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Une députée québécoise du NPD claque la porte

MONTRÉAL – Insatisfaite de la position néo-démocrate sur le conflit israélo-palestinien et irritée par l’attitude revancharde qu’aurait eue à son égard son chef Thomas Mulcair, une députée néo-démocrate a décidé de claquer la porte.

«Je trouve que le NPD n’a pas suffisamment mis ses culottes sur ce dossier-là et qu’on reste trop vaseux. Le parti est trop enclin à flatter dans le sens du poil le gouvernement israélien», a laissé tomber Sana Hassainia en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne, mercredi.

La députée, qui se dit «pro-Gaza jusqu’aux ‘tripes’», avait annoncé quelques heures plus tôt au leader du Nouveau Parti démocratique (NPD) qu’elle faisait défection pour siéger comme indépendante jusqu’à la fin de son mandat, en octobre 2015.

Mais il n’y a pas que la politique du parti à l’égard de l’État hébreu qui explique la démission de la députée d’origine tunisienne, qui avait défrayé la chronique en 2012 alors qu’elle s’était battue pour avoir le droit d’allaiter son nourrisson à la Chambre des communes.

Elle avance que Thomas Mulcair — à qui elle a annoncé sa décision au téléphone, mercredi matin — lui fait la vie dure puisqu’elle avait accordé son appui à Brian Topp lors de la course à la direction du parti, en 2012.

Mme Hassainia avait changé de camp en plein milieu de la course, après avoir «mis la main sur des documents qui montraient hors de tout doute» que la position de M. Mulcair était pro-Israël, soit à l’opposé de la sienne.

«Qu’on le veuille ou pas, j’ai eu le courage d’affronter l’ire de celui qui allait devenir mon chef de parti. J’ai même payé ce qui a été vu comme un manque de loyauté en étant démise de mes fonctions au sein du comité de la Condition féminine et en me voyant reléguée dans les sièges du fond à la Chambre des communes», a-t-elle écrit sur son blogue.

Mme Hassainia est allée jusqu’à suggérer que — tant dans le dossier israélo-palestinien que pour d’autres enjeux — plusieurs de ses collègues québécois moins expérimentés n’osent pas confronter le chef néo-démocrate. Alors que certains manquent de cran, d’autres songent davantage à leur avenir politique, a-t-elle laissé entendre.

«C’est assez difficile de faire valoir son avis en face de M. Mulcair, parce que c’est un personnage. Il est fort, il a du caractère, et le caucus québécois est pas mal jeune», a-t-elle laissé tomber.

D’après elle, ceux qui ont «un tant soit peu d’ambition et un tant soit peu de jugeote» vont choisir de respecter la ligne de parti «parce qu’il y a des chances qu’il (le NPD) se retrouve au gouvernement en 2015» et qu’ils voudraient «être élu(s) sous une bannière gagnante».

Mais elle assure que cela n’est pas son cas. «Moi, je n’y vais pas avec la stratégie. Je préfère me tenir debout avec mes convictions», a-t-elle laissé tomber.

L’élue avait d’abord pensé rompre les rangs de façon moins fracassante, en indiquant tout simplement qu’elle ne briguerait pas un nouveau mandat lors des prochaines élections fédérales, mais elle n’a pu s’y résigner.

«Je devais annoncer dans les prochains jours que je ne me représenterais pas en 2015, parce que je pensais que c’était la bonne façon de tirer ma révérence, mais en fait, c’était juste d’occulter ce problème-là. Il fallait que je me dissocie complètement de cette politique-là», a-t-elle confié en entrevue téléphonique avec La Presse Canadienne.

La formation politique a confirmé cette version des faits, avec à l’appui un échange de courriels entre la députée et un attaché politique néo-démocrate. Les deux planchaient ensemble sur un communiqué de presse devant annoncer que Mme Hassainia quitterait le navire au terme de son mandat. On y invoquait alors des motifs d’ordre familial — la députée a deux jeunes enfants en bas âge.

«La députée Sana Hassainia (Verchères-Les Patriotes) ne sollicitera pas un second mandat lors de la prochaine élection fédérale, prévue à l’automne 2015. (…) La députée néo-démocrate souhaite consacrer plus de temps à ses deux jeunes enfants dans les prochaines années», peut-on lire dans l’ébauche de communiqué transmise à La Presse Canadienne.

Selon une source au sein du parti, la députée québécoise n’était pas des plus fiables et brillait souvent par son absence aux Communes.

Jusqu’à présent, cette année, elle affiche d’ailleurs le plus haut taux d’absentéisme au moment des votes. Elle a été présente pour seulement 8,7 pour cent des votes, alors que la moyenne des députés est de 86,6 pour cent.

La whip de la formation politique, Nycole Turmel, avait toutes les peines du monde à la convaincre de se présenter au moment des votes et à remplir ses obligations de députée, et elle a tout fait pour l’aider à concilier le travail et la famille, mais rien n’y faisait, toujours d’après la même source.

De son côté, Thomas Mulcair estime que les propos formulés par son ancienne députée dans le dossier israélo-palestinien portent à croire que celle-ci est opposée au droit d’Israël «d’exister d’une manière viable», ce qui est contraire aux valeurs de son parti.

«C’est une position qui est propre à cette personne-là (Mme Hassainia). Ni M. (Jack) Layton, ni moi n’avons jamais eu cette position-là», a-t-il dit lors d’un passage dans le sud de l’Ontario.

Sana Hassainia devient la quatrième députée à quitter le NPD, après Lise Saint-Denis, qui a migré vers le Parti libéral du Canada, Claude Patry, qui s’est tourné du côté du Bloc québécois, et Bruce Hyer, qui a embrassé les valeurs du Parti vert du Canada.

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