurs circonscriptions dans le cadre d’un congé parlementaire d’une semaine.

«S’en prendre à tous les politiciens est décevant», a dit le député conservateur Gord Brown.

«Plusieurs travaillent très fort pour leurs électeurs et pour leur pays, et n’envisageraient pas de tricher au sujet de leurs dépenses.»

Les députés devraient en avoir long à dire à propos des événements de la semaine dernière lorsqu’ils se réuniront. Le parti a joué la carte de l’éthique et de l’imputabilité, mais aussi celle de la loi et l’ordre.

«Mon bureau a reçu des appels et des courriels de la part d’électeurs, et j’ai également entendu directement les témoignages de plusieurs électeurs alors que j’étais à la maison pendant les vacances parlementaires», a dit John Williamson, député conservateur au Nouveau-Brunswick.

«Le mauvais usage des fonds publics par Mike Duffy est indéfendable, et une enquête policière est nécessaire.»

Son collègue albertain Brent Rathgeber, qui milite en faveur de l’indépendance des députés, affirme que le cadeau de M. Wright a exacerbé l’absence de séparation entre le pouvoir exécutif et législatif.

«Lorsqu’il y a une séparation inadéquate entre ces deux institutions, il me semble que les deux sont compromises», a-t-il déclaré sur les ondes de la chaîne télévisée Global.

«En tant que législateur, je ne veux pas être lié ou devoir quoi que ce soit à des gens de l’exécutif, à quelque niveau que ce soit.»

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.