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Rentrée à Québec: l'année des mauvaises nouvelles

Photo: Clement Allard

QUÉBEC – La rentrée parlementaire de mardi à l’Assemblée nationale marque le coup d’envoi d’une année politique faite de compressions budgétaires et de remise en question des services gouvernementaux, sur fond de relations de travail tendues.

«C’est un message de redressement et de relance» que le gouvernement veut livrer à la population, à l’occasion de la rentrée parlementaire, a indiqué le premier ministre Philippe Couillard, lundi, en point de presse, reconnaissant que la période qui débute n’annonçait rien de «facile».

L’année politique promet d’être ardue sur plusieurs plans pour le gouvernement Couillard, qui a fait du retour à l’équilibre budgétaire en 2015-2016 un véritable dogme et semble prêt à en payer le prix.

Majoritaire et en début de mandat, il a tout intérêt à annoncer dès l’automne et dans le budget de mars prochain les mauvaises nouvelles, quitte à devoir composer avec la grogne de la population, dans l’espoir que les cieux seront plus cléments lors du prochain rendez-vous électoral, en 2018.

La table est mise pour une rentrée parlementaire corsée, même si l’opposition officielle, formée par le Parti québécois, aura d’autres chats à fouetter, occupée hors de l’enceinte du parlement à choisir son prochain chef.

À court terme, sur le plan législatif, deux dossiers risquent de donner le ton. Le projet de loi 3 sur le financement des régimes de retraite des employés municipaux, que Québec veut adopter le plus rapidement possible, soulève la colère des grandes centrales syndicales, qui n’ont pas l’intention de lâcher prise. Piloté par le ministre des Affaires municipales, Pierre Moreau, il en est rendu à l’étape du dépôt des amendements et de l’examen article par article. Le partage de la facture entre les municipalités et les employés des déficits passés des caisses de retraite, qui totalisent 5 milliards $, est au coeur du conflit. Québec veut imposer un partage 50-50, tandis que les syndicats refusent le «mur à mur».

Dans les prochains jours, l’Assemblée nationale pourrait aussi débattre en quatrième vitesse d’un projet de loi spéciale sur l’étalement de la hausse de rémunération des médecins, dans l’hypothèse où les deux parties ne réussissent pas à s’entendre incessamment. Encore là, le gouvernement a réussi à se mettre à dos un puissant lobby, celui des médecins, qui lui tient tête. L’enjeu: une somme d’environ 900 millions $ d’augmentation, qui devait être répartie sur deux ans, mais que Québec veut désormais étaler sur une dizaine d’années. Sans le sou, le gouvernement veut surtout pouvoir verser les sommes dues durant les deux dernières années d’une nouvelle entente, donc loin dans le temps, une proposition jugée totalement inacceptable par les deux fédérations de médecins.

L’effort qui sera demandé à la population pour assainir les finances publiques est «majeur», a reconnu M. Couillard, et «tout le monde doit y participer», a-t-il dit lundi en visant les médecins.

En parallèle, dès le mois d’octobre, le gouvernement doit entreprendre un marathon de négociation avec les syndicats des employés du secteur public, annonçant d’emblée que sa marge de manoeuvre était bien mince.

Pour espérer atteindre son objectif, le gouvernement doit mettre tout en oeuvre pour freiner la croissance de ses dépenses. En tenant pour acquis que 60 pour cent du budget de l’État est versé en salaires aux fonctionnaires, la tentation sera forte pour le gouvernement de leur serrer la ceinture, provoquant la colère des syndicats.

De toute façon, quels que soient les sacrifices imposés à la fonction publique ou négociés avec elle, ce ne sera pas suffisant pour combler le manque à gagner de 3,7 milliards $ qui permettra de boucler le budget. Le contrôle des dépenses devra donc nécessairement passer par une remise en question de nombreux services gouvernementaux et de la manière de les financer.

Dirigée par Lucienne Robillard, l’équipe chargée de passer au peigne fin tous les programmes gouvernementaux et d’identifier ceux qui devraient être abolis ou financés autrement doit remettre un premier rapport d’étape en octobre.

Dans les semaines qui suivront, on s’attend à ce que le ministre des Finances, Carlos Leitao, dépose une mise à jour économique qui devrait déjà inclure des mesures de compressions.

Dans ce contexte d’austérité budgétaire, bien des sujets d’intérêt risquent d’être laissés dans l’ombre, comme la question identitaire. À la suite de l’échec du controversé projet péquiste de charte de la laïcité, le gouvernement Couillard reviendra à la charge avec son propre projet de laïcité de l’État cet automne.

La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, va présenter un projet de loi en ce sens, qui sera assurément bien plus modéré que ce que proposait l’ancien gouvernement.

Le gouvernement répétera que les libertés fondamentales ne sont pas négociables et il se bornera à affirmer la neutralité religieuse de l’État, proclamera que les services publics devront être donnés et reçus à visage découvert, et annoncera un mécanisme de lutte à l’intégrisme religieux.

D’autres projets de loi devraient retenir l’attention des parlementaires, en principe. Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, prévoit revoir et resserrer les conditions d’admission au programme de procréation assistée.

Soucieux de faire preuve de transparence, Québec veut par ailleurs réviser les lois ayant trait à l’accès à l’information, notamment celles portant sur les contrats gouvernementaux.

Pour relancer le Plan Nord et attirer des investisseurs, Québec déposera un projet de loi visant à créer la Société du Plan Nord.

Le programme du gouvernement est donc fort chargé et les élus ont moins de trois mois pour mener à terme leurs projets, d’ici l’ajournement des travaux prévu le 5 décembre.

En marge du tourbillon de l’automne, le gouvernement Couillard devrait subir un premier test de popularité à l’occasion d’une élection complémentaire dans la circonscription de Lévis, désertée récemment par l’ex-député caquiste Christian Dubé. Québec devrait annoncer très bientôt la date du scrutin, avant de procéder aux mauvaises nouvelles et ainsi s’exposer à une opinion publique éventuellement défavorable.

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