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Femmes autochtones: front commun des provinces

Le gouvernement fédéral rejette les appels répétés en faveur d’une enquête publique sur les enlèvements et les meurtres de femmes autochtones à l’approche d’une rencontre prévue à Charlottetown, mercredi, entre les premiers ministres provinciaux et les chefs des Premières Nations, mais l’un d’entre eux estime que Stephen Harper fait maintenant cavalier seul dans ce dossier.

Les leaders provinciaux et autochtones ont appuyé l’idée d’une enquête publique lors de leur rencontre de l’an dernier, et de plus en plus de voix s’élèvent en ce sens, affirme Ghislain Picard, chef national de l’Assemblée des Premières Nations. Selon lui, le gouvernement fédéral se retrouve maintenant isolé dans sa position.

Selon les leaders des Premières Nations, la nécessité d’une enquête a été soulignée par la mort, plus tôt ce mois-ci, d’une adolescente autochtone de 15 ans, dont le corps, enveloppé dans un sac, a été retrouvé dans la rivière Rouge à Winnipeg. Tina Fontaine se trouvait dans cette ville depuis moins d’un mois lorsqu’elle a quitté son foyer d’accueil. La police considère qu’il s’agit d’un homicide.

Quant au premier ministre Stephen Harper, il a déclaré la semaine dernière que des cas comme celui de Tina Fontaine ne devaient pas être considérés comme un «phénomène sociologique», mais plutôt comme des crimes graves devant faire l’objet d’une enquête de la police. Le gouvernement fédéral assure par ailleurs qu’il prend des mesures pour s’attaquer aux problèmes de violence contre les femmes autochtones, comme la mise sur pied d’une base de données ADN sur les personnes disparues, et la mise en place de peines plus sévères pour les meurtres, les agressions sexuelles et les enlèvements.

Selon une porte-parole du ministre de la Justice Peter MacKay, il n’est pas nécessaire de réaliser une nouvelle étude «en plus de la quarantaine d’autres déjà réalisées» sur le sujet. Selon cette porte-parole, il faut plutôt que la police arrête le meurtrier «et s’assure que le ou les coupables soient punis avec toute la rigueur de la loi».

Plusieurs premiers ministres provinciaux, dont l’ontarienne Kathleen Wynne, le manitobain Greg Selinger et le saskatchewanais Brad Wall, se sont exprimés au cours des derniers jours pour demander à Ottawa de changer d’avis. Selon Mme Wynne, les commentaires de M. Harper sont «scandaleux» et laissent entendre que le premier ministre ignore les problèmes systémiques sous-jacents à la violence à laquelle sont exposées les femmes autochtones.

De son côté, M. Wall affirme que les provinces font front commun avec les leaders autochtones dans ce dossier.

«La Saskatchewan comporte un important taux de membres des Premières Nations et de Métis… alors nous aimerions qu’il y ait une enquête», a-t-il dit en entrevue. «Nous devons nous pencher sur un élément sociétal, et les provinces et le gouvernement fédéral ont leur part de responsabilité à cet égard.»

Michèle Audette, présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada, estime qu’une enquête pourrait prendre des années, et elle aimerait donc qu’un groupe de travail fédéral-provincial soit mis sur pied rapidement pour accélérer les choses.

Ce groupe réunirait les ministres responsables de divers programmes concernant les Premières Nations. «Cela nous aiderait à cesser de travailler en silos», a-t-elle confié en entrevue. «Et cela aiderait à réparer la relation mise à mal entre les Autochtones et le gouvernement actuel… Si le gouvernement fédéral dit non à cela, c’est sûr qu’il y a un énorme problème.»

Les chefs de police s’y opposent

L’Association canadienne des chefs de police a décidé, de son côté, de s’opposer à la tenue d’une enquête publique sur les femmes autochtones disparues ou assassinées, réclamant plutôt que tous les ordres de gouvernement agissent immédiatement pour s’attaquer aux problèmes sous-jacents ayant fait en sorte que ces femmes deviennent plus vulnérables aux crimes et à la violence.

Le président nouvellement élu de l’association, Clive Weighill, a précisé mardi que le conseil d’administration s’était réuni pour discuter du dossier, et que ses membres avaient exprimé leurs inquiétudes quant à la possibilité qu’un tel processus ralentisse la marche de la justice. Selon lui, plusieurs études ont déjà identifié les problèmes sous-jacents de pauvreté, de mauvaises conditions de vie, de racisme, de défis sociaux et de marginalisation.

M. Weighill estime que les statistiques sont effrayantes. Certaines études réalisées dans sa ville, Saskatoon, démontrent que les femmes autochtones sont de cinq à six fois plus à risque de se retrouver victimes que les autres femmes.

Selon lui, il ne s’agit pas seulement d’un problème politique, et l’association réclame des mesures coordonnées entre les services sociaux, de santé et d’éducation, en plus de la police.

Le premier ministre de l’Île-du-Prince-Édouard, Robert Ghiz, a indiqué que la demande pour une enquête était à l’ordre du jour de la réunion de Charlottetown, mais il se dit également intéressé par l’idée de table ronde. «Le dialogue est une bonne chose. Si une porte se ferme, vous pouvez toujours chercher à en ouvrir une autre.»

Les premiers ministres poursuivront leurs rencontres jeudi et vendredi. À l’ordre du jour figurent des dossiers comme l’innovation en santé, le commerce intérieur, la concurrence et le programme de travailleurs étrangers temporaires, a indiqué M. Ghiz.

Le projet à long terme de création d’une stratégie énergétique nationale fera aussi l’objet de discussions, mais le chef du gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard a fait savoir qu’il ne s’attendait pas à de grands progrès dans ce domaine, puisque les deux plus grands producteurs d’énergie du pays, l’Alberta et Terre-Neuve-et-Labrador, sont en voie de remplacer leur premier ministre.

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