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Lise Thibault pleure pendant son témoignage

Photo: La Presse canadienne

QUÉBEC – Lise Thibault a laissé échapper des sanglots pendant son interrogatoire mardi à propos de ses dépenses apparemment frauduleuses.

L’ancienne lieutenante-gouverneure du Québec a dû revenir sur le 40e anniversaire de sa fille Anne-Marie organisé en février 2004 dans un club prestigieux de Montréal, une fête qui est devenue pour elle un moment pénible, au procès qu’elle subit pour abus de confiance et fraude au palais de justice de Québec.

La Couronne soutient que cette dépense de 4600 $ aurait dû être un événement privé payé personnellement par Lise Thibault, alors que la fête avait plutôt été organisée comme une activité officielle et payée le gouvernement fédéral. L’accusée a prétendu mardi que c’est l’administrateur de son cabinet, André Labrecque _ qu’elle accable de reproches _ qui a pris l’initiative d’envoyer la facture à Ottawa.

C’est l’avocat de Thibault, Marc Labelle, qui est revenue sur la réception controversée au club Mount Stephen et sur d’autres fêtes pour entendre la version de sa cliente. «Chez nous la fête est importante, la famille l’est encore plus», a-t-elle d’abord justifié.

Elle a ensuite rappelé qu’elle est en fauteuil roulant depuis la naissance de sa fille Anne-Marie et a ajouté qu’elle n’était pas là pour le jour même de son anniversaire, en raison d’une autre activité officielle. C’est à ce moment qu’elle s’est effondrée en larmes, devant le juge Carol St-Cyr, qui n’a pas dit un mot.

Elle s’est ensuite contenue et a poursuivi son récit. Elle a demandé à son aide de camp d’organiser un déjeuner au Mount Stephen et d’inviter des gens qui ont une signification dans la vie de sa fille. Si cela avait été dans sa résidence, à Saint-Hyppolite, elle aurait payé, mais elle ne pouvait le faire chez elle, a-t-elle dit.

«Quand tu ne peux pas le faire doucement dans la maison, il faut faire ce qu’il faut.»

L’aide de camp a reçu la facture, selon elle, et elle était prête à payer, mais son administrateur, André Labrecque, lui a dit qu’on pouvait envoyer l’addition à Ottawa pour remboursement.

Le même M. Labrecque l’avait accusée dans son témoignage d’avoir voulu camouflé la fête en la faisant passer pour la commémoration du septième anniversaire de son mandat dans une note sur le bordereau, mais Thibault l’a accusé de parjure mardi.

«C’est absolument faux. Il y avait une seule dactylo (au cabinet) et elle était dans le bureau de Labrecque. Il est sorti du bureau et c’était écrit à la dactylo.»

Me Labelle a ainsi passé en revue toutes les activités payées par le Trésor public à l’époque mais aujourd’hui contestées, anniversaire de sa soeur Guylaine, anniversaire de son beau-fils Jean-Charles Phaneuf, anniversaire de son ex-mari René Thibault, confirmation de son petit-fils Maxime, cabanes à sucre avec le personnel du cabinet et les familles, anniversaire de son garde du corps Guy Hamelin et sa femme Elizabeth Mackay.

Thibault s’en lave les mains. Elle plaide que le garde du corps remettait les factures à l’administrateur qui faisait le tri. «Je ne suis pas une administratrice, je suis une femme au service de l’État (…). Il y a des gens qui avaient le temps de s’en occuper, M. Labrecque, M. Ouimet.»

L’ex-lieutenant-gouverneure estime avoir été manipulée par les administrateurs de son cabinet pour qu’elle n’en sache le moins possible sur ses dépenses. «(André Labrecque) était capable de profiter du meilleur temps possible pour que je le questionne le moins possible. Il n’aimait pas se faire questionner. Il aimait travailler à sa façon.»

«Ce n’est pas moi qui suis allé chercher Labrecque» pour l’employer à son service, a-t-elle dit, en précisant que quelqu’un lui avait vanté cet homme, mais à tort. C’était un «administrateur sans discipline, qui payait quand cela lui tentait».

Elle a affirmé avoir eu des doutes très tôt dans son mandat et selon ce qu’elle a dit, la suite des événements «confirme que les doutes que j’avaient étaient bien réels».

Aussi, elle a dit qu’elle connaissait l’existence de cinq tampons portant sa signature dans son bureau, mais qu’elle n’avait jamais personnellement travaillé avec ces tampons.

Elle a répété à de nombreuses reprises qu’elle n’avait jamais été instruite des modalités budgétaires de l’exercice de sa fonction, qu’elle ne voyait pas les comptes et factures, qu’elle payait avec sa propre carte de crédit mais se faisait ensuite rembourser, et «rarement» lui a-t-on refuser de la rembourser.

Quand le juge St-Cyr, dans une de ses rares interventions, lui a demandé de préciser le modus operandi de l’approbation des dépenses, elle a répondu: «C’est très difficile de dire ça en cour.» Elle ne se rappelait pas du nombre de fois qu’elle avait à signer des certificats de dépenses à payer transmis au gouvernement. «J’ose dire trois ou quatre fois par année», a-t-elle lâché après un long silence.

Par ailleurs, on a aussi appris qu’une somme de 200 000 $ dort toujours dans un fonds portant le nom de Lise Thibault. L’accusée a rappelé que ce fonds avait été mis sur pied avec la Fondation communautaire du Grand Québec.

Le nom de Thibault était utilisé pour récolter de l’argent auprès de généreux donateurs. Le fonds servait à financer des causes qui tenaient à coeur à Thibault.

À l’époque, elle recevait des dizaines de demandes de financement destinées au fonds dans un casier postal qu’elle a fermé il y a un certain temps puisqu’elle n’en recevait plus. Il y aurait à peu près 200 000 $ qui s’y trouveraient encore, d’après son estimation. L’avocat a précisé que les fonds étaient vraisemblablement gelés depuis le début des procédures judiciaires entreprises contre l’ancienne lieutenante-gouverneure du Québec qui a été en poste de 1997 à 2007.

Au total, pas moins de 825 000 $ ont été distribués par le Fonds Lise Thibault à un très grand nombre d’organismes de 2002 à 2012, selon les documents déposés en cour.

Selon les vérificateurs généraux du Québec et du Canada, au cours de ses 10 ans en poste, Lise Thibault a dépensé environ 700 000 $ de façon injustifiée pour des voyages, des fêtes, des repas, des leçons de golf et de ski et des cadeaux.

L’ancienne représentante de la reine a multiplié les recours devant les tribunaux pour éviter d’être traduite en justice. En 2012, Lise Thibault a été déboutée en Cour d’appel du Québec sur la question de l’immunité royale totale.

Par la suite, en mai 2013, la Cour suprême du Canada a refusé d’entendre sa cause.

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