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Sommes-nous prêts à prendre soin de nos aînés?

Métro, en collaboration avec l’Institut du Nouveau Monde, poursuit sa
nouvelle rubrique hebdomadaire. Chaque lundi, «Le Québec en questions»
vous invite à participer à une discussion autour d’un thème précis.
Dans le journal, trois personnalités et des jeunes ont entamé le débat.
Sur le web, il se poursuit avec leurs réponses complètes et vos
réactions.

Sommes-nous prêts à prendre soin de nos aînés?

Le Québec est l’une des sociétés et la province canadienne où le
vieillissement de la population est le plus marqué. Selon les
projections faites par l’Institut de la statistique du Québec, la
proportion de gens âgés de 65 ans et plus passera de 13 % en 2001 à
21,3 % en 2021, et à environ 30 % aux alentours de 2050.

Les centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) débordent
déjà, les personnes âgées vivent de plus en plus longtemps, les aidants
naturels se font de plus en plus rares, et le gouvernement est étranglé
par les coûts du système de santé et la pénurie de main-d’Å“uvre
qualifiée.

En 10 ans, les dépenses en santé sont passées de 15 G$ à 27 G$par
année. Et les certains économistes considèrent que ce n’est qu’un
début, que les dé­penses doubleront d’ici 20 ans.

Manque de vision?
De plus, la vision à moyen terme semble faire défaut. Les trois quarts
des travailleurs québécois n’ont pas de plan pour leur retraite. Qui
paiera pour tout ça? Les charges sociales seront plus importantes, mais
réparties sur moins d’épaules.

Desjardins estime en effet que la population en âge de travailler diminuera de 14 % d’ici 2014.

Pour couronner le tout, on apprenait dernièrement que le gouvernement
du Québec souffrirait d’un déséquilibre budgétaire important en raison
du vieillissement de la population. Ce déséquilibre serait ce qui
inciterait le gouvernement à aller de l’avant avec les hausses de
tarifs pour assurer le  financement des services publics.

Dans un tel contexte, serons-nous prêts à prendre soins de toutes ces personnes vieillissantes? Où prendra-t-on l’argent?

Trois personnalités se prononcent


Pierre Fortin
Professeur d’économie à l’Université du Québec à Montréal

«Non. Être prêt à en prendre soin signifie qu’on devra être prêt à payer deux fois plus pour la santé que maintenant. Les aînés de demain ne seront pas plus malade que les aînés d’aujourd’hui, ils seront seulement deux fois plus nombreux. Alors si on trouve que les dépenses en santé ont explosé ces dernières années, on n’a rien vu. On a mis de l’argent de côté pour le régime des rentes du Québec et on a presque suffisamment d’argent de côté pour prévoir les retraites de ces aînés. Mais on n’a rien fait pour l’autre responsabilité que nous avons, c’est-à-dire les soigner quand ils seront malades.

On devrait donc commencer tout de suite à mettre 4-5 milliards de dollars par année dans le Fonds des générations. Si on commence tout de suite, le gouvernement pourra aller chercher de l’argent des poches des baby-boomers qui en seront les bénéficiaires dans quelques années au lieu de ne faire payer que la génération plus jeune.

Le système de santé, c’est la moitié du problème. L’autre moitié, ce sont les services sociaux : l’hébergement, les soins à domicile, les centres d’accueil. Les baby-boomers viennent de familles d’environ 4-5 enfants. Ils sont donc plusieurs à prendre soin de leurs parents quand ils deviennent moins autonomes. Mais les baby-boomers n’ont eu qu’un ou deux enfants. Ça sonnera la disparition des aidants naturels. Qui devra remplacer ces aidants naturels? Le gouvernement. Mais le gouvernement n’aura pas d’argent pour s’occuper de tout et de tout le monde. C’est très inquiétant.

Nos enfants auront le choix d’accepter qu’on leur donne moins de services publics pour donner des soins de santé ou des services sociaux à leurs parents vieillissants ou accepter d’avoir des hausses insensées de leur fardeau d’impôts ou encore que la santé soit privatisée, en partie. Ou sinon, un dernier choix qui s’offrira à eux sera d’aller travailler ailleurs, dans une autre province ou un autre pays.»


Marie Rhéaume
Présidente du Conseil de la famille et de l’enfance

«D’abord, les aînés n’ont pas nécessairement besoin qu’on prenne soin d’eux : ils ne sont pas tous en perte d’autonomie! Vieillir n’est pas que synonyme de problèmes, d’autant plus que la réalité des aînés d’aujourd’hui est différente de ceux d’hier. Par exemple, les Québécois vivent plus longtemps en meilleure santé et la plupart d’entre eux pourront demeurer actifs au-delà de la retraite et contribuer ainsi à la richesse collective.

Cela dit, on ne peut nier le phénomène du vieillissement accéléré de la population, qui commande une adaptation de tous. Le gouvernement ne peut régler seul cette question pas plus que la famille, lieu privilégié de solidarité intergénérationnelle. L’ensemble de la société doit se mobiliser.

C’est d’ailleurs pourquoi le Conseil recommandait, dans son avis «Vieillissement et santé fragile: un choc pour la famille?», d’améliorer les services aux personnes en perte d’autonomie, non seulement pour mieux répondre à leurs besoins, mais également dans l’optique de soulager les familles aidantes. Autrement dit, le vieillissement doit se préparer tant au niveau individuel, familial que collectif. Et pour répondre à votre question, je dirais que le Québec amorce présentement cet exigeant processus d’adaptation.»


Russel Copeman
Président du comité national d’éthique sur le vieillissement et les changements démographiques

«La question suggère que les aînés coûtent cher ou demandent davantage de dépenses publiques. Ce qui n’est pas forcément le cas. La majorité des aînés mènent une vie indépendante et contribuent à la société québécoise. De simplement voir les aînés comme des consommateurs de services publics est selon moi une erreur. Toutes les études démontrent qu’en terme de soins et de services sociaux, les coûts importants sont pour les trois derniers mois de vie. L’explosion des coûts qu’on remarque actuellement est due à une multitude de facteurs et ce n’est pas seulement la faute des aînés!

D’un autre côté, la notion de la contribution des aînés à la société est fort intéressante. Ce n’est pas parce qu’on a pris notre retraite qu’on ne peut plus apporter quelque chose à la société québécoise. On a la responsabilité de trouver des façons pour que les aînés puissent contribuer à la société. Que ce soit par le mentorat, le bénévolat, la transmission d’expérience, de valeurs et de connaissances aux générations futures.

Une chose est certaine, on a besoin de forums où toutes les générations peuvent discuter des questions liées au vieillissement de la population pour partager ses préoccupations et mieux connaître les réalités de tous et chacun. On a tendance à discuter de ces questions en silo, en isolement. Mais il manque des échanges où l’on peut parler de ces enjeux collectivement. On ne peut pas en parler simplement en fonction de notre groupe d’âge ou de notre situation personnelle. Ça amène une fragmentation de notre société qui est non désirable. On est tous dans le même bateau et il faut ramer dans la même direction sinon on va tourner en rond.»

L’avis des jeunes

  • Michel Jacques
    24 ans, étudiant en génie physique à la Polytechnique

«Je pense que pour nos ainés en santé, il n’y aura aucun problème. Par contre, pour ceux qui ont plus de difficulté, je ne crois pas que nous sommes prêts à passer outre et voir en eux la même sagesse que chez leurs pairs en santé. Je crois qu’il faut arrêter de parquer les «vieux» dans les centres et les garder plus proches de la famille. C’est selon moi inévitable étant donné qu’on meurt de plus en plus âgés. Et puis être en famille ça aide à rester en santé.»

  • Sophia Kaméni
    23 ans, étudiante

«Avec une population de plus en plus vieillissante, le choix s’impose facilement. Des retraites tardives et une santé améliorée devrait certainement pousser la société à réévaluer la place qu’occupe les aînés. À l’heure où les différentes crises nous font rêver d’une société plus juste et plus durable, la solidarité prend tout son sens. Nos aînés sont aussi nos parents et je crois que nous devons les honorer. De plus, le savoir des aînés et le vouloir des jeunes offrent une synergie parfaite à la réussite et l’avancement d’un peuple.»

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