Soutenez

Tony Accurso témoigne enfin devant la CEIC

Lia Lévesque - La Presse Canadienne

MONTRÉAL – L’homme d’affaires Antonio Accurso a commencé son témoignage tant attendu devant la Commission Charbonneau, mardi midi, non sans avoir tenté _ en vain _ de le faire sous ordonnance de non-publication. Et il est vite entré dans le vif du sujet, avec ses amitiés syndicales et l’aide financière du Fonds de solidarité dont il a bénéficié.

Sa requête pour ordonnance de non-publication, présentée dès le début des audiences mardi matin, a été rejetée par la juge France Charbonneau, qui a estimé qu’il était suffisamment protégé, notamment par l’engagement de la commission de ne pas l’interroger sur les faits en cause dans ses procès à venir.

Il a ainsi été appelé à raconter le contexte des amitiés qu’il a développées avec le défunt syndicaliste Louis Laberge, longtemps président de la FTQ, avec d’autres syndicalistes, et avec Robert Abdallah, ancien directeur général de la Ville de Montréal qui travaillait à l’époque pour Hydro-Québec.

Et, surtout, il a aussi expliqué son rôle dans la naissance du Fonds de solidarité de la FTQ et l’aide financière dont il a bénéficié du fonds au fil des ans pour ses différentes acquisitions.

Tony Accurso a commencé avec une centaine d’employés; ultimement, il en a eu 3500, à force d’acquisitions et d’embauches. D’un chiffre d’affaires de 15 à 20 millions $, il est passé à 1,2 milliard $.

Tout au long de son témoignage, il s’est présenté comme un Québécois, «fier d’être Québécois», et qui tenait à garder les entreprises et les emplois au Québec _ avec l’aide du Fonds de solidarité de la FTQ.

«Le Fonds, c’est la meilleure institution au Québec, pour aider les Québécois», s’est-il exclamé, expliquant à quel point le Fonds a comblé un vide en matière d’accès à du capital-risque pour les entreprises québécoises, dont les siennes.

Mais il a aussi rapporté au Fonds: un rendement de 13 pour cent, a-t-il estimé. «Pendant 19 ans, c’est 95 millions $ que j’ai donné au Fonds en profits», a-t-il lancé, ajoutant que les deux avaient bénéficié de la relation.

M. Accurso a pris la succession de son père dans la firme de construction Louisbourg, après son décès, au tout début des années 1980. «J’ai compris que pour réussir, on ne peut pas faire comme les autres. Les chantiers compliqués m’intéressaient; les grands travaux», a-t-il illustré.

C’est un dénommé Marcel Melançon _ qui est plus tard devenu son associé _ qui lui a présenté le tout-puissant Louis Laberge à la fin de 1980. M. Laberge deviendra plus tard le fondateur du Fonds de solidarité de la FTQ.

Et il a fallu que M. Melançon insiste, puisque l’ingénieur et patron d’une entreprise de construction qu’était Antonio Accurso ne voulait pas rencontrer le redoutable syndicaliste.

«J’avais peur», a-t-il expliqué à la commission d’enquête, rappelant que M. Laberge avait été emprisonné avec d’autres chefs syndicaux (dans les années 1970) et qu’il avait fait parler de lui à la Commission Cliche (sur l’industrie de la construction et le chantier de la Baie James).

«Faire face à monsieur Laberge, dans ces années-là, c’était quelque chose», a-t-il ajouté.

Mais M. Melançon a fini par le convaincre et MM. Laberge et Accurso sont devenus de vrais amis. «On pouvait parler de tout. Il comprenait tout, comme les difficultés des entrepreneurs d’avoir accès au capital. Mais il voulait que les travailleurs soient bien payés sur les chantiers», a rapporté M. Accurso.

Dès 1982, Louis Laberge lui parle de son projet de créer un fonds pour donner accès à du capital-risque pour les entreprises québécoises qui n’en ont guère à l’époque, puisque les banques sont frileuses devant le risque. Et M. Laberge voyait un avantage dans ce fonds pour maintenir, voire créer des emplois.

Louis Laberge a donc obtenu 10 millions $ du gouvernement du Québec pour créer son fonds, 10 millions $ du gouvernement fédéral de Brian Mulroney, le reste venant de 150 investisseurs qu’il avait recrutés. Chacun devait donner 10 000 $ ou 15 000 $, selon ce que se rappelle M. Accurso, qui a été un de ces contributeurs, donc un actionnaire du fonds dès le départ.

Il ne s’en cache pas: Louis Laberge a été «mieux qu’un banquier» pour lui.

«J’ai fait beaucoup d’affaires avec le Fonds de solidarité. Et dans chacun des investissements, ils m’ont demandé de donner ma garantie personnelle, avec toutes mes entreprises pour tous les investissements. Autrement dit, le risque n’était pas si fort que ça. Probablement que parce que j’étais ami avec eux autres, ils voulaient être sûrs de ne pas manquer leur coup», a-t-il justifié.

Une autre de ses entreprises, Marton _ qui appartenait à Marcel Melançon et Tony Accurso, d’où la contraction des prénoms Mar-Ton _ a construit le siège social de la FTQ, visible depuis l’autoroute Métropolitaine. «C’est digne de la Banque du peuple», a lancé M. Accurso, en faisant référence au Fonds de solidarité qui occupait le même édifice à l’époque.

L’homme d’affaires a expliqué sa philosophie des affaires: l’intégration verticale. Il a donc voulu acquérir des entreprises susceptibles de lui fournir les matériaux dont il avait besoin au chantier: asphalte, pierre concassée, blocs de béton. Il pouvait ainsi «se» donner un bon prix et être plus concurrentiel que les autres entrepreneurs. Et il y a réussi souvent.

La recette de son succès, il l’a expliquée par l’accès aux matériaux de qualité à bon prix, la qualité de sa main-d’oeuvre, l’accès au capital-risque _ notamment grâce au Fonds de solidarité _ et le leadership.

Il a beau avoir eu des amitiés en haut lieu avec la FTQ, il assure que «ce n’est pas important à qui tu parles; c’est ton projet qui est important». Et si celui-ci n’est pas intéressant, le Fonds de solidarité n’y investira pas. Car le Fonds, avant d’investir, se questionne non seulement sur les aspects financiers, comme une banque, mais il interroge aussi l’entreprise sur son respect des conventions collectives, ses relations avec ses travailleurs et son dossier en santé et sécurité au travail, a-t-il fait valoir.

Son témoignage se poursuivra mercredi et toute la semaine.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.