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Réforme électorale: la stratégie du «bon sens»

OTTAWA – Qu’est-ce qu’un gouvernement peut faire lorsque son projet de loi est décrié tous azimuts par des universitaires, leaders autochtones, éditorialistes, politiciens de l’opposition et organismes de surveillance du Parlement?

S’il s’agit des conservateurs de Stephen Harper et de leur projet de réforme de la loi électorale, la solution est simple: saisir l’occasion pour en faire une pomme de discorde entre les Canadiens moyens et les élites à Ottawa.

Le ministre d’État à la Réforme démocratique, Pierre Poilievre, en a fait la démonstration, jeudi, lors d’un dîner-causerie à Ottawa, empruntant l’expression favorite de l’ancien premier ministre conservateur de l’Ontario Mike Harris — «le bon sens» — pour illustrer l’écart entre les gens ordinaires et une classe politique déconnectée.

«Loin du bruit entourant la politique à Ottawa, tout le monde comprend qu’il s’agit du bon sens», a déclaré M. Poilievre.

«Nous concluons deux semaines à l’écart du Parlement. Loin au sein de nos municipalités, il a été rafraîchissant de se faire rappeler sur le terrain du gouffre imposant entre les gens dans leur bulle politique et les Canadiens moyens.»

Pour M. Poilievre, un moyen de faire de cette question un paradigme «nous contre eux» a été de laisser entendre qu’il y avait un seul véritable point en litige: le plan du gouvernement d’éliminer la pratique des répondants.

Le projet de réforme de la loi électorale retirerait la pratique qui permet à une personne n’ayant pas les documents d’identification requis de voter si une personne dûment identifiée est à ses côtés pour se porter garante de son identité.

Plusieurs experts — incluant l’actuel directeur général des élections — ont condamné le projet de réforme, craignant la disqualification de segments de la population tels que les itinérants et des membres des Premières Nations qui pourraient ne pas avoir les documents requis, particulièrement une preuve de résidence.

Mais les critiques ne se sont pas limitées à cet aspect du projet de réforme de la loi électorale des conservateurs.

Certains ont déploré les restrictions de communications publiques qui seraient imposées au directeur général des élections. Une brèche majeure permettrait aussi aux partis de solliciter des donateurs ayant déjà contribué autant de fois qu’ils le souhaitent durant une campagne sans avoir à déclarer de dépenses électorales. Et le projet de loi n’accorde aucun nouveau pouvoir au commissaire aux élections fédérales pour contraindre une personne à témoigner ou pour forcer la divulgation d’un élément de preuve.

Selon ce qu’a admis M. Poilievre, des coups de sonde internes auraient donné la motivation supplémentaire au gouvernement pour se battre pour sa proposition.

Les conservateurs ont fait usage de stratégies de marketing politique pour déterminer quels segments de la population sont plus enclins à voter pour eux. Ceux qui sont choqués par le projet de réforme de la loi électorale ne semblent pas figurer, pour l’instant, dans ces segments.

«L’opposition estime que nous devrions permettre à des gens de voter sans montrer le moindre document d’identification, a fait valoir M. Poilievre. Les Canadiens sont en désaccord (avec cette position). En fait, les données d’opinion publique montrent un désaveu accablant.»

Le porte-parole du Nouveau Parti démocratique (NPD) en matière de réforme démocratique, Craig Scott, a reconnu qu’il n’était pas facile de faire comprendre aux Canadiens les craintes que le parti a à l’égard du projet de loi.

Le NPD a tenté de faire pression sur des députés conservateurs à l’échelle de leur circonscription pour qu’ils soutiennent des amendements. Il y a aussi des pétitions en cours contre le projet de loi, et une journée pancanadienne de manifestations est prévue samedi.

Le gouvernement conservateur avait employé une stratégie similaire pour imposer les changements à la version longue du formulaire de recensement en 2010.

Cette fois, le NPD croit que l’administration Harper aura plus fort à faire, estimant qu’elle a perdu la confiance des Canadiens, particulièrement au cours des deux dernières années.

«D’une certaine façon, il ne faut pas longtemps aux Canadiens pour comprendre pourquoi (ce projet de loi) est un problème une fois que vous leur avez offert un peu plus d’explications», a dit M. Scott.

«L’une des raisons est qu’ils ne font pas confiance à ce gouvernement. C’est un avantage que nous avons», a-t-il soutenu.

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