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Rob Ford: craintes des francophones

Étienne Fortin-Gauthier - La Presse Canadienne

MONTRÉAL – Rob Ford a officiellement lancé sa campagne électorale, jeudi soir, en vue du scrutin municipal de l’automne, mais bon nombre d’acteurs francophones de la Ville-Reine craignent la réélection de celui qui, selon eux, a fait reculer la francophonie torontoise.

Le 25 septembre 2010, en pleine campagne électorale à la mairie, les francophones de l’Ontario ont vécu un moment historique. Le Jour des Franco-Ontariens a été officialisé par l’Assemblée législative et pour marquer le coup, le drapeau blanc et vert des francophones allait être hissé devant l’hôtel de ville de Toronto.

L’événement revêtait une symbolique particulière pour les acteurs francophones de la Ville-Reine, qui avaient invité Rob Ford à y assister.

La présidente de l’époque du Comité français de Toronto, Clarisse Ngana, se souvient toutefois d’avoir reçu une fin de non-recevoir du futur maire.

Cela allait mettre la table à quatre années difficiles dans les relations entre les organismes francophones de Toronto et l’administration Ford. Un mandat marqué par un recul évident pour les francophones, affirment d’une seule voix des acteurs impliqués dans la communauté.

Le Comité français de Toronto, qui conseillait la ville sur les services qu’elle offre aux francophones, a vu son budget réduit à néant quelques mois après l’élection de Rob Ford. Il était au nombre des organisations municipales qualifiées de «superflues» dans un rapport sur les finances publiques commandé par le maire à une firme privée.

«Rob Ford, ami des francophones? S’il avait eu un peu de respect pour la francophonie canadienne, il n’aurait pas mis ce comité sur la glace. Il n’a jamais cru aux francophones de Toronto. Le bilinguisme, c’est comme les deux bras du corps qui travaillent ensemble. Lui, il a coupé un bras», illustre Mme Ngana, qui dirigeait le Comité avec un budget annuel de 13 000$.

Gilles Marchildon, président de l’Association des communautés francophones de l’Ontario à Toronto, estime que l’absence de Comité français a été remarquée.

«On a passé presque quatre années sans avoir d’accès à l’appareil municipal. Ça a été un gros vide. On sentait que les portes n’étaient pas ouvertes. Un maire, ça donne le ton et lui, ce qu’il a fait comprendre dès le début de son mandat, c’est qu’il ne voulait pas accorder de place à la voix des citoyens, notamment des francophones», a-t-il soutenu en entrevue avec La Presse Canadienne.

Le prédécesseur de Rob Ford était pourtant sensible aux préoccupations de la communauté francophone, soutient Mme Ngana. David Miller, en poste entre 2003 et 2010, assistait même parfois aux rencontres du Comité.

Absence d’intérêt

Richard Kempler, qui travaille à la création d’une Maison de la francophonie à Toronto, observe que le fait français n’intéresse pas le maire sortant.

«Pour Rob Ford, le français est la 16e langue parlée à Toronto. Il oublie le côté fondateur. Il oublie que Fort Rouillé a été fondé par les Français. Pour lui, ça n’a pas plus d’intérêt que ça», s’attriste Richard Kempler, en faisant référence au comptoir français érigé en 1720, là où se trouve aujourd’hui la Ville-Reine.

Selon les dernières statistiques, il y aurait environ 60 000 francophones à Toronto. C’est sans compter le demi-million de francophiles en mesure de converser dans la langue de Molière.

Le Comité français, la création d’une maison ou même d’un quartier dédiés à la communauté francophone n’ont obtenu aucune attention de Rob Ford au cours des quatre dernières années.

«La francophonie à Toronto sous les années Ford? Il a mis le français à égalité avec le mandarin, l’hindi et les autres langues, comme si ce n’était pas une langue officielle du pays», tranche l’ancienne présidente du Comité français.

Le retour du Comité français

En novembre dernier, Rob Ford a été dépouillé de plusieurs de ses pouvoirs, en marge des multiples scandales qui l’éclaboussaient. Le conseil municipal a alors pu voter en faveur du rétablissement du Comité français.

Les candidats à la mairie sont maintenant invités à afficher leur attachement à la langue française à Toronto. Un questionnaire leur a été envoyé, afin de les inviter à se prononcer sur le projet de la Maison de la francophonie.

Richard Kempler attend avec impatience les réponses des candidats. Il estime que pour les francophones, la réélection de Rob Ford serait une très mauvaise nouvelle. Pour sa part, Clarisse Ngana croit que les franco-torontois qui s’intéressent au dossier de la langue ne voteront pas pour Rob Ford.

«Il n’est pas nécessaire de parler français pour être sympathique à la cause des francophones. L’idée d’être allié se manifeste en appuyant les initiatives de notre communauté. Rob Ford, je n’ai pas vu de gestes concrets prouvant qu’il est un allié. Au contraire», a pour sa part observé M. Marchildon.

Selon lui, un «allié» des francophones à la tête de Toronto serait le bienvenu, particulièrement à la veille des célébrations entourant le 400e anniversaire de la présence des francophones en Ontario, l’an prochain.

Rob Ford a organisé un grand rassemblement jeudi soir en vue du scrutin municipal du 27 octobre. L’événement s’est déroulé à Etobicoke, une banlieue fusionnée à la Ville-Reine, reconnue comme plus réceptive aux idées conservatrices de Rob Ford.

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